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La chasse aux «enfants-sorciers»

[image:1,l] Ils risquent d’être abandonnés, de subir de mauvais traitements ou encore d’être assassinés par leurs proches ou par des chasseurs encouragés par les pasteurs évangélistes. Ils, ce sont ces enfants accusés de pratiquer la sorcellerie et qui, chaque jour, doivent subir les attaques de leur communauté. Rejetés par la société, la plupart d’entre eux errent dans les rues et luttent pour leur survie à la recherche d’un abri.

Un refuge pour échapper à la violence des exorcismes

[image:2,s] Un foyer, c’est justement ce que leur promet la Child’s Right and Rehabilitation Network (Crarn), une organisation non-gouvernementale qui a déjà pris en charge plus de 160 enfants abandonnés ou victimes de mauvais traitements après avoir été accusés de sorcellerie. « Tellement de gens ici croient que les enfants peuvent être possédés par les démons qu’il y a rarement d’actions entreprises contre ceux qui assurent pouvoir les libérer grâce à de violents exorcismes », témoigne Sam Itauma, un des responsables de l’association caritative. Comme les rares personnes qui soutiennent ces jeunes rejetés, Sam a déjà fait l’objet d’attaques physiques et verbales.

Parmi les victimes de ces pratiques barbares, Stella, une jeune « sorcière » livrée à elle même dans les rues du sud-est du Nigéria, qui a été recueillie par Jehu Tom, un employé du centre. Comme des centaines d’autres enfants, Stella a subi de nombreux sévices avant d’être jetée à la rue. Brûlures à l’acide, coups de couteau, tels sont les supplices endurés par une majorité de ces jeunes, forcés de se « confesser » et d’avouer leur relation avec le démon. Une jeune fille, Uma, a même reçu un clou de 7 cm dans le crâne.

Quand religion et superstition ne font qu’un

Ces prétendus sorciers et sorcières sont identifiés par les autorités religieuses d’églises locales, où croyances chrétiennes et traditionnelles ne font qu’un. Un ministère a même diffusé un message mettant en garde les habitants contre ces « enfants-sorciers » qui ont le pouvoir d’apporter la destruction, la maladie et la mort à leurs familles. Une fois possédés, ils seraient capables de jeter des sorts et de contaminer leur entourage.

Les responsables religieux offrent d’aider les familles dont l’un des enfants est accusé de sympathiser avec les forces maléfiques. Lors de séances organisées par les églises, les pasteurs tentent d’extirper les esprits démoniaques du corps des enfants. Mais chaque chose a un prix, et de telles pratiques peuvent coûter jusqu’à un an de salaire pour une famille nigérienne. Certains enfants se retrouvent donc à la rue.

Le poids d’une enfance traumatisante

Au moment où les jeunes arrivent au centre, ils ont souvent fini par croire à ces accusations de sorcellerie – même s’ils ne sont pas certains de la signification du terme. « Tu peux voler la nuit ? Alors montre moi ! », provoque Sam Itauma à l’arrivée de nouveaux enfants.

Beaucoup restent traumatisés par leur expérience. Au centre, ils font un premier pas pour s’intégrer à la communauté et retourner, un jour, à une vie normale. Avec de la chance, ils rejoindront peut-être leur famille, comme le souhaite l’ONG. « Les enfants devraient retourner chez eux, confie Itauma, mais aussi longtemps qu’ils ne seront pas en sécurité là-bas, nous prendrons soin d’eux. »

 

GlobalPost/Adaptation Antoine Le Lay pour JOL Press

 

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