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Convergence ou divergence, une nouvelle vision du métier des médias

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On recommence à beaucoup parler de la célèbre « convergence des médias ».


Avec un certain esprit d’anticipation Jean-Marie Messier s’en était fait l’apôtre visionnaire.


Derrière ce concept se cachait une idée simple dans sa formulation : tous les Médias allaient, dans un horizon de temps sans doute très bref, se rapprocher et les barrières allaient se désagréger, d’où le terme de « convergence ». 


C’est ce que l’opinion en a retenu et qui assez loin de s’être produit.


Les contenus et les tuyaux


Pourtant une convergence peut en cacher une autre.


Les penseurs de l’époque faisaient en effet apparaître une différenciation entre les contenus et ceux qui les transportent, aimablement qualifiés de « tuyaux ».  Pour la première fois on affirmait, certains diront cyniquement, qu’il s’agit de deux métiers différents dont on soulignait la différence de nature (à rebours de Mc Luhan, pour qui médium et media sont indissociables), pour mieux prévoir que les opérateurs seraient sans doute rapidement les mêmes…


La véritable convergence était celle-ci et portait donc en soi une forme de contradiction : elle affirmait une différence pour ensuite pronostiquer sa disparition rapide.


Eclipsée par l’effondrement de la bulle Internet, par la polémique parasite sur la « fin de l’exception culturelle française » et la flamboyante extinction de l’ère Messier, la compréhension de ces deux idées, de séparation contenus/tuyaux puis de convergence, a été renvoyée à des temps meilleurs.


Les journaux ont délégué leur distribution


Le temps de l’avènement de la convergence est-il venu ?


Je ne mettrais pas en discussion la différenciation entre contenus et vecteurs.


Cette idée simple est, au contraire, une clé de lecture essentielle.


Elle permet de comprendre l’avenir et de s’adapter à toutes les évolutions de ces dernières années comme à celles à venir.


Curieusement elle n’a rien de nouveau dans le domaine de la presse, par exemple : les journaux nationaux ont quasiment tous depuis toujours délégué leur distribution à des sociétés spécialisées (les messageries dont notamment les Nmpp historiques) et même très souvent leur fabrication.


Les supports de réception ont changé


Parce qu’usages et technologies ont poursuivi leurs évolutions, je voudrais y ajouter deux  éléments supplémentaires, que l’on appréhende mieux aujourd’hui : 


-au temps du numérique les vecteurs ne sont pas uniquement des « tuyaux », ils sont infiniment plus complexes et on devrait d’ailleurs plutôt parler de réseaux, de plateformes et standards techniques.


-au bout des « tuyaux » se trouvent des supports de réception pour les utilisateurs, ce sont les terminaux que nous connaissons tous et qui désormais font partie de notre vie de citoyens numériques (smartphones, écrans d’ordinateurs fixes ou mobiles, tablettes). Là aussi il ne s’agit pas d’outils passifs, bien au contraire, ils sont maintenant reliés en continu à l’internet (par le biais du « nuage ») et sont des bijoux de technologie aux immenses possibilités.


Nouvelle problématique pour la presse


Jusqu’à l’époque du numérique, chaque média se spécialisait sur un « tuyau » : le papier pour la presse et les ondes hertziennes pour la radio puis la Tv.


En quelques années les citoyens, que nous sommes tous, ont adopté un foisonnement de nouvelles sources : nouveaux terminaux, nouveaux tuyaux…


Pour les créateurs de contenus que sont les médias, la problématique est donc révolutionnaire et extrêmement simple à comprendre : s’ils veulent toucher les citoyens, il leur faut prendre en compte ces nouvelles réalités et s’adapter sans a priori et avec une flexibilité maximale aux pratiques et aux équipements de leurs lecteurs et auditeurs.


Ils doivent apprendre à utiliser tous les « tuyaux » et terminaux, existants et à venir, et y « pousser » leurs contenus.


On visualise dès lors une image non pas de convergence mais de « divergence » ou de rayonnement : d’un cœur de contenus  partent, dans des directions différentes, des « tuyaux » qui transportent les contenus et vont les déverser pour alimenter des terminaux.


S’adapter à l’utilisateur


L’image est celle d’un « matériau noble » (le contenu) qui voyage à la rencontre de ses clients/consommateurs/lecteurs/auditeurs/spectateurs/internautes par tous les moyens qu’auront choisi ces mêmes utilisateurs et qui leur permettront de les recevoir. 


Comme l’écrit le médiateur du Monde, Pascal Galinier (Le Monde 03/07/2011), « la mission d’un media est de faire la passerelle entre ceux qui « produisent » l’information – nous, journalistes – et ceux qui la consomment – vous, lecteurs ». On en revient ainsi à l’étymologie : un medium/media est un intermédiaire, littéralement « au milieu », il relie les contenus et ceux qui les consomment et le système en lui-même est agnostique, sans être prisonnier d’un canal.


Pour un groupe de presse, le papier devient donc un support pour véhiculer ses contenus, mais ne sera plus jamais le seul et sans doute à terme ne sera-t-il même pas le principal.


Logique…mais révolutionnaire !


Pour un groupe Tv, le raisonnement est exactement le même : le « canal historique » de la chaîne ne sera bientôt plus que l’un des moyens permettant au spectateur de recevoir ses contenus, complétés par de multiples autres écrans et manières délinéarisées de les visionner.


Cette nouvelle approche n’a rien de dévalorisant pour le monde journalistique, au contraire, mais pour tout groupe de médias moderne il s’agit d’une nouvelle architecture : passer d’une forme de « monolithe », mono-culture mono-support, à celle d’un « soleil » dont les rayons divergent…et rayonnent.


Le principe de base des médias dans un monde numérique est bien celui de la divergence.


La convergence entérine plutôt la formidable bataille qui vient de démarrer : les industriels des tuyaux ont compris qu’ils devaient posséder les contenus afin de contrôler l’ensemble de la chaîne de valeur.

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