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La Crise Chirac-Sharon huit ans plus tard

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Introduction

Les relations franco-israéliennes n’ont jamais suivie une évolution linéaire. En dent de scie, ces relations se sont particulièrement bouleversées de la période du 28 septembre 2000 (visite de Sharon à l’esplanade des Mosquées et déclenchement de la 2nde Intifada) au 14 avril 2006 (expiration du mandat de Sharon). 

Cette période est très intéressante à étudier sur plusieurs niveaux. Tout d’abord, au niveau international, des changements remarquables ont lieux suite aux attentats du 11 septembre 2001, à la guerre en Afghanistan à partir du 8 octobre 2001 et à la guerre en Irak qui débute le 20 mars 2003. Au niveau de l’histoire de l’État d’Israël, la période 2001-2002 constitue la phase la plus sanglante en matière d’attentats de son histoire. De plus, cette époque voit un rapprochement significatif de l’État hébreu avec les États-Unis, grâce à la proximité des visions en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme international. Les divergences de la France de Chirac avec l’allié américain ont des répercussions sur les relations françaises avec l’Israël. Ajouté à la tendance de la politique chiraquienne à l’égard des pays arabes et à la médiatisation des actes antisémites en France en 2004, la détérioration des  relations franco-israéliennes connait son apogée en juillet de la même année.

Aussi, pour avoir un bon aperçu de la position française à l’égard d’Israël en matière de politique extérieure, il faut  souligner certains facteurs caractérisant la pensée de ses acteurs :

Pour encadrer le contexte dans lequel s’est déroulé l’ensemble des soulèvements palestiniens, connu sous le nom de Seconde Intifada, il faut tenir compte de l’évolution politique au sein de l’autorité palestinienne et du désaccord d’une partie de la population juive sur les concessions prévues par le processus de paix israélo-palestinien désormais dans l’impasse.

La réflexion concernant les tensions franco-israéliennes inclut le processus de paix entre le gouvernement israélien et l’autorité palestinienne de 1995 à 2006, ainsi que la lutte contre le terrorisme international (brèves références à la position française sur la guerre en Irak de 2003). Pour synthétiser cet essai, la question libanaise et la position de la communauté juive française ne sont pas prises en compte.

Ainsi, nous allons analyser le déroulement qu’ont les relations entre la France et l’Israël à l’époque du mandat de Sharon en tant que 1er ministre. 

  1. Une impasse pour la paix, la reprise des hostilités

I.1. L’impasse du processus de paix

L’analyse du déclenchement de la seconde Intifada ne peut être dissociée de son contexte, avant et après ce déclenchement. La  situation est dégénérée sur le terrain  à la suite de l’assassinat d’Yitzhak Rabin en 1995 et de la politique hostile aux accords d’Oslo menée par son successeur Benyamin Netanyahu.

L’Accord intérimaire sur la Cisjordanie et la Bande de Gaza (Oslo II[3]) a été signé, entre Yitzhak Rabin, Premier ministre d’Israël et Yasser Arafat, Président de l’OLP à Taba le 24 septembre 1995. L’accord prévoit la création d’un Conseil législatif palestinien, dont les quatre-vingt membres sont effectivement élus en janvier 1996, renforçant la légitimité  du Président de l’Autorité palestinienne. Par ailleurs, la dynamique amorcée par le transfert de la bande de Gaza et de Jéricho,  est complétée d’un retrait militaire israélien des villes et villages palestiniens ainsi que des terres domaniales rattachées. Avec ces retraits, la Cisjordanie est morcelée en zones de trois types : les zones A [4](2 %), sous contrôle civil et militaire palestinien ; les zones B (26 %), sous régime mixte avec un contrôle civil palestinien et un contrôle militaire conjoint ; les zones C (72 %) entièrement sous contrôle israélien. [5]

Une modification du plan d’évacuation a été négociée lors des Accords de Wye Plantation. Ces accords politiques signés le 23 octobre 1998 par Yasser Arafat et Benjamin Netanyahou, Premier ministre de l’État d’Israël, en présence du Président américain Bill Clinton à la Maison blanche à Washington, préparent de nouvelles évacuations israéliennes sur 13% de la Cisjordanie. Le texte a été ratifié par la Knesset par 75 voix favorables contre 19 opposées à l’accord, le 11 novembre 1998.[6]

Deux ans après, le sommet de Camp David II[7] se déroule du 11 au 25 juillet 2000 en présence de Bill Clinton, d’Ehud Barak, Premier ministre de l’État d’ Israël et de Yasser Arafat. Le rapport final de ces entretiens tripartites établit des principes convenus pour mener les futures négociations :

Les trois principales raisons de l’échec de l’accord furent :

Le sommet de Camp David se termine par un échec. Ehud Barak rentre,  profil bas, en Israël le 26 juillet 2000. Il n’a plus de majorité au gouvernement et l’opposition du Likoud est de plus en plus hostile. Le 28 juillet, le ministre des affaires étrangères menace de démissionner estimant que Barak a accepté trop de concessions au sommet de Camp David. Au contraire, Yasser Arafat rentre à Gaza sous les applaudissements pour n’avoir rien cédé aux Israéliens après avoir rendu compte à Alexandrie au président égyptien de l’échec des négociations. Par ailleurs, lors d’une interview donnée à la télévision israélienne, le président Clinton a mis en garde les Palestiniens contre une proclamation unilatérale d’un état indépendant sans accord avec Israël.[11]

La poursuite des pourparlers, pendant les mois d’août et septembre qui suivent l’échec de ce sommet – avant que n’éclate la Seconde Intifada – et même après, puisque de nouvelles avancées[12] – les « paramètres Clinton » – font alors espérer une paix possible lors d’un ultime sommet tenu à Taba en janvier 2001.

Le Sommet de Taba de 2001 s’est tenu du 21 au 27 janvier 2001 à Taba dans la péninsule du Sinaï, en présence de Bill Clinton, Président des États-Unis, d’Ehud Barak et de Yasser Arafat. Pour Clinton, il s’agissait de sa dernière chance d’obtenir une victoire politique fondamentale à la veille de la fin de son deuxième mandat et dans le contexte de scandales qui l’affectaient aux États-Unis[13].

Les négociations de Taba furent relatées en détails dans un rapport non officiel de l’Union européenne[14], note toutefois que des différends importants demeurent mais qu’ils doivent être surmontés dans de futures négociations:

Si le sommet de Taba s’achève sur un communiqué commun aux deux parties, qualifiant de « sans précédent (…) l’atmosphère positive des discussions » et déclarant n’avoir « jamais été aussi proches d’un accord », les négociateurs estiment toutefois, dans le même communiqué, que la proximité des élections israéliennes ne permettait pas de surmonter les dernières divergences et qu’il convenait d’en attendre le résultat avant de reprendre les discussions.[16] Le 6 février 2001, Ariel Sharon remporte le scrutin.

I.2. La Seconde Intifada

Pour tout Palestinien, Sharon symbolise la répression brutale. C’était lui, le ministre de la Défense quand en 1982 lors de l’occupation militaire de Beyrouth, les miliciens phalangistes libanais ont eu le feu vert pour perpétrer les massacres dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila. Après qu’en Israël même une commission d’enquête l’avait jugé moralement responsable des exactions commises, il a été absent de la vie publique pendant des années.

Le 26 septembre, le leader du Likoud, Ariel Sharon avait annoncé son intention de vouloir se rendre sur l’Esplanade des Mosquées. Le chef des services de sécurité palestiniens prévient immédiatement le gouvernement israélien ; « Si Sharon se rend sur ce lieu religieux il y aura une révolte »[17]. Interrogés par des organes de presse sur les intentions de leur leader, les responsables du Likoud répondent de manière très évasive « Il n’est pas sûr que la visite aura lieu. Nous attendons l’avis de la police ».

Le 27 septembre, préoccupé par l’invitation d’Ariel Sharon à tous les membres de son parti à visiter avec lui l’Esplanade des mosquées à Jérusalem[18], Ehud Barak invite Yasser Arafat à diner à son domicile[19]. Il s’agit de la première rencontre entre les deux dirigeants depuis le sommet de Camp David II. Le statut de l’Esplanade des mosquées et du Mont du temple occupe l’essentiel de la conversation[20]. Arafat demande à Ehud Barak d’interdire la visite car il s’agit selon lui d’une provocation susceptible d’accroître les tensions entre les deux peuples et risque de provoquer de nouvelles émeutes. Le général Amos Guilad, chef d’Aman, et Yehouda Wilk, inspecteur général de la police, partagent ses craintes. Barak répond à Arafat qu’il ne peut pas s’opposer à la volonté d’un membre de la Knesset de se rendre sur l’endroit[21].

Le jeudi 28 septembre 2000, Ariel Sharon, chef de l’opposition (Likoud), se rend sur l’Esplanade des Mosquées-Mont du Temple à Jérusalem. En agissant de la sorte, Sharon gagne sur tous les tableaux : il se montre le plus brave défenseur des intérêts juifs, gagnant des points contre son adversaire politique Barak et contre son « allié » politique Netanyahu.

Le lendemain, les premiers heurts se déclenchent entre manifestants palestiniens et forces de sécurité israéliennes : ils marquent le début de la seconde Intifada. Lors de manifestations anti-israéliennes dans la vieille ville de Jérusalem, les Israéliens ouvrent le feu : sept Palestiniens sont tués et 220, blessés.

Le 30 septembre, Gaza et la Cisjordanie s’embrasent. Un enfant de 12 ans, Mohamad Al Doura, est tué dans les bras de son père, lors d’une fusillade qui éclate au carrefour de Netzarim, dans la bande de Gaza[22]. Sa mort est filmée en direct par un cameraman de France 2, qui assurera que les tirs venaient du côté israélien. L’émotion est internationale et Yasser Arafat appelle l’ONU à créer une commission d’enquête internationale, ce à quoi s’oppose le gouvernement israélien.

Le 3 octobre, un premier cessez-le-feu ne tient que la demi-journée. Ehud Barak et Yasser Arafat acceptent de rencontrer séparément Madeleine Albright à Paris, le 4 octobre, puis de continuer les négociations le 5 octobre en Égypte en présence du président égyptien Hosni Moubarak. La réunion de Paris semble, dans un premier temps, aboutir sur un accord de cessez-le-feu, à la création d’un comité technique de sécurité et sur le principe d’une commission d’enquête. Finalement, Ehud Barak remet finalement en cause l’accord et refuse de se rendre à Charm el-Cheik.[23]

Dans les jours qui suivent, les heurts se poursuivent. Kofi Annan, Secrétaire général de l’ONU, est dans la région ; il tente de convaincre Israéliens et Palestiniens d’accepter une rencontre sur la sécurité. Le jeudi 12 octobre, trois soldats israéliens sont lynchés à mort, puis défenestrés dans un commissariat de Ramallah. La réponse d’Israël est immédiate : les hélicoptères de l’armée bombardent Gaza, Ramallah, Jéricho, Naplouse et Hébron. [24]

Le 16 octobre, se déroule à Charm el-Cheikh  la rencontre « de la dernière chance » : outre le président de l’Autorité palestinienne et le premier ministre israélien, se retrouvent autour de la table le président des États-Unis Clinton, le secrétaire générale des Nations unies Kofi Annan, le président égyptien Moubarak, le roi Abdallah de Jordanie, le représentant de l’Union européenne pour la politique étrangère Javier Solana. Les Palestiniens réitèrent leur demande de création d’une commission d’enquête internationale pour déterminer les responsabilités dans le déclenchement de la crise tandis qu’Israël reste « absolument opposé à toute enquête internationale ». Le lendemain, un accord en trois points est finalement trouvé : « fin de la violence », mise en place d’une « commission d’enquête » sur les affrontements et reprise des négociations dans le cadre du processus de paix. La poursuite des attentats et des opérations militaires israéliennes marquent l’échec de cette rencontre.

Le 28 novembre, les députés de la Knesset adoptent une motion préconisant la dissolution de l’Assemblée israélienne et la convocation d’élections générales anticipées. Ehud Barak annonce sa démission[25], les élections sont prévues pour le 6 février 2001. En même temps, un gouvernement d’union nationale est à l’ordre du jour.

Sur initiative du président américain Bill Clinton, à la fin de décembre les négociations du processus de paix sont reprises. L’équilibre fragile du sommet de Taba collapse suite à l’élection d’Ariel Sharon, un vote de désapprobation à l’égard des concessions promises lors des accords. En fait, le 10 janvier 2001, le candidat du Likoud avait affirmé dans une interview à un hebdomadaire ultra-orthodoxe, que les accords d’Oslo, base du processus de paix israélo-palestinien, sont morts.[26]  Le 7 mars, à soixante-treize ans, le chef de la droite israélienne Ariel Sharon est investi premier ministre d’un gouvernement d’union nationale par le Parlement. Le gouvernement le plus nombreux dans l’histoire du pays, est soutenu par une coalition de huit partis lui assurant une majorité d’au moins 73 députés sur 120 à la Knesset.

Le 21 mai, une commission internationale présidée par l’ex-sénateur américain George Mitchell soumet un rapport appelant à la fin des violences, l’ouverture d’une période d’apaisement, l’adoption de gestes de bonne volonté, dont le gel de la construction des colonies juives, et la reprise des négociations. Les deux parties acceptent ces conclusions, mais avec des interprétations divergentes.

En visite à Paris, le 23 mai, Yasser Arafat souhaite la tenue « rapide » d’un sommet international pour appliquer les recommandations du rapport Mitchell et exige une pause immédiate dans la colonisation israélienne, en préalable au retour des pourparlers de paix : il faut que se tienne une réunion des membres de la réunion de Charm el-Cheikh et de la commission Mitchell le plus rapidement possible, afin d’œuvrer à l’application de ces recommandations, et d’établir à la fois un mécanisme d’application et un calendrier.

Le 1er juin, un attentat est commis dans une discothèque à Tel-Aviv faisant 21 victimes et 120 blessés, principalement des adolescents.[27] Cet attentat sera une des raisons invoquées par le gouvernement israélien pour la construction d’un mur de séparation ou clôture de sécurité majoritairement soutenu par la population israélienne.

Le 24 juin Ariel Sharon se rend en visite officielle aux États-Unis où s’entretient pour la deuxième fois avec le président Bush depuis sa prise de fonction à la tête du gouvernement. Des divergences apparaissent notamment sur le gel de la colonisation israélienne dans les territoires palestiniens et les conditions pour l’application du rapport Mitchell. Par conséquent, le secrétaire d’État Colin Powell entame une tournée au Proche-Orient. En cette occasion, Ariel Sharon se prononce une nouvelle fois contre tout démantèlement de colonies dans les territoires palestiniens : les colonies ne sont pas un obstacle à la paix.

Malgré les efforts diplomatiques américains d’un côté, et français de l’autre, la spirale de la violence croît en fréquence et en intensité.

I.3. La dégradation des relations franco-israéliennes

Les Français jouent un rôle significatif dans les tentatives visant à la cessation des actes de violence et à la reprise des pourparlers de paix. L’implication française intensive est influencée par des facteurs et des considérations d’ordre politique, stratégique et économique, auxquels s’ajoutent des motifs idéologiques, émotionnels et psychologiques.

 D’un point de vue politique, la position de la France au centre du monde arabe et ses relations avec les pays arabes revêtent un intérêt primordial pour le Quai d’Orsay. Depuis plus de 20 ans, la position française s’est consolidée vis-à-vis des Palestiniens. Déjà en mars 1982, le président François Mitterrand, dans son discours à la Knesset à Jérusalem, s’était prononcé en faveur de la reconnaissance par Israël du droit des Palestiniens à un État indépendant.[28]

D’un point de vue stratégique, le fait que ce conflit met en danger la stabilité du monde entier et non seulement la stabilité de la région explique l’implication diplomatique de Français dans les négociations.

D’un point de vue économique, la France craigne les répercussions économiques du conflit, en raison de ses investissements dans les pays de la région.[29]

En raison des considérations d’ordre idéologique et moral, la France motive ses efforts déployés en faveur du processus de paix et de la création d’un État palestinien. D’après le ministre des affaires étrangères français de Villepin, la France soutient que les moyens militaires ne peuvent pas résoudre les conflits et que seul le dialogue politique est capable de tendre vers la paix.[30] De plus, l’Union européenne et surtout la conciliation franco-allemande peut et doit servir de modèle pour la résolution du conflit israélo-palestinien.[31]

D’un point de vu émotionnel, le soutien apporté par la France aux Palestiniens est motivé par la sympathie traditionnelle qu’elle éprouve pour ceux qu’elle considère comme le côté faible dans le conflit israélo-palestinien.[32]

Les Français s’enorgueillissent d’avoir été les premiers à exprimer leur soutien à la création d’un État palestinien. Ils affirment également avoir réussi à faire adopter cette vision sur la scène internationale et même en Israël.

Cet ensemble des considérations rationnelles et des facteurs émotionnels et psychologiques a contribué à l’élaboration d’une attitude française pro-palestinienne, après le déclenchement de la deuxième intifada, et, par voie de conséquence, a provoqué de graves divergences d’opinions entre la France et Israël.

Le 4 octobre 2000, au moment où se tenait à Paris une conférence sous la tutelle de l’ambassade des États-Unis avec la participation de la Secrétaire d’État américaine Madeleine Albright, du Premier ministre d’Israël de l’époque Ehud Barak et du président de l’Autorité palestinienne Yasser Arafat, ces divergences éclatent. Le président français Jacques Chirac réserve alors un accueil chaleureux à Arafat. Barak, en revanche, a droit à l’Élysée à un accueil réservé, froid et même hostile. Chirac, pendant cette visite, critique sévèrement Israël qui, à son avis, utilisait une force disproportionnée contre une population occupée. Il mit en relief l’exemple de la France qui s’était retirée d’Algérie et exhorta les Israéliens à faire preuve de sagesse.[33]

Lors du refus d’Arafat de signer les documents élaborés au cours des longues discussions, les pourparlers entre Israéliens et Palestiniens se soldent par un échec. Ehud Barak impute la faute de cet échec à Chirac qui encourageait Arafat à ne pas signer tant qu’il n’avait pas obtenu de réponse à sa demande de créer une commission d’enquête internationale.[34] Chirac, selon Shlomo Ben-Ami –  alors ministre de l’Intérieur et des Affaires étrangères sous le gouvernement Barak – s’était montré déterminé à créer une commission d’enquête au cours de cette rencontre et Arafat a profité de cette occasion pour éluder la signature.[35]

Même si on accepte la version d’Hubert Védrine[36] et d’Élie Barnavi[37]  selon laquelle Chirac n’a pas directement encouragé Arafat à poursuivre ses actes de violence, il apparaît néanmoins, que ce dernier interprète l’accueil chaleureux réservé par les leaders français et les médias français comme un encouragement.

Les Français veulent à tout prix donner l’impression d’être des médiateurs impartiaux. Il apparaît pourtant que leur implication dans le processus était d’ordre émotif. On le voit bien dans les propos tenus par Lionel Jospin, le premier ministre de l’époque, lors d’une réunion avec le CRIF le 4 novembre 2000. Jospin souligna que, depuis de nombreuses années, la France avait investi beaucoup d’efforts en vue de parvenir à un accord de paix entre Israéliens et Palestiniens de concert avec les Américains.[38]

L’élection d’Ariel Sharon au poste de premier ministre en février 2001, et le durcissement des représailles militaires israéliennes, suscite de vives critiques de la part de la France.

Les Français exercent des pressions afin qu’Israël poursuive le processus de paix. La France qualifie les mesures prises par Israël dans sa lutte contre le terrorisme de disproportionnées, d’inefficaces et d’immorales en raison des atteintes portées à la population civile palestinienne. Néanmoins, Israël fait remarquer que la France n’accorde pas un poids semblable aux attentats-suicides contre les civils israéliens qui ravagent le pays. La France continue à voir en Arafat un partenaire pour la paix et à considérer que la politique d’Israël porte préjudice à l’aptitude d’Arafat de lutter contre les organisations terroristes.

Les attentats du 11 septembre aux États-Unis rendent la lutte contre le terrorisme une priorité. À partir du 8 octobre 2001, les français s’engagent à coté des États-Unis dans la guerre en Afghanistan. Ils n’ont cependant pas modifié la position de la France dans le conflit israélo-palestinien. Les Français écartent tout lien entre le terrorisme d’Al-Qaïda et le terrorisme palestinien. Ils se joignent à la coalition militaire contre Al-Qaïda, aux côtés des États-Unis, tout en soutenant que la solution au terrorisme palestinien découlerait essentiellement du renouvellement du processus de paix et de la création d’un État palestinien. Les Français déclarent même que le conflit israélo-palestinien porte préjudice à la lutte anti-terroriste mondiale.[39]

Malgré l’ « affaire du bateau Karine A » – une cargaison d’armes découverte en janvier 2002 par Israël qui a démontré le lien étroit entre l’Autorité palestinienne et les organisations terroristes mondiales –  la France continue à soutenir Arafat.[40]

Le 27 mars 2002, l’attentat de l’hôtel Park de Netanya[41] pousse le gouvernement israélien à lancer l’Opération Rempart qui a pour objectif une réoccupation partielle des territoires autonomes sous contrôle directe de l’autorité palestinienne afin de stopper les attentats. La France soutient Arafat pendant l’opération « Rempart » menée en mars-avril 2002. Même si les Français condamnent l’attentat, qui avait fait de nombreuses victimes civiles, ils continuent à réclamer qu’Israël fasse preuve de retenue. Tout au long de l’opération, Tsahal mena des combats difficiles dans les camps de réfugiés à Djénine subissant de lourdes pertes, convaincu que les terroristes Palestiniens se cachaient au sein de cette population. La France, malgré tout, adopte précipitamment la version mensongère des Palestiniens d’un massacre à Djénine et réagit en multipliant les initiatives diplomatiques anti-israéliennes grâce à son rôle majeur dans les formulations des décisions anti-israéliennes au sein du conseil de sécurité de l’ONU et au sein de l’Union européenne.[42]

  1. De la détente à la crise franco-israélienne

II.1. Reprise des négociations : feuille de route

Dans la nuit du 12 au 13 mars 2002,  le Conseil de Sécurité des Nations Unies adopte la résolution 1397, dont le texte intégral est :

« Le Conseil de sécurité,

Rappelant toutes ses résolutions pertinentes antérieures, notamment les résolutions 242 (1967) et 338 (1973),

Attaché à la vision d’une région dans laquelle deux États, Israël et la Palestine, vivent côte à côte, à l’intérieur de frontières reconnues et sûres,

Profondément préoccupé par la poursuite des événements tragiques et violents qui ont lieu depuis septembre 2000, en particulier les attaques récentes et l’augmentation du nombre des victimes,

Soulignant la nécessité pour toutes les parties concernées d’assurer la sécurité des civils,

Soulignant également la nécessité de respecter les normes universellement reconnues du droit international humanitaire,

Se félicitant aussi des efforts diplomatiques déployés par les envoyés spéciaux des États-Unis d’Amérique, de la Fédération de Russie, de l’Union Européenne et par le Coordonnateur spécial des Nations Unies et d’autres pour parvenir à une paix complète, juste et durable au Moyen Orient, et les encouragent,

Se félicitant de la contribution du Prince héritier Abdallah d’Arabie saoudite

1. Exige la cessation immédiate de tous les actes de violences, y compris tous les actes de terreur et toutes provocations, incitations et destructions ;

2. Demande aux parties israélienne et palestinienne ainsi qu’à leurs dirigeants de coopérer à la mise en œuvre du plan de travail Tenet et des recommandations du rapport Mitchell visant la reprise des négociations en vue d’un règlement politique ;

3. Exprime son soutien aux efforts du secrétaire général et d’autres pour aider les parties à mettre terme à la violence et à reprendre le processus de paix ;

4. Décide de rester saisi de la question. »[43]

L’ambassadeur d’Israël à Paris  offre point par point, une explication de ce texte, côté israélien de la barricade proche-orientale dans un article de Le Monde du 19 mars 2002[44].

Comme il est d’usage, le Conseil de sécurité commence par faire référence à ses résolutions antérieures, notamment la résolution 242, adoptée en novembre 1967 – base de tous les accords conclus par l’État hébreu avec ses voisins – et la résolution 338, qui a sanctionné la guerre d’octobre 1973, ne fait que reprendre les clauses de la précédente.

Le Conseil offre ensuite sa « vision » d’un Proche-Orient pacifié, « où deux États, Israël et la Palestine, vivraient côte à côte dans des frontières sûres et reconnues ». Cette « vision » est, rappelons-le, vieille de plus d’un demi-siècle. Suggérée pour la première fois en 1937 par la commission Peel, la partition du pays en deux États a été adoptée le 29 novembre 1947 à la majorité requise des deux tiers par l’Assemblée générale des Nations unies, à travers la résolution 181.

« Or, on a trop tendance à l’oublier aujourd’hui, si seul l’État juif a vu le jour, et cela au prix d’une guerre sanglante dont peu d’observateurs l’estimaient capable de sortir vivant, c’est parce que les Juifs ont été les seuls à accepter cette résolution. »[45]

Cette « vision » à la base processus de paix amorcé à Madrid jusqu’à son échec provisoire de Camp David,  est désormais admise par la plupart de l’opinion israélienne selon la définition d’Ariel Sharon : «  l’État palestinien est d’ores et déjà un fait accompli ».

Le Conseil évoque aussi la spirale de la violence qui a touché la région depuis septembre 2000 et souligne la nécessité pour les parties concernées de garantir la sécurité des civils ainsi que les normes généralement admises du droit humanitaire international. Comme a expliqué Kofi Annan, « garantir la sécurité des civils », de tous les civils, passe d’abord par l’arrêt de cette violence insensée, puisque « prendre délibérément pour cible des civils est moralement répugnant ». Les « normes généralement admises du droit humanitaire international » mentionnées par la résolution 1397 n’interdisent pas la légitime défense. Outre que pour des raisons morales, la place des violences est fondamentale parce que – bien qu’Ariel Sharon ait renoncé au préalable des sept jours[46] – il faut comprendre qu’au-delà d’un certain seuil de violence, la négociation est tout bonnement impossible.

Le Conseil de sécurité salue enfin, et encourage, les efforts diplomatiques des émissaires spéciaux des États-Unis, de la Fédération de Russie, de l’Union européenne et du coordinateur spécial des Nations unies, avec une mention particulière pour la « contribution » du prince héritier Abdallah d’Arabie saoudite. Si l’ordre des nominations est plus protocolaire que réel, l’influence du royaume wahhabite dans le monde arabo-musulman, la place particulière qu’occupe Abdallah sur l’échiquier du nationalisme arabe, le contenu de son initiative, tout concourt à rendre sa « contribution » extrêmement intéressante, peut-être même décisive.

Elie Barnavi souligne que « dans l’immédiat, elle [l’Arabie saoudite] pourrait servir à légitimer les concessions que l’Autorité palestinienne sera conduite à accepter dans les dossiers ultrasensibles de Jérusalem et des réfugiés. A plus long terme, elle offre pour la première fois, en termes simples et clairs, la perspective d’une véritable insertion d’Israël dans la région ».[47]

Après avoir posé ces principes, le Conseil de sécurité formule deux recommandations opératoires : la cessation de la violence d’abord en tant qu’ « exigence »; et la nécessaire collaboration des Israéliens et des Palestiniens dans la mise en œuvre du plan Tenet et des recommandations du rapport Mitchell – les deux documents issus de l’Intifada et dont l’application, admise par les deux parties, est censée les ramener à la table de négociation.

Loin de toute démagogie, cette résolution est considérée « historique » parce qu’il s’agit de la première fois que le Conseil de sécurité définit une perspective claire pour le Proche-Orient, et parce que, Grâce aux actions du général Anthony Zinni et du vice-président Cheney dans la région, ce texte marque le retour en force des États-Unis au Proche-Orient.

Pour aboutir, par étapes, à un règlement permanent du conflit israélo-palestinien, sur la base du principe de l’existence de deux États, le Quartette diplomatique réuni le 30 avril 2003 adopte la « Feuille de route » (en anglais road map). Le jour même, ce texte est consigné à Ariel Sharon et à Abu Mazen. Les Palestiniens l’acceptent, mais les Israéliens expriment des réserves.[48]

 Mais au cours de l’été, les attentats n’ont pas cessé. La feuille de route n’est pas appliquée et les Israéliens exigent le départ de Yasser Arafat. Malgré, le 19 novembre, eut lieu l’adoption par le Conseil de Sécurité des Nations unies de la Résolution 1515 approuvant la Feuille de Route du Quartet pour un règlement permanent du conflit israélo-palestinien, acceptée par Israël et l’Autorité palestinienne[49], les négociations diplomatiques officielles entre Israël et l’Autorité palestinienne sont au point mort. Une initiative de paix non officielle est menée à Genève par une partie des négociateurs de Taba en 2001 : les Israéliens Yossi Beilin, Ammon Shahak et Daniel Levy et les Palestiniens Yasser Abd Rabbo et Ghaith al-Omari. Le 1er décembre, ils aboutissent à un accord exemplaire, qui prévoit toutes les conditions pour mettre fin au conflit et instaurer une paix durable : le partage des territoires, le statut de Jérusalem, les réfugiés palestiniens. Une lettre de soutien à l’accord est signée par 58 personnalités, parmi lesquelles Mikhaïl Gorbatchev, Boutros Boutros-Ghali et Jacques Delors. Cet accord, bien qu’il suscite un certain intérêt chez le secrétaire d’État américain Colin Powell[50],  avait été déjà ratifié en Jordanie après plus de deux ans de négociations secrètes, 12 octobre[51], mais sera un échec à cause de la manquée approbation de Sharon et Arafat.

 II.2 Rapprochement des relations franco-israéliennes : visite de Katsav à Paris

En ce qui concerne les relations franco-israéliennes, la crise en Irak, la guerre – à partir du 20 mars 2002 – et la chute du régime de Saddam Hussein renforcent aux yeux de la France ses propres thèses et justifient son insistance à maintenir une distinction entre le terrorisme mondial et le terrorisme palestinien. Les Français multiplient leurs critiques de la politique d’Israël et appellent au retour à la table des négociations. Ils affirment qu’Israël empêche Arafat de se mesurer efficacement aux organisations terroristes.

Peu à peu, la France prend elle-même conscience du fait que sa position déstabilisait son rôle de médiateur, affaiblissant ainsi son influence.[52] C’est pourquoi, à partir de la deuxième moitié de l’année 2002, la France met en œuvre un plan destiné à améliorer les relations bilatérales avec Israël.

En juin 2002, lors de la visite en Israël de Dominique de Villepin, ministre des Affaires étrangères de l’époque, a lieu  la création d’un « haut comité franco-israélien » chargé d’améliorer les relations entre les deux pays. Cette décision a des répercussions sur la reprise d’une importante collaboration sur le plan scientifique, économique, commercial et culturel de même que sur le plan politique et stratégique. Ce nouveau cours des relations franco-israéliennes est présenté par le ministre des Affaires étrangères, à l’occasion d’un discours tenu à l’Hôtel King David :

« C’est chez vous, en juin 2002, que j’ai effectué l’un de mes premiers déplacements. J’y reviens aujourd’hui avec deux objectifs : imprimer une nouvelle dynamique à la relation franco-israélienne ; marquer ma conviction que la nouvelle chance qui est donnée à la paix peut et doit être saisie.

La France entretient avec votre pays une relation passionnée, et parfois même passionnelle, fondée sur des liens profonds, marquée par des moments forts, certains heureux, d’autres tragiques, éclairée par tant de nos compatriotes. Enrichie, enfin, par les liens multiples qui existent aujourd’hui entre nos peuples.

[…] Il nous appartient de donner un souffle nouveau à nos relations. Ensemble, convaincus qu’il ne faut pas laisser s’éroder la relation entre nos deux pays, nous avons eu à cœur de la restaurer. Je me souviens de l’entretien pour lancer cette idée que j’ai eu avec mon ami Shimon Pères. Je le salue. La France constitue l’un des principaux fournisseurs d’Israël, son troisième partenaire au plan scientifique et le seul pays européen à déployer une présence culturelle dans tout votre pays avec nos centres de Haïfa, Beer Sheva et Nazareth. Notre pays est aussi votre deuxième destination touristique. Et l’Europe constitue aujourd’hui votre premier partenaire commercial.

Nos liens sont intenses et ne demandent qu’à s’épanouir, à se diversifier. Nous avons désigné du côté français le Professeur David Khayat, éminent cancérologue, grand homme que j’estime et que je salue, présent parmi nous, pour faire des propositions audacieuses. Je me réjouis que vous veniez de nommer M. Yéhuda Lancry, ancien Ambassadeur en France et haute personnalité culturelle comme co-président israélien. Sachez que je veillerai à ce que les conclusions des travaux de ce groupe soient appliquées.

Dans ce cadre, de part et d’autre, des projets ambitieux ont été préparés dans tous les domaines, du dialogue politique à la coopération scientifique, commerciale, culturelle et universitaire. Et permettez-moi de vous annoncer, pour souligner notre engagement et notre confiance, que la France bâtira à Tel Aviv, haut lieu de la création contemporaine dans le monde, un nouvel institut français, à la mesure de la vitalité culturelle de nos deux pays.».[53]

Après ce passage bien réussi de Dominique de Villepin en Israël, deux ans plus tard, il y a eu en février 2004 la visite d’État du président Moshé Katzav à Paris, première du genre depuis seize ans et deuxième séjour en France d’un président israélien depuis la création de l’État juif. Il importait dans le contexte décrit au président Chirac de rappeler à cette occasion qu’en dépit de tout, les Français étaient bien « les plus anciens amis d’Israël ». Tandis que – retour singulier aux contacts initiés entre les deux pays – les relations militaires connaissent un renouveau : il y a eu, début 2004, la signature d’un important contrat militaire entre la France et Israël, la libération sous condition de l’expert israélien Mordehai Vanunu, au printemps 2004, rappelant les grandes heures de la coopération nucléaire entre Paris et Tel-Aviv.

À l’invitation du Président de la République Française, Monsieur Jacques Chirac, le Président de l’État d’Israël, Monsieur Moshé Katsav et son épouse ont effectué une visite d’État en France du 16 au 20 février 2004.

Après son arrive à Orly, le Président Moshé Katsav a eu des entretiens avec le Président Chirac à l’Élysée, avec Dominique de Villepin, Ministre des Affaires Étrangères, à la Résidence Marigny, avec Jean-Pierre Raffarin, Premier Ministre, à l’hôtel Matignon. En occasion de son voyage en France, le président israélien s’est rendu à l’Institut de France par l’Académie des Sciences – qui lui a rendu hommage à la coopération scientifique franco-israélienne ; à l’Université de la Sorbonne (Paris IV) – qui lui a octroyé le diplôme de Docteur Honoris Causa de l’Université ; à Toulouse, où il a visité les industries aéronautiques de la compagnie Airbus et le CNES (Centre National d’Études Spatiales).

Au cours d’une interview au Nouvel Observateur, Katsav affirme : « Nous avons décidé de permettre aux relations bilatérales, qui marchent très bien, de se développer indépendamment des problèmes politiques, où des différents subsistent entre nous. Sur le plan bilatéral, nous allons poursuivre une coopération déjà très satisfaisante et mettre en chantier de nouveaux projets communs, déjà lancés par le groupe de haut niveau que président le Professeur David Khayat et l’ambassadeur Yejouda Lancry ». [54]

Lors d’un entretien avec des journalistes de Le Monde, interrogé sur ses expectatives par rapport à sa vite en France, Katsav répond :

« Le resserrement des liens bilatéraux, des coopérations de toutes sortes, particulièrement économiques, technologiques et scientifiques. Israël et la France ont des valeurs démocratiques communes. Certes, il y a la question de l’antisémitisme. Nous avons à en parler. Je fais confiance aux responsables français en la matière. L’antisémitisme est présent en France, mais je sais que le président et le gouvernement luttent. La communauté juive en France est la deuxième au monde, c’est pour cela que nous sommes si sensibles à ce qui s’y passe. »[55]

II.3. Le gèle des relations franco-israéliennes

Par ailleurs, le conflit de la Seconde Intifada a des répercussions directes sur les intérêts nationaux majeurs de la France : les agressions subies par les juifs de France aux mains des musulmans en France à la suite des violences entre Israéliens et Palestiniens au cours de la deuxième intifada.[56]

La Chancellerie a recensé 298 actes antisémites entre le 1er janvier et le 20 août 2004, selon des chiffres communiqués jeudi 26 août à l’occasion d’une rencontre entre le grand rabbin de France Joseph Sitruk et le ministre de la justice Dominique Perben. Interrogé à l’issue de sa réunion avec le ministre sur la montée des actes antisémites, le grand rabbin de France a assuré avoir été « conforté par la volonté du garde des Sceaux de renforcer tout ce qui peut l’être ». « La France a toujours été un pays sûr pour les juifs et j’espère qu’il le restera », a ajouté le grand rabbin. Le ministre de la Justice a pour sa part rappelé que les lois du 3 février 2003 (Lellouche) et du 9 mars 2004 (Perben II) avaient renforcé le dispositif de lutte contre le racisme et l’antisémitisme.[57]

D’après un article de Maariv[58], le gouvernement israélien et l’Agence juive élaboraient activement un plan visant à encourager des dizaines de milliers de juifs de France à venir s’installer dans les plus brefs délais en Israël.  Le « Maariv » détaille les éléments principaux de cette opération, dont le nom de code est « Sarcelles d’abord ».

« Tout commencera à Sarcelles » : ces émissaires feront du porte à porte grâce à des listes de membres de la communauté juive préparées à l’avance.

Après Sarcelles, les émissaires de l’Agence juive se déploieront à Paris et sur les grandes villes de France. Où iront ces dizaines de milliers de nouveaux immigrants français en Israël ? Réponse : une « force de frappe » d’intégration conduite par le maire de Raanana (nord de Tel-Aviv) et regroupant les maires de la région du Sharon sera formée avec pour objectif d’intégrer ces juifs de France dans les villes de cette région. Interrogé par le « Maariv », le délégué du Département de l’Alya (émigration) à l’Agence juive à Paris, Olivier Rafovitz a déclaré : « L’atmosphère aujourd’hui en France est mûre pour l’Alya. C’est quelque chose qui s’intensifie. Nous parlons cette année d’une arrivée de 3.000 juifs de France en Israël. Mais les chiffres ne sont pas importants. Nous savons que les juifs de France parlent de plus en plus de quitter le pays ».

Le « Maariv » publie la réaction courroucée de plusieurs dirigeants de la communauté juive de France dont celle du Président du CRIF, Roger Cuckierman, qui déclare au journal : « Israël passe au-dessus notre tête, au-dessus du leadership de la communauté et j’ai l’intention de me plaindre très vivement auprès de l’ambassadeur d’Israël à Paris, Nissim Zvilli. Il faut se calmer : le gouvernement français fait tout son possible pour vaincre l’antisémitisme avec notre concours et ce n’est pas le moment de provoquer une crise avec les institutions françaises ». Roger Cuckierman a dit douter de la véracité des chiffres cités par Menahem Gourary. Quant à Isou Rozenman, l’un des responsables de l’Union des Juifs laïcs de France, il qualifie la décision israélienne de « folle ». Dominique Strauss-Khan, élu de Sarcelles, qui a été interrogé par le « Maariv » s’est borné à déclarer qu’il ne connaissait pas la teneur de cette décision et « qu’il s’agissait d’une décision d’un gouvernement étranger ».

Le 29 juin 2004 le ministre français des affaires étrangères, Michel Barnier, rend visite à Arafat et critique le sort qu’il lui est fait. « La situation personnelle dans laquelle il vit et qui est pas digne, compte tenu de ce qu’il représente. Elle n’est pas digne pour lui même, elle n’est pas digne pour les palestiniens qu’il représente ». [59]  Interrogé sur la mission de Barnier à Ramallah, Jacques Chirac – qui se trouve à Istanbul pour le sommet de l’OTAN- répond :

« Je voudrais d’abord rappeler la position de la France qui est également la position de l’Union européenne. Le président Arafat est le président élu et légitime du peuple palestinien et par conséquent, c’est notre interlocuteur normal. Et il est donc légitime d’avoir avec lui des contacts. C’est ce que fait M. Barnier qui aura d’ailleurs, c’est prévu, juste à la rentrée je crois, une visite longue et approfondie en Israël. Donc, voilà les raisons qui conduisent à cette situation.

Vous savez ma conviction, je l’ai exprimée depuis très longtemps : c’est qu’on peut porter le jugement que l’on veut sur le président Arafat, comme sur tout autre président dans le monde, mais on ne peut pas contester une légitimité tant qu’on n’a pas apporté une légitimité différente. Deuxièmement, j’ai toujours eu le sentiment, depuis longtemps, qu’aujourd’hui le président Arafat est probablement le seul à pouvoir imposer au peuple palestinien des compromis, notamment de nature territoriale, qui ne pourraient être imposés, en tous les cas aujourd’hui, par aucun autre. C’est la raison pour laquelle je crois qu’il n’est pas très prudent, et très conforme à une stratégie de retour à la paix que de vouloir l’isoler ».[60]

Suite à la visite de Barnier à Yasser Arafat, Ariel Sharon, premier ministre d’Israël, dénonce dimanche 4 juillet « le comportement inamical du gouvernement français envers Israël ».  Ariel Sharon affirme avoir été très déçu par la visite de M. Barnier à Yasser Arafat, ainsi que par les paroles du ministre et du président Jacques Chirac sur le statut de Yasser Arafat.
« De plus en plus de gouvernements dans le monde, notamment arabes, refusent de rencontrer Arafat. Cette rencontre lui donne de l’oxygène politique, alors qu’il faut qu’il soit placé dans un isolement total pour permettre l’émergence de nouveaux dirigeants palestiniens », estime  Sharon.[61]

Le 18 juillet, le Premier ministre israélien Ariel Sharon appelle les juifs à quitter la France, se rendant « immédiatement » en Israël à causes des menaces d’antisémitisme qui pèsent, selon lui, sur eux.

« Je propose à tous les juifs de venir en Israël, mais c’est absolument nécessaire pour les juifs de France et ils doivent bouger immédiatement », a déclaré Sharon lors d’une réunion publique à Jérusalem avec des représentants d’associations juives américaines.

« En France, il se répand un antisémitisme déchaîné », met en garde M. Sharon, tout en soulignant que le « gouvernement français a pris des mesures » contre des actes antisémites et la propagande antijuive. Sharon a affirmé dans ce contexte que « le fait que 10% de la population française soit constituée de musulmans fournit un terreau à une nouvelle forme d’antisémitisme ».[62]

Paris a fait savoir par voie diplomatique qu’une visite dans l’Hexagone d’Ariel Sharon ne pouvait être envisagée avant des « explications »[63] et qu’il est désormais persona non grata en France.[64]

Dans ces conditions, l’accueil et le traitement réservé par les autorités françaises à Yasser Arafat, notamment en octobre-novembre 2004, juste avant son décès, n’a pas été davantage compris, tout comme le fait d’avoir mentionné Jérusalem comme lieu de naissance du chef palestinien. Pour certains ministres français, les critiques émises par le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) par exemple constituent des «attaques très fortes contre la politique étrangère [et ne sont] pas acceptable[s]».[65] La presse française est également prise à partie en ce qu’elle ferait preuve de partialité dans sa couverture de la violence dans les territoires occupés.

Durant les derniers mois de l’année 2004, la situation a évolué de manière très rapide, créant des nouvelles bases pour une confrontation  entre la France et l’Israël.

III. Les protagonistes quittent la scène

III.1 Mort d’Arafat

Plusieurs considérations et développements contribuèrent à l’amélioration des relations franco-israéliennes : la mort d’Arafat en novembre 2004, le plan de désengagement (présenté par Sharon en décembre 2003 et sa mise en œuvre en août 2005), l’assassinat de Rafiq Hariri en février 2005, le problème du nucléaire iranien et l’implication de la France dans les négociations avec l’Iran créèrent un autre centre d’intérêts communs.

Tout d’abord, le changement dans la scène politique palestinienne a joué un rôle certain, suite au décès de Yasser Arafat à Clamart le 11 novembre 2004 et l’élection de Mahmoud Abbas au poste de Président de l’Autorité palestinienne, en janvier 2005. Le chef palestinien historique était considéré par les Israéliens et les Américains comme un obstacle, par conséquent ils avaient coupé tout contact avec lui. Dans une interview à Le Figaro, Sylvain Shalom, alors ministre israélien des Affaires étrangères déclarait, en août 2004, qu’Arafat ne faisait pas partie de la résolution du problème, mais du problème lui-même.[66] L’arrivée  au pouvoir d’une personnalité réputée modérée a rendu moins improbable la reprise des pourparlers.

Le plan de désengagement unilatéral, qui concerne les 21 colonies de la bande de Gaza et 4 colonies de Cisjordanie, adopté le 6 juin 2004 par le gouvernement israélien prévoit :

 Ce plan représente, aux yeux des français, l’espoir d’un renouvellement du processus de paix, mais, pour Ariel Sharon, un gage de bonne volonté, dont la pression soit exercés sur l’Autorité palestinienne et son leader Mahmoud Abbas.

Ensuite, l’assassinat de Rafiq Hariri en février 2005 créa une nouvelle dynamique favorable à l’application de la résolution 1559 du Conseil de Sécurité et au départ de la Syrie du Liban. Le changement de politique de la France à l’égard de ce pays a joué un rôle très important : la France s’est alliée avec les États-Unis pour s’opposer à la Syrie et exiger non seulement le départ pur et simple, complet et immédiat, de ses forces du Liban, mais également le démantèlement des milices libanaises et non libanaises. C’est le sens de la résolution 1 559 du 2 septembre 2004 du Conseil de sécurité et de la déclaration franco-américaine sur le Liban du 1er mars 2005. Dans la mesure où cette décision atteint un État ennemi, avec lequel les pourparlers de paix ont jusqu’ici tourné court, et où cette même décision a été, semble-t-il, fidèlement mise en œuvre et vise à la dislocation du Hezbollah et des forces palestiniennes opérant au Liban, elle ne peut que concorder avec les objectifs israéliens.

La visite de Sharon à Paris du 26 au 28 juillet 2005 est l’occasion, où « la France va proposer de tourner une nouvelle page »[68].  Pendant le premier semestre de 2005, le nombre d’incidents antisémites en France a diminué du 50%. De plus, le gouvernement de Chirac soutient le plan de désengagement. A l’ambassade d’Israël à Paris, on voit dans la visite de Sharon l’aboutissement du rapprochement entre les deux pays. Le retrait de la Bande de Gaza a fait beaucoup pour améliorer l’image de marque du Premier ministre en France, où il a fait l’objet de nombreuses critiques par le passé.

Les conversations préparatoires préliminaires à la visite ont servi à écarter le maximum d’écueils. Les milieux bien informés de Paris et Jérusalem ont confié que sur les deux questions qui « envenimaient » le plus les rapports bilatéraux – l’antisémitisme et le problème palestinien – des évolutions significatives se sont produites.

Selon le Maariv, lors d’une rencontre le 27 juillet, Chirac et Sharon abordent en privé les thèmes véritablement importants : la course à l’armement nucléaire de l’Iran, le maintien de l’isolement de la Syrie et les divergences de vues persistantes entre Paris et Jérusalem sur le statut du Hezbollah. 

En ce qui concerne le processus de paix, une revue de la presse de l’ambassade de France en Israël référé à propos de la conclusion des entretiens :

« Mais les sourires ne dureront pas longtemps, estime le Yédiot : après le désengagement, les Français lui cuisinent toute une série de surprises, dont une conférence internationale pour la paix. Pour briser ce cercle vicieux, les Français veulent réunir un forum international avec la participation d’Israël, des Palestiniens, des Américains et de représentants de l’ONU. Ils pourraient également proposer de déployer une force internationale formant écran entre Israël et l’État palestinien. Comme si cela ne suffisait pas, les Français – à en juger par les conversations ici – estiment qu’il sera inévitable d’aborder à cette conférence des questions très épineuses, comme le « Droit au retour » des réfugiés, par exemple ». [69]

Les efforts dans la direction d’une solution du conflit, pourtant, ne sont pas manqués. Le 8 février 2005, se déroule un sommet entre Ariel Sharon et Mahmoud Abbas à Charm El-Cheikh, en Égypte. Ils annoncent la fin des violences entre Israël et les Palestiniens.

La Jordanie et l’Égypte décident le retour de leur ambassadeur en Israël, après plus de quatre ans d’absence décidée en raison de la répression de l’intifada.[70]

En mars, a lieu le transfert du contrôle des villes de Jéricho et Tulkarem aux Palestiniens. Le 21 juin, un premier sommet entre Sharon et Abbas, à Jérusalem, traite des sujets brûlants : retrait de Gaza et d’une zone au nord de la Cisjordanie, garanties et négociations autour des libertés (et restrictions) des Palestiniens, gel de la colonisation juive, « Mur » de séparation.[71]

 III.2 Le coma de Sharon

Le  retrait de Gaza commence en août 2005. Le 2 février 2004, Ariel Sharon avait annoncé son intention de démanteler toutes les colonies de la bande de Gaza (regroupant environ 7 500 habitants), sans toutefois préciser dans quels délais. Le 2 mai, 59% des membres du Likoud se prononcent en manière négative sur le plan d’Ariel Sharon pour un retrait de la bande de Gaza. Les jours suivants, des sondages montrent que plus des deux tiers des citoyens israéliens sont favorables à ce retrait. Ensuite, le 6 juin, Le cabinet israélien adopte le principe d’un retrait échelonné de la bande de Gaza, qui devrait être terminé à la fin de l’année 2005.

Le 14 septembre 2004, Ariel Sharon donne le coup d’envoi à son plan de retrait de Gaza avec le projet de loi sur l’indemnisation des colons appelés à être évacués de ce territoire. La Knesset adopte le plan de retrait de Gaza à la fin d’octobre.

Mais le 30 janvier 2005, plus de 130 000 Israéliens manifestent à Jérusalem pour protester contre le plan de retrait de la bande de Gaza. Israël annonce par ailleurs être disposé à transférer rapidement à l’Autorité palestinienne le contrôle de plusieurs villes de Cisjordanie. Le Parlement israélien vote une loi d’indemnisation des quelque 8 000 colons juifs appelés à être évacués des 21 implantations de la bande de Gaza, 16 février.

Les protestations contre la politique de Sharon ne s’arrêtent pas : des colons ultras distribuent des tracts appelant à prier pour la mort d’Ariel Sharon. Le chef de la diplomatie israélienne, Sylvan Shalom, estime alors que le retrait prévu de la bande de Gaza devrait être reconsidéré si le Hamas remportait les élections législatives prévues en juillet dans les territoires palestiniens. Le Hamas a en effet talonné le Fatah lors d’élections municipales qui ont eu lieu en deux étapes depuis décembre en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

Le 9 mai, Ariel Sharon annonce que le retrait de la bande de Gaza débutera à partir du 14 août.

Une semaine après l’accord israélo-palestinien pour raser les maisons des colons après l’évacuation de Gaza- les 1 200 habitations en question ne pouvant répondre aux besoins des 1,3 million de Palestiniens vivant dans la bande de Gaza- pour la première fois des colons de la bande de Gaza s’opposent à des militaires israéliens venus raser des bâtiments désaffectés, le 26 juin.

L’armée israélienne décrète les colonies de la bande de Gaza zone militaire fermée pour prévenir la venue de nouveaux groupes d’extrémistes.

En même temps, l’analyste palestinien Hani al-Masri craigne lutte pour le pouvoir entre le Hamas et l’Autorité palestinienne. La résistance contre Israël est devenue un terrain d’affrontement.

A parti de la fin de juillet, la résistance – coté israélienne – au retrait de Gaza occupe de plus en plus police israélienne, qui encercle des milliers d’opposants au retrait de la bande de Gaza à Kfar Maïmon (sud d’Israël), le 20.

Le 14 aout, expire le délai de la période dite de « départ volontaire » pour les colons de la bande de Gaza. 60000 soldats israéliens sont prévus pour évacuer près de 8 000 colons. L’armée devrait se retirer avant le 3 octobre, date du Nouvel An juif. À partir du 16, « toute personne qui gênera l’évacuation sera arrêtée », déclare le ministère de la défense israélienne, qui annonce aussi qu’il « sera interdit aux Palestiniens de pénétrer dans les colonies évacuées avant un mois ».

Selon le chef de la police israélienne chargé de l’évacuation, le retrait ne devrait pas durer plus d’une semaine, puisque 70 % des 8 000 colons avait déjà quitté les lieux. Comme prévu, les soldats procèdent à l’évacuation forcée des colonies considérées comme les plus hostiles. Certains colons mettent le feu à l’entrée des colonies ou brûlent leurs maisons en signe de protestation. Selon la radio publique israélienne, sur décision d’une commission interministérielle présidée par Ariel Sharon, l’armée israélienne doit commencer à détruire la colonie vide de Kerem Atsmona. La démolition des colonies de Rafiah Yam, Gan Or et Peat Sade devrait suivre le 21 août après leur totale évacuation.

Après le départ des derniers soldats israéliens,  le 12 septembre se conclue le retrait. Toutefois, la souveraineté palestinienne sur Gaza demeure réduite : l’Autorité ne contrôle ni ses frontières, ni ses eaux territoriales, ni son espace aérien.

Tandis que le retrait israélien de Gaza s’achève, aucune des autres démarches exigées d’Israël par le Quartet n’a été mise en œuvre : la colonisation de la Cisjordanie s’est accélérée, la construction du mur avance à grands pas et même la libération des prisonniers palestiniens ne s’est effectuée qu’au compte-gouttes (moins d’un millier sur 8 000).[72]

En novembre 2005, l’opposition d’une partie des députés du Likoud au plan de désengagement de la Bande de Gaza et du nord de la Samarie, la rivalité avec Benyamin Netanyahu, puis l’élection d’Amir Peretz à la tête du parti travailliste et la démission des ministres travaillistes du gouvernement d’union nationale, conduisirent Ariel Sharon à quitter le Likoud et à créer le parti Kadima. Ce nouveau parti accueille quatorze des quarante députés du Likoud, ainsi qu’une partie des membres du gouvernement, dont le vice-Premier ministre, Ehud Olmert, le ministre de la Justice, Tspi Livni, le ministre de la Sécurité intérieure, Guidon Ezra, et le ministre de la Défense, Shaoul Mofaz. Le prix Nobel Shimon Pérès y adhère le 30 novembre.

Les grandes lignes du programme politique de Kadima, fondé en vue des élections du 28 mars 2006,  sont les suivantes :

Victime de deux attaques cérébrales, en décembre 2005 et en janvier 2006, Ariel Sharon tombe en coma le 4 janvier 2006, situation dans laquelle il se trouve encore aujourd’hui au centre médical de longue durée Sheba de l’hôpital Tel Hashomer. [74]

III.3 L’élection d’Hamas et l’expiration du mandat de Chirac

Après les élections palestiniennes de janvier 2006 et la victoire du Hamas[75], organisme terroriste qui figure sur la liste d’organisations terroristes reconnues,  la France et Israël ont eu un nouveau rapprochement dans leurs relations. Les deux pays, en fait, avaient d’accord commun exigé du Hamas la reconnaissance du droit à l’existence de l’État hébreu, la reconnaissance des accords d’Oslo et de la Feuille de route et appelaient aussi au démantèlement des organisations terroristes.

Le 28 mars, a lieu l’investiture du gouvernement du Hamas. Aux élections législatives, le même jour, les partis arabes, qui représentent la minorité palestinienne en Israël, obtiennent 10 sièges sur les 120 que compte la Knesset : Raam-Tal 4, Balad 3, Hadash 3. Le scrutin est marqué par un taux de participation de 63,2 %, le plus faible de puis la création d’Israël. Le parti Kadima remporte 29 sièges.

Durant les trois mois suivants, une crise politique entre le Hamas et le Fatah au sein de l’Autorité palestinienne : le président Mahmoud Abbas et ses partisans du Fatah refusent de transférer au gouvernement, dirigé par le Hamas, le contrôle des services de sécurité. Des affrontements entre les deux factions font plus de 20 morts.

À partir du 22 mai jusqu’à 12 juin, Ehud Olmert se rend en visite à Washington et en Europe, où il présente son plan visant à fixer les frontières orientales d’Israël avant 2010, avec ou sans l’accord des Palestiniens.

Le Premier ministre d’Israël, Ehud Olmert, a effectué une visite officielle en France le mercredi 14 et le jeudi 15 juin 2006[76]. Jacques Chirac, président de la République, a reçu Olmert pour un entretien suivi d’un déjeuner le 14 juin à 12h15.

« Les dernières élections en Israël ont fait clairement apparaître la volonté des Israéliens, une volonté de paix et de sécurité. On le comprend, parce que, véritablement, ce conflit israélo-palestinien a duré depuis trop longtemps. Il est essentiel, aujourd’hui, d’instaurer la paix dans cette région, une paix qui suppose deux États vivant côte à côte et en sécurité.

Cet objectif – tout à fait souhaitable à tous égards, notamment à un moment où il y a des tendances à la reprise de la violence – suppose une reprise des négociations entre Israël et l’Autorité palestinienne. »[77]

Le Premier ministre israélien a également participé à l’inauguration du mur de l’allée des Justes du mémorial de la Shoah en présence du Premier ministre et du Maire de Paris.  Cette visite témoigne  de la volonté des deux pays de poursuivre leur dialogue sur les questions d’intérêt commun, qu’elles portent sur les relations bilatérales, sur l’évolution du Proche-Orient ou sur les grands enjeux de la paix et de la sécurité internationale.

Ces entretiens ont en particulier été l’occasion d’évoquer la question israélo-palestinienne à un moment capital. À cet égard, une communauté de vues existe entre nos deux pays sur l’objectif de deux États vivant côte à côte, en paix et en sécurité. Pour y parvenir, la France est convaincue que la seule voie vers la paix réside dans une solution négociée avec les Palestiniens dans le cadre de la Feuille de route. Elle a présenté cette vision au Premier ministre israélien et l’a assuré de sa détermination à apporter tout son soutien et celui de l’Union européenne.[78]

Malgré le réchauffement des relations entre la France et Israël, des divergences d’opinions fondamentales subsistent entre les deux pays.

Lorsque la France demande à Israël de laisser ouverts les points de passage avec la bande de Gaza et d’éliminer les barrages en Cisjordanie, Israël objecte que les Palestiniens profitent de l’ouverture des passages frontaliers et de l’élimination des points de contrôle pour commettre des actes terroristes.

 La France s’oppose au tracé du Mur de séparation. Israël, en revanche, met en relief les contraintes sécuritaires à l’origine de ce tracé.

L’attitude favorable de la France envers le gouvernement Hamas-Fatah créé en mars 2007 fut l’occasion d’un autre point de divergence. La France voyait dans ce gouvernement le signe annonciateur d’un changement de direction des Palestiniens. Pour Israël, force était de constater que le Hamas poursuivait ses actions terroristes, ses tirs de missiles contre le sud d’Israël et ses déclarations niant le droit à l’existence d’Israël.

Mais la divergence d’opinion la plus significative résidait dans le fait, que la France continuait à considérer la création d’un État palestinien comme une solution pratique, immédiate et à court terme. Pour Israël, l’observation des faits dans les territoires relevant de l’Autorité palestinienne, notamment le chaos, le terrorisme, l’incitation à la haine contre Israël, soulevait des points d’interrogation majeurs quant à la capacité des Palestiniens de créer un État stable et pacifique.[79]

Conclusion

En concluant, trois étapes importantes marquent les relations franco-israéliennes à l’époque du mandat de Sharon en tant que 1er ministre. Tout d’abord, l’interruption du processus de paix et la reprise des hostilités, crée un climat de tension. Ensuite, les contradictions de la politique de Sharon – d’un coté l’acceptation de la feuille de route, de l’autre la construction du barrage – compliquent le rapport entre les deux pays jusqu’à la crise de juillet 2004. Enfin, la mort d’Arafat simplifie les relations entre la France et l’Israël puisque le gouvernement de Chirac a toujours été son défenseur dans les pays occidentaux (cf. les déclarations de Barnier le 30 juin 2004).

La mort d’Arafat ouvre la route à la montée en puissance d’Hamas jusqu’à sa prise de pouvoir en janvier 2006. Sharon, en fondant Kadima, passe de la droite conservatrice du Likoud à l’alliance avec le parti travailliste d’inspiration socialiste plus favorable à certaines concessions au peuple palestinien. A la fin de son mandat, Chirac laisse la place à Sarkozy, notamment plus proche des positions de la CRIF que son prédécesseur.


[1] A ce sujet, n’est pas mentionnée l’OTAN, parce que le retour de la France dans son commandement intégré n’a été accompli que le 11 mars 2009.

[2] Le 22 octobre 1996, après avoir refusé de se rendre à la Knesset, le Président s’indigne de l’agressivité de la sécurité israélienne à l’égard de la population palestinienne et des journalistes qui veulent l’approcher, aperçue comme une provocation. http://www.upjf.org/actualiees-upjf/article-12622-142-7-lemission-jour-heure-fr-2-revient-colere-j-chirac-jerusalem-en-1996.html

[3] Oslo II fait référence est précédé par les accords d’Oslo, un processus commencé avec la conférence de Madrid de 1991 et abouti l’Accord de Jéricho-Gaza  du 4 mai 1994.

[4] Jénine, Tulkarem, Naplouse, Qalqilya, Ramallah, Bethléem et Jéricho.

[7] Le sommet pour la Paix au Proche-Orient de Camp David est précédé par les Accords de Camp David entre le Président égyptien Anouar el-Sadate et le Premier Ministre israélien Menahem Begin, sous la médiation du Président des États-Unis, Jimmy Carter, en septembre 1978.

[9]  L’ambigüité est due à l’absence de l’article the dans la version anglaise de la résolution : “Withdrawal of Israel armed forces from territories occupied in the recent conflict” / « Retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit ». Conseil de Sécurité des Nations Unies « Résolution 242 (1967) du 22 novembre 1967 », article 1 alinéa i.

http://daccess-dds-ny.un.org/doc/RESOLUTION/GEN/NR0/240/94/IMG/NR024094.pdf?OpenElement

[10] Sylvain Cypel « Camp David, une impossible négociation »  Le Monde, 27 décembre 2000.  http://www.medea.be/index.html?page=&lang=&doc=1105

[12] Clinton invita à Washington les négociateurs israéliens et palestiniens du 19 au 23 décembre 2000. Il leur y présenta de nouvelles propositions discutées lors du sommet de Taba.

[13] Parmi les autre, l’ « affaire Lewinsky ».

[16] Guillaume Weil Raynal « La communauté juive française, la seconde Intifada, et l’affaire Al Doura », Revue trimestrielle confluences méditerranéennes, printemps 2010. http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=18389

[19] Sasha Polakow-Suransky « Who killed Camp David? », 19 septembre 2004. http://www.prospect.org/cs/articles?article=who_killed_camp_david

[20] Elisabeth Schemla «Ton rêve est mon cauchemar : Les six mois qui ont tué la paix », Flammarion 2001, p. 111.

[21] Pierre Razoux « Tsahal : Nouvelle histoire de l’armée israélienne », Librairie Académique Perrin 2006, p. 443

[22] (Video) Charles Enderlin « La mort de Mohammed al Doura » France 2, le 30 septembre 2000. http://ma-tvideo.france2.fr/video/iLyROoafYVIk.html.

[24] Isabelle Garcin-Marrou et Jean-François Tetu « Seconde Intifada et terrorisme : une analyse des discours de la presse française », dans Annuaire français de relations internationales 2003 Volume 4 pp. 851-852. http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/actions-france_830/etudes-recherches_3119/annuaire-francais-relations-internationales_3123/IMG/pdf/FD001332.pdf

[27] David Rudge “Bomb horror hits Tel Aviv disco” the Jerusalem post, 6 juin 2001.  http://info.jpost.com/C001/Supplements/Disco/index.html

[28] Eliezer Palmor, « François Mitterrand et le conflit israélo-palestinien », Institut des relations internationales, Leonard Davis, l’Université Hébraïque de Jérusalem, février 1999, pp. 22-23, (en hébreu).

[29] Le sujet des relations économiques de la France avec les pays proche-orientaux est bien présenté sur le site Internet du ministère français des Affaires étrangères (MAE): http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/

[30] Dominique de Villepin,  « Un autre monde », L’Herne, 2004, p. 241.

[31]De Villepin, Un autre monde, pp. 171-72. .

[32] Plusieurs ouvrages publiés en France présentent une critique partiale d’Israël concernant « l’occupation et l’utilisation de force ». Voir par exemple: Denis Siffert, « Israël-Palestine, une passion française : la France dans le Miroir du conflit israélo-palestinien », Éditions La Découverte, Paris, 2004.

[33] Eitan, « La France, Israël et les Arabes », pp. 329-38.

[34] Ehoud Barak, L’Europe et le Proche-Orient, conférence organisée par Medbridge et le Centre de Dialogue Stratégique, Collège de Netanya, 21 septembre 2004 ; George Marion, Le Monde, 7 octobre 2000

[35] Shlomo Ben-ami, Hazit Leloh Oref (hébreu), Éditions Yediot Aharonot et Hemed, Tel Aviv, 2004, pp. 311-12.

[36] Ministre français des Affaires étrangères à l’époque. Entretien d’Hubert Védrine avec Europe 1, 6 octobre 2000.

[37] Ambassadeur d’Israël à Paris de décembre 2000 à octobre 2002. Élie Barnavie et Luc Rosenzweig, La France et Israël, une affaire passionnelle, Perrin, Paris, 2002, pp. 21-24

[38] Entretien de Lionel Jospin, 4 novembre 2000, http://www.diplomatie.gouv.fr/en/ .

[39] Entretien d’Hubert Védrine avec France 2, 20 septembre 2001 ; entretien d’Hubert Védrine avec France-Inter, 4 décembre 2001 ; entretien d’Hubert Védrine avec Le Nouvel Observateur, 6 décembre 2001 ; entretien du président Jacques Chirac avec les medias Egyptiens, 11 novembre 2001 ; entretien du premier ministre Lionel Jospin, 1 décembre 2001 ; entretien d’Hubert Védrine, 29 octobre 2001.

[40] Documents saisis par Israël lors de l’opération « Rempart », 15 avril 2002, http://www.mfa.gov.il/MFA/MFAArchive/2000_2009/2002/4/Documents%20seized%20during%20Operation%20Defensive%20Shield . L’implication d’Arafat et de l’Autorité palestinienne dans les actes terroristes, 6 avril 2002, http://www.mfa.gov.il/MFA/MFAArchive/2000_2009/2002/5/The%20Involvement%20of%20Arafat-%20PA%20Senior%20Officials%20and .

[42] Tsilla Hershco, « La Politique de la France pendant la deuxième intifada, 2000-2005» (en hébreu), Begin-Sadat (BESA), Centre d’Etudes Stratégiques, Juillet 2006, pp. 29-31.

[44]  Elie Barnavi « 1397, une résolution historique ? » Le Monde, 19 mars 02. http://www.cicad.ch/index.php?id=133

[45] Ibidem.

[46] « [En février 2003,] Les attentats de Jérusalem et Netanya sont intervenus le lendemain même du jour où Ariel Sharon a déclaré qu’il renonçait au préalable d’une interruption de 7 jours des violences avant l’ouverture de nouvelles négociations en vue d’un cessez-le-feu. Cette annonce représente une concession de la part du Premier ministre israélien qui avait toujours exclu d’engager des discussions sur l’exécution du plan Tenet si les actes de violences persistaient. Une position radicale qui avait été critiquée par l’opposition de gauche israélienne. Yossi Sarid, chef du parti Meretz, a ainsi estimé que «si le Premier ministre avait renoncé à son entêtement irréaliste sur les 7 jours de calme, il est probable que nous aurions actuellement moins de famille en deuil».

Valérie Gas, « Violence sans limite », RFI, 10 mars 2002. http://www.rfi.fr/actufr/articles/027/article_13448.asp

[47] Elie Barnavi art.cit.

[50] Il organise une rencontre les auteurs de l’initiative le 5 décembre 2003.

[51] Shira Ansky « Chronologie israélienne : compter les morts », Outre-Terre 4/2004 (no 9), p. 491-507. http://www.cairn.info/revue-outre-terre-2004-4-page-491.htm http://www.cairn.info/revue-outre-terre-2004-4-page-491.htm

[52] Dominique de Villepin, conférence de presse avec les medias lors d’une visite en Israël, 24 septembre 2001, http://www.diplomatie.gouv.fr/en/  ; Ellie Barnavi, entretien avec Yediot Aharonot, 16 décembre 2001 ; Barnavie et Rosenzweig, La France et Israël, pp. 40-41, http://www.ynet.co.il/articles/0,7340,L-1430228,FF.html .

[53] Discours de M. Dominique de Villepin à l’Hôtel King David (Jérusalem, Dimanche 25 mai 2003) http://www.col.fr/article.php3?id_article=189

[54] Josette Alia « Moshé Katsav, président d’Israël : La France n’est pas antisémite mais… » Nouvel Observateur, jeudi 12 février 2003.

http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/monde/20040210.OBS3999/moshe-katsav-president-d-israel-la-france-n-est-pas-antisemite-mais.html

[55] Stéphanie Le Bars et Gilles Paris « Entretien avec Moshe Katsav, président de l’Etat d’Israël », Le Monde, 14 février 2003. http://www.desinfos.com/spip.php?page=article&id_article=1075

[56] Paul Giniewski, « Antisionisme: le nouvel antisémitisme », Éditions Cheminements, Paris, 2005 ;Shmuel Trigano, « Démission de la République: Juifs et Musulmans en France », Paris, PUF, 2003.

[57] « France : 300 actes antisémites en 2004 », Le Nouvel Observateur, 28 août 2004 http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/societe/20040826.OBS5597/france-300-actes-antisemites-en-2004.html

[58] David Levy « L’Agence juive et le gouvernement israélien lancent une opération de porte-à-porte pour persuader les Français juifs d’émigrer en Israël »,  Maariv, 13 juin 2004. http://www.col.fr/article.php3?id_article=578

[59] (Video) « Historique des relations franco-israéliennes qui ont toujours été assez tendues » Soir 3 journal – 19/07/2004 – 02min14s http://www.ina.fr/politique/presidents-de-la-republique/video/2616150001002/historique-des-relations-franco-israeliennes-qui-ont-toujours-ete-assez-tendues.fr.html

[60] Point de presse de M Jacques Chirac à l’issue du sommet de l’OTAN, Istanbul, 29 juin 2004

https://pastel.diplomatie.gouv.fr/editorial/actual/ael2/bulletin.asp?liste=20040630.html&submit.x=7&submit.y=8

[61] « Sharon trouve la France  inamicale »,  Le Nouvel Observateur,  6 juillet 2004 http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/monde/20040705.OBS2262/sharon-trouvela-france-inamicale.html

[62]  « Ariel Sharon appelle les juifs à quitter la France »,  Le Nouvel Observateur,  19 juillet 2004

http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/monde/20040718.OBS2983/ariel-sharon-appelleles-juifs-a-quitter-la-france.html

[63] « Q – Sur le plan factuel, avez-vous eu une réponse, vous ou la présidence de la République, à votre demande d’explications suite aux propos d’Ariel Sharon ?

R – Nous avons demandé des explications parce que nous avons droit à des explications. Au moment où je vous parle, nous n’avons pas reçu une réponse à cette demande d’explications. Je veux simplement ajouter, sur cette question, et à propos de notre pays, que rien, aucune polémique, ne nous détournera de l’action déterminée engagée par le président Jacques Chirac, par le gouvernement tout entier, par toutes les forces politiques, sociales, de la France, pour lutter sans aucune faiblesse, avec une intransigeance absolue, contre toutes les formes d’antisémitisme, de racisme, ou de xénophobie».

Entretien de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, avec Europe 1 le 20 juillet 2004, sur la crise diplomatique entre la France et Israël à la suite des déclarations du Premier ministre israélien, Ariel Sharon, sur le climat d’antisémitisme en France, les rapports avec l’Autorité palestinienne, la perspective d’une adhésion de la Turquie à l’Union européenne et le futur référendum sur la Constitution européenne.

http://discours.vie-publique.fr/notices/043001941.html

[64] Alessandro Gandesso « Sharon aux juifs français : quittez cet enfer ! » Courier International n° 716, 22 juillet 2004.

[65] Cf. Le Monde, 15 fév. 2005, où sont rapportés les propos de F. Fillon, alors ministre convié, avec l’ensemble du gouvernement, au dîner annuel du CRIF.

[66] Sylvain Shalom, (ministre israélien des Affaires étrangères de l’époque, lors d’une visite à Paris), Le Figaro, 24 août 2004.

[67] The Cabinet Resolution Regarding the Disengagement Plan (6 Juin 2004) http://www.mfa.gov.il/MFA/Peace+Process/Reference+Documents/Revised+Disengagement+Plan+6-June-2004.htm

[74] « No change in Sharon’s vegetative state, says his doctor »  The Jerusalem Post, 27 Octobre 2009;

[75] 25 janvier 2006. Le Hamas sort victorieux aux élections législatives palestiniennes. Il remporte 76 sièges contre 23 pour le Fatah. http://www.monde-diplomatique.fr/cahier/proche-orient/a12330

[77] Propos liminaires de M Jacques Chirac, avant son entretien avec M Olmert (Paris, 14 juin 2006) https://pastel.diplomatie.gouv.fr/editorial/actual/ael2/bulletin.asp?liste=20060615.html#Chapitre1

[79] Tsilla Hershco, « Les relations franco-israéliennes 2000- 2007 : Quel bilan ?», Journal d’étude des relations internationales au Moyen-Orient, Vol. 3, No. 1 (mars 2008) p. 28

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