Il y a seulement quelques semaines, Mario Monti apparaissait comme le plus grand espoir de l’Italie, un technocrate compétent se plaçant au-dessus des querelles politiques et capable de sauver le pays de la crise de la dette et des turpitudes des marchés financiers. Mais quinze jours après sa prise de fonction, le nouveau premier ministre doit déjà faire face à de nombreuses oppositions. La lune de miel semble bien terminée.
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Économiste respecté, eurocrate d’expérience, Mario Monti a démarré sur les chapeaux de roue. Prenant ses fonctions le 16 novembre, deux jours plus tôt que prévu, il a présenté, sans attendre, ses premières mesures d’austérité et a sollicité, dans la foulée, un premier vote de confiance pour son gouvernement – un vote remporté avec une majorité écrasante. Tout cela avec quatre jours d’avance sur son calendrier.
Le gouvernement qu’il a formé – composé de diplomates, de dirigeants du secteur privé, d’universitaires et de technocrates – a été salué quasi unanimement. Monti a déclaré que les Italiens allaient devoir faire des sacrifices, mais il a promis que ces sacrifices seraient répartis le plus équitablement possible. Dans les sondages, sa cote de popularité a atteint des sommets. Mais, depuis, il semble que la belle mécanique se soit enrayée quelque peu.
De droite à gauche, les partis politiques ne facilitent pas la tâche au professeur
Il n’aura fallu que quelques jours pour que les querelles politiques redémarrent :
– Les alliés de Berlusconi ont menacé de retirer leur soutien au gouvernement Monti dans l’hypothèse où celui-ci déciderait de rétablir l’« impôt sur la fortune » abrogé par l’administration précédente ;
– Les séparatistes de la Ligue du Nord, qui étaient membres de la coalition de Berlusconi, ont refusé leur soutien à un projet de loi visant à donner la citoyenneté italienne aux enfants nés en Italie de parents immigrés ;
– Les parlementaires du centre gauche ont supplié Monti de retarder le relèvement de l’âge de la retraite ;
– Des partis politiques, de droite comme de gauche, lui ont barré la route, en bloquant ou en retardant systématiquement l’approbation de mesures à l’ordre du jour.
La situation est devenue si critique que l’Union européenne a envoyé rapidement des observateurs à Rome.
L’Italie redevient l’Italie…
« Il n’a pas fallu trop de temps à l’Italie pour redevenir l’Italie », commente Mario Andrea Ventimiglia, un politologue de l’Université des Pouilles. « La lune de miel de Mario Monti semble n’avoir duré environ que quinze minutes. »
Le journaliste Stefano Quintarelli va encore plus loin : « Parfois l’Italie est comme un train laissé sur une voie abandonnée, avec plein de gens qui se disputent pour avoir la place à côté de la fenêtre. »
Les investisseurs n’ont pas été impressionnés par ces développements italiens. Si la Bourse de Milan a bondi lorsque Berlusconi a démissionné, elle a recommencé à perdre du terrain depuis que Monti a pris ses fonctions.
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La prise de fonction de Monti ne rassure pas les marchés
Le rendement des obligations italiennes est resté obstinément au-dessus du seuil de 7 %, le même seuil qui a précédemment poussé l’Irlande, le Portugal et la Grèce à demander de l’aide à l’UE.
Plus grave encore, peut-être, l’euro a perdu du terrain vis-à-vis du dollar et les autres devises, en tombant à son plus bas niveau depuis septembre, seulement dix jours après la prise de fonction de Mario Monti.
Ce qui apparaît étrange, c’est que le prix que l’Italie doit payer pour refinancer sa dette est plus élevé dans le court terme que dans le long terme, alors que, dans des circonstances normales, c’est exactement le contraire. Jeudi, le marché des obligations a clôturé sur un rendement de 7,02 % pour les obligations à dix ans et de 7,37 % pour les obligations à trois ans. Cela signifie que les investisseurs sont plus préoccupés par la santé économique du pays au cours des trois prochaines années que sur les dix prochaines années.
Cela ressemble bien à une « pénalité politique ». Car, les perspectives à long terme ne sont pas plus brillantes : le pays est aux prises avec une population vieillissante, une baisse de productivité, un chômage élevé des jeunes et une confiance des consommateurs aux plus bas, une perte de compétitivité et, en plus, une dette publique massive.
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Le gouvernement se concentre sur le paiement de la dette. Les politologues demandent des réformes politiques
Mais ce qui compte vraiment à court terme, selon les observateurs, sont le personnel politique du pays et leurs choix.
Jusqu’ici, le gouvernement technocratique de Monti a clairement fait savoir que le paiement de la dette et la relance de la croissance économique sont de loin sa priorité. Même des ministres aux portefeuilles éloignés des questions économiques sont du même avis : le ministre de l’Environnement, par exemple, veut être sûr que les questions environnementales ne barrent pas la route à la production industrielle, et le ministre de la Culture veut promouvoir les richesses artistiques et historiques du pays pour attirer plus de touristes, tout en ajoutant un impôt sur les séjours en hôtel.
Les analystes estiment que le nouveau gouvernement pourrait faire encore mieux en se focalisant sur la stabilité politique, en essayant de mettre un terme aux luttes parlementaires, en améliorant la transparence dans le secteur public, et en faisant passer des réformes politiques difficiles. Ces mesures permettraient d’augmenter les chances pour que le prochain gouvernement jouisse d’assez de stabilité pour préserver et renforcer les institutions démocratiques du pays.
En attendant, l’Italie continuera d’être l’Italie, indépendamment du fait qu’elle est dirigée par un technocrate.
GlobalPost/Adaptation Melania Perciballi pour JOL Press