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Hamid Karzaï, homme de paille des Américains?

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[image:1,l]Attendu à Paris vendredi 27 janvier 2012, à l’occasion de sa tournée européenne, le président afghan Hamid Karzaï vient pour signer avec le président français Nicolas Sarkozy un traité de coopération dans les domaines militaire, de sécurité, d’éducation et de culture. Mais aussi pour évoquer avec son homologue français la question de la sécurité des militaires français, alors que quatre d’entre eux ont été abattus, vendredi 20 janvier, par un soldat afghan dont ils assuraient la formation. Mais Paris peut-il voir en ce protégé de l’Occident en mal de légitimité un interlocuteur fiable et durable ?

Le retour d’un exilé

À la fois allié des États-Unis et du monde occidental, mais également proche des talibans, Hamid Karzaï étonne lorsqu’il fait ses premiers pas sur la scène internationale en 2001. La guerre contre terrorisme atteint alors des sommets et l’Afghanistan reste la proie des chefs de guerre et des talibans. Mais le nouveau président afghan n’en est pas à sa première guerre. 

Il faut croire qu’Hamid Karzaï était destiné à la politique. C’est en effet au sein de la tribu des Pachtounes, l’ethnie majoritaire qui domine la politique afghane depuis les années 1880, dans le village de Karz, que le futur président afghan voir le jour le 24 décembre 1957.

Les ambitions de l’Union soviétique vont cependant venir rompre le calme de sa jeunesse. Le 27 décembre 1979, l’URSS envahit l’Afghanistan et le jeune Hamid et sa famille s’exilent au Pakistan.

Libéré de prison par un tir de roquette

Hamid Karzaï ne tarde par à rejoindre la résistance en occupant le poste de responsable du département de l’information et est nommé vice-ministre des Affaires étrangères quand les moudjahidine récupèrent Kaboul en 1992. Mais les combats incessants entre les chefs de guerre, qui sont également membres du gouvernement, ruinent peu à peu le pays et détruisent la capitale.<!–jolstore–>

Fatigué par ces rivalités, Hamid Karzaï souhaite remanier cette équipe. Sa mission se solde cependant par un échec et c’est en prison qu’il passera les mois suivants, soupçonné d’être un agent à la solde du Pakistan. Par chance, un tir de roquette vient détruire l’un des murs de sa cellule et lui permet de s’échapper. L’ONU lui propose alors le poste de représentant des talibans après la prise de Kaboul, en 1996, mais il refuse. 

Parachuté par les Américains

[image:2,xs,r]Repéré dans les années 1990 par Zalmay Khalizad, ambassadeur des États-Unis en Afghanistan depuis 2003, Hamid Karzai fera son retour à Kaboul en 2001. Héliporté par les forces spéciales américaines dans les montagnes de l’Uruzgan afin d’y rassembler quelques tribus pashtounes pour luter contre les talibans, il accède à la présidence afghane en décembre 2001 après la chute des fondamentalistes.

Désigné par la conférence de Bonn, son statut sera confirmé en juin 2002 par une Grande Assemblée, la Loya Jirga, avant d’être consacré lors de la première élection présidentielle au suffrage universel direct du pays, en octobre 2004. Avec 55,4 % des voix au premier tour, l’allié des Américains a réussi à séduire son peuple.

Le « maire de Kaboul »

Et pourtant « le maire de Kaboul », comme le surnomment certains qui tiennent à souligner les limites de son pouvoir, s’apprête à décevoir. Développement du commerce de l’opium, corruption des politiques, mainmise des chefs de guerre sur une grande partie du pays, manque de solutions concrètes, les reproches pleuvent, aussi bien des Etats-Unis que d’Afghanistan.

Le temps des déceptions et des alliances

« Nous avons fait du chemin. Depuis sept ans, le pays a progressé sur la voie de la paix et de la fraternité. Si vous votez pour moi, je vous promets que votre vie s’améliorera », assurait Hamid Karzaï à ses partisans à quelques jours des nouvelles élections présidentielles du 20 août 2009. La population reste néanmoins déçue par ses échecs successifs et les États-Unis l’accusent d’immobilisme. Les politiques en matière de santé et d’éducation ont marqué quelques-uns de ses rares succès, mais la violence continue de frapper le pays, déjà fragilisé par huit années de guerres.

Multipliant les alliances politiques afin de s’assurer du soutien nécessaire pour gagner une nouvelle fois la présidence, Hamid Karzaï tend la main aux talibans et aux chefs de clans.

Un scrutin entaché de fraudes massives

Mais ce nouveau scrutin ne se passe pas comme prévu. Karzaï est donné vainqueur face à son principal opposant, Abdullah Abdullah, ministre des Affaires étrangères, mais les élections sont rapidement invalidées pour fraude massive. Un second tour est organisé le 7 novembre et, suite au désistement d’Abdullah, qui pense avoir perdu d’avance, Hamid Karzaï remporte un nouveau mandat et est déclaré président par la Commission électorale indépendante de l’Afghanistan.

Négociations de paix avec les talibans

La guerre contre les talibans fait rage depuis une décennie, mais le président avance ses pions. Et en 2012, la faction d’insurgés Hizb-i-Islami semble enfin vouloir s’engager davantage dans des négociations visant à mettre fin au conflit. « Récemment, nous avons rencontré une délégation d’Hizb-i-Islami […] et nous avons eu des négociations, » a déclaré Hamid Karzaï lors d’une session du Parlement afghan. « Nous espérons que ces négociations pour la paix continuent et que nous aurons de bons résultats, » a-t-il continué avec l’assurance d’arriver, un jour, à mettre un terme à la guerre qui ruine l’Afghanistan depuis trop longtemps.

Début janvier, le président afghan a approuvé le principe de négociations bilatérales entre les talibans et les Etats-Unis, ainsi que l’ouverture d’un bureau de représentation des talibans à l’étranger (probablement au Qatar). Ce qui signifie qu’il sera, ipso facto, exclu de ces négociations. Accusé par beaucoup d’Afghans d’être la marionnette des Américains, Hamid Karzaï devra donc impérativement restaurer sa légitimité s’il veut se maintenir au pouvoir après le départ des troupes américaines en 2014.

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