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Deux ans après le séisme, le pouvoir guérisseur de l’art

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[image:1,l]Malgré un environnement dévasté, des douleurs en tout genre, des menaces et une grande pauvreté – sans oublier le climat tropical capricieux de l’île – Haïti a tenté par tous les moyens de se reconstruire après le séisme, y compris à travers l’art. Refusant de mettre un terme à leur histoire artistique, unique et formidable, les Haïtiens ne sauraient se laisser abattre par le manque de moyens.

L’art, symbole de l’indépendance

[image:2,s]Pour le peuple haïtien, qui a toujours vécu sous la mainmise des colons ou des chefs d’entreprises, l’art a toujours été utile pour s’échapper. Mais bien plus qu’un simple mode d’expression, l’art est aussi un moyen de revendiquer non seulement son indépendance personnelle, mais également l’indépendance de l’île face aux forces en présence. 

Lors de mon séjour sur l’île, j’ai eu l’occasion de rencontrer le musicien (et ancien candidat à la présidentielle) Wyclef Jean qui m’a fait part de son opinion sur la situation en Haïti : « Les Haïtiens sont intelligents et capables. Ils travaillent dur, sont pleins de ressources. Il faut juste les sortir des tentes et des camps pour les faire retourner dans de vraies communautés. Ils ont besoin de bâtiments pour exprimer leur potentiel, plutôt que de dons permanents. Tout peut changer. Ils ont juste besoin d’être aidés au début… » me disait-il en gesticulant dans tous les sens.

L’art vaudou mis à l’honneur

Un après-midi, afin d’avoir un aperçu de la scène artistique florissante haïtienne, le photographe Ron Haviv et moi-même, nous sommes rendus dans une communauté d’artistes du centre-ville, qui accueille pour la seconde fois sa « Biennale du Ghetto ». Là, l’essentiel des pratiques artistiques sont rudimentaires, influencées par l’Afrique de l’Ouest et ses cérémonies sacrificielles vaudoues. Cette religion est pratiquée par peu de personnes mais est connue (et crainte) de tous. Certains s’en inspirent pour produire des oeuvres artistiques puissantes.

La « Biennale du Ghetto » est une visite qui donne l’espoir. Les visiteurs sont en perpétuel mouvement. Sur la façade, se trouvent de grandes sculptures peintes en noir, anguleuses, sur lesquelles sont attachés des crânes humains, eux aussi peints en noir. « Oui, ce sont des vrais, » me précise un homme alors que je frappe l’un d’eux avec mon index. « L’artiste les a obtenus, parce qu’il vit près d’un cimetière. »

Davantage d’œuvres m’attendent à l’intérieur : des peintures où sont disposées des mâchoires ou encore des sculptures faites à partir de pneus usagés ressemblent à de sombres fantômes effrayants réalisées par un artiste appelé Cadet Gory.

Timoun Klere, un artiste engagé

Je rencontre enfin Timoun Klere, un artiste sculpteur dont le travail est mondialement reconnu. « J’ai exposé avec de nombreux artistes contemporains internationaux, comme Damian Hirst, » me dit-il, se référant à l’artiste conceptuel britannique de renommée mondiale, avant de me montrer le catalogue de la collection pour me prouver sa bonne foi.

En ce moment, beaucoup des sculptures de Klere sont de compliqués assemblages d’acier et de fils assemblés de façon à ce que l’ensemble ressemble à un corps humain. Il remplace souvent la tête par un clavier d’ordinateur. « Parce que, et bien, c’est ce que l’on devient, » m’a t-il confié. Sur certaines de ces sculptures humanoïdes, il a remplacé les pieds par des rollers « en souvenir du tremblement de terre. »

Il dirige une petite école d’art où il enseigne à des artistes d’une vingtaine d’années différentes méthodes, de la peinture à la sculpture multimédia. A l’intérieur du studio, les élèves travaillent dur. Alors que nous regagnons la rue, il a l’air joyeux malgré les deux dernières années qu’il qualifie de « dures » pour Haïti.

Une île étouffée par l’aide internationale

[image:3,s]« Je déteste dire ça mais, après le tremblement de terre, quand l’assistance humanitaire et toutes les ONG sont arrivées, Haïti est mort un peu plus. Les ONG se sont gardées tous les boulots quand elles sont arrivées. Elles distribuaient des biens, mais n’ont donné que très peu de travail aux Haïtiens. Ils en ont pourtant besoin. C’est de là que vient toute notre confiance. »

Il prit une pause une seconde et regarda, devant lui, le trafic frénétique sur l’un des boulevards principaux de Port-au-Prince. Il s’arrêta sur les visages des passants quand soudain, surgit le crépuscule. « Tu sais, » a t-il finalement dit avant de sourire et de secouer la tête. « Ce n’est pas que nous ne voulons pas d’aide, mais nous n’avons pas besoin de pitié. »

Après le cataclysme et ses dizaines de milliers de morts, près de 1,6 million de personnes déplacées et personne à blâmer, si ce n’est le destin. Les ONG, les gouvernements, les militaires et les civils se sont rués pour venir en aide à Haïti. Ce trop plein d’aide en a presque étouffé l’île…

GlobalPost/Adaptation Antoine Le Lay pour JOL Press

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