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La crise, tremplin vers le changement ?

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[image:1,l] Le Nigeria, qui traverse actuellement deux crises majeures, pourrait bien ressortir plus fort de ces événements. C’est en tout cas l’avis d’Omoyele Sowore, analyse et activiste nigérian résidant aux États-Unis et fondateur de « Sahara Reporters ».

« Tout ça est finalement très positif. Les manifestations partout dans le pays sont une chance. Le peuple, les jeunes, les chrétiens, les musulmans : tous demandent un meilleur gouvernement », explique Omoyele Sowore. « Ils demandent la fin de la corruption et de la mauvaise gestion qui minent le Nigéria depuis plus de quarante ans. »

Les armes des manifestants : Twitter et Facebook

Les mouvements de protestation, qui ont touché le Nigeria début janvier 2012, ont puisé leur inspiration dans les révolutions du Printemps arabe autant que dans le mouvement de constestation pacifique Occupy Wall Street (« Occupons Wall Street »).

« Il y a 70 millions de Nigérians avec des téléphones portables. C’est plus qu’au Canada. Ils utilisent Twitter et Facebook, organisent leurs manifestations eux-mêmes »  précise M. Sowore au GlobalPost. « Personne là-bas n’attend que CNN ou le New York Times viennent raconter leur combat. Ils écrivent eux-mêmes leur histoire, et ce qu’ils demandent, c’est la fin de la corruption. Immédiatement. Ce qu’ils exigent, ce n’est pas simplement une baisse du prix du pétrole, c’est un changement complet de la classe politique. »

Boko Haram, symbole d’un pays en crise

Pour Omoyele Sowore, la violence des extrémistes islamistes de Boko Haram est directement reliée au problème. « Boko Haram, c’est avant tout le symbole d’un pays mal géré. Il y a d’autres groupes de rebelles au Nigeria, comme le MEND (Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger) ou des preneurs d’otages. Si ce groupe-là venait à être anéanti par l’armée et le gouvernement, d’autres prendraient leur place. Le problème, c’est la corruption. Boko Haram n’en est que la conséquence : le fruit du mécontentement, du ras-le-bol et du chômage. »

Le Nigeria est frappé par un taux de chômage de plus de 23 %, touchant particulièrement les jeunes.

M. Sowore n’est pas le seul à voir en Boko Haram une tragique conséquence d’un pays en proie à des maux plus profonds. Cette secte islamiste est née dans les terres arides du Nord-Est, une des régions les plus pauvres du Nigeria. Le recrutement est facilité dans cette zone par des conditions de vie misérables, un système d’éducation défaillant et un taux de chômage encore plus élevé que dans le reste du pays.

Le spectre d’une guerre civile entre chrétiens et musulmans

Malgré la violence des attaques terroristes orchestrées par Boko Haram, qui ont fait notamment plus de 186 morts la semaine dernière à Kano, le président Goodluck Jonathan est resté discret. Considérant la vague d’attentats comme un problème de sécurité, il n’a pas envisagé de changements purement politiques.

« Il cherche un retour au calme. Pour lui, on est encore loin d’éventuels affrontements majeurs », affirme Patrick Smith, rédacteur en chef dAfrica Confidential. « C’est un échec complet. Il n’arrive pas à concilier les gens du Nord et ceux du Sud, qui pourtant font grève ensemble pour le changement. »

La plus grande crainte du président Jonathan est la scission de l’armée. Composé de chrétiens du sud du pays, l’état-major est très différent des officiers plus jeunes et moins haut gradés, qui, eux, sont issus de différentes ethnies et religions : on trouve à la fois des chrétiens et des musulmans dans leurs rangs.

Pour Patrick Smith, un éclatement de l’armée serait un réel cauchemar pour le pays qui pourrait alors tomber dans la guerre civile.

Mais un scénario moins catastrophique peut aussi survenir. En prenant en compte les demandes des manifestants sur le prix de l’essence, Goodluck Jonathan a montré qu’il était prêt à écouter la rue. Il lui reste à franchir l’étape suivante : l’assainissement de tout le système de gouvernance qui tire le Nigeria vers le bas.

GlobalPost/Adaptation Emmanuel Brousse pour JOL Press

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