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Washington s’inquiète, mais ne compte pas aider

[image:1,l]Jour J, ou presque… Tous les espoirs des Européens reposent sur le sommet de Bruxelles du 8 et du 9 décembre pour sauver l’euro et l’Europe ! À la veille de ce rendez-vous « décisif », le secrétaire au Trésor américain, Timothy Geithner, fait le tour des capitales et rencontre, les uns après les autres, les principaux dirigeants de l’Union. Pourquoi faire ? Quel jeu jouent donc les États-Unis dans cette terrifiante affaire ?

Les tournées européennes de « l’inspecteur » Timothy Geithner

[image:2,s]Mardi 6 décembre, le secrétaire au Trésor américain est arrivé sur le Vieux Continent pour une visite de trois jours. Au programme de ses rencontres : Mario Draghi, le nouveau président de la BCE, à Francfort et Wölfgang Schaüble à Berlin, hier, Nicolas Sarkozy et François Baroin à Paris, ce matin, Mariano Rajoy, le futur Premier ministre espagnol, à Marseille, ce soir, et Mario Monti à Rome, demain jeudi… Jeudi 8 décembre, premier jour du Sommet européen de Bruxelles, rendez-vous décisif pour le sauvetage de l’euro.
Déjà, à la mi-septembre, Timothy Geithner s’était invité en Pologne à une réunion des ministres des Finances de l’Eurogroupe pour faire passer le message de l’administration américaine. Une première !

La raison de la venue Timothy Geithner est claire : les États-Unis sont inquiets

Au cours des derniers mois, les États-Unis ont pressé, à plusieurs reprises, les Européens d’agir au plus vite pour apporter une réponse à la crise qu’ils traversent.
Le président Barack Obama est intervenu dans le même sens lors du G20 de Cannes, le 3 et le 4 novembre dernier, et avait participé à des réunions organisées entre Européens en marge du sommet.
« Je suis ici pour souligner à quel point il est important pour l’économie américaine et l’économie mondiale que l’Allemagne et la France réussissent à construire une Europe plus forte », a ainsi déclaré Timothy Geithner, lors d’une conférence de presse avec son homologue allemand, Wolfgang Schaüble.
La véritable inquiétude des Américains est celle d’une contagion de la crise européenne, à leur économie et à d’autres régions du monde.

Les Américains ne manifestent aucune intention d’aider financièrement l’Europe

[image:3,s]« Les yeux du monde entier sont tournés vers l’Europe », a ajouté le ministre américain, à Berlin, sans rien promettre d’autre que de « continuer à soutenir un rôle constructif » du Fonds monétaire international dans la gestion de la crise.
Les États-Unis soutiennent un « rôle constructif » du FMI mais ne soutiennent pas l’organisation internationale et sa directrice générale, Christine Lagarde, alors qu’elle cherche depuis plusieurs mois à augmenter ses ressources pour pouvoir éventuellement intervenir davantage qu’elle ne le fait en Europe.
Pour Washington, le FMI dispose des ressources nécessaires pour mener sa mission dans les conditions actuelles. C’est ce qu’a indiqué en substance à la presse un haut responsable du Trésor, vendredi 2 décembre, affirmant que les États-Unis excluaient d’augmenter leur ligne de crédits au Fonds. « Il n’y a eu aucune discussion sur une augmentation des engagements des États-Unis envers le FMI ou sur la création de nouvelles obligations pour le pays vis-à-vis de l’UE », avait tenu à préciser William Kennard, l’ambassadeur des États-Unis auprès de l’Union européenne, en marge du sommet entre l’UE et les États-Unis à Washington, le 28 novembre.
Celui-ci avait même jugé bon de déclarer que son pays voulait « proposer à l’Europe ses conseils et ses recommandations ». Fermez le ban !

Un désintérêt de l’administration Obama pour le Vieux Continent…

[image:4,s]Depuis l’élection de Barack Obama, il y a trois ans, tant ont été écrits sur le fait que ce président américain serait moins intéressé par l’Europe que même le plus isolationniste de ses prédécesseurs : une question de génération et d’éducation – il est né le 4 août 1961 à Honolulu, sur l’île d’Hawaï au milieu du Pacifique et a grandi pour partie en Indonésie -, mais, surtout, la reconnaissance pragmatique d’un basculement stratégique dans le cadre duquel la région Asie-Pacifique est devenue, de fait, le centre économique – et politique – du monde. Et ainsi, son administration, par son approche de la crise européenne, viendrait corroborer cette thèse, tout en y associant quelques vieux relents du paternalisme, ou sentiment de supériorité, américain vis-à-vis de l’Europe d’après-guerre.
Que vient donc faire Geithner s’il n’a à nous proposer, pour panser nos plaies béantes, que conseils et leçons : « Timothy, go home ! » oseront peut-être certains…

… ou aveu de faiblesse et de lucidité ?

La réalité est sans doute bien plus prosaïque…
Le président Barack Obama, le secrétaire au Trésor Timothy Geithner ou les dirigeants de la Federal Reserve s’inquiètent presque tous les jours des retombées éventuelles de la crise européenne, dans le cas où celle-ci viendrait à empirer gravement, sur l’économie américaine. Et la raison de cette inquiétude, est leur impuissance : quand bien même elle le voudrait, il n’est pas certain que l’Amérique soit en mesure de soutenir directement l’Europe. Il est loin le temps du plan Marshall…

Le déficit budgétaire des États-Unis représente environ 100 % du PIB du pays et celui-ci, a rappelé M. Geithner à Berlin, fait « face à des défis économiques très difficiles ». De plus, toute aide directe éventuelle devrait recevoir l’aval du Congrès, ce qui semble très difficile vu la condescendance voire l’hostilité qui se développe vis-à-vis de l’Europe parmi les élus.
Il n’y pas grand-chose que les Américains puissent faire à part répéter, comme le fait, ces jours-ci, Timothy Geithner, l’incantation habituelle : « Remettez votre économie sur pied ». En réalité, le gouvernement américain s’est sans doute montré, jusqu’ici, très conscient des limites de son influence face à la réalité du monde actuel.

Et mieux vaut sans doute cela que des promesses jamais tenues.

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