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La France perd son triple A: quelles conséquences?

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[image:1,l]D’abord, des rumeurs. Cet après-midi, la Bourse de Paris, qui avait commencé la journée en hausse de plus de 1%, est brusquement tombée dans le rouge. A 16h50, le CAC 40 perdait 0,87% à 3172 points. L’euro est passé sous la barre de 1,27 dollar.


Invité du journal de 20h de France 2, François Baroin, ministre des Finances, a confirmé la nouvelle. Il a indiqué que ce n’était pas une surprise et que la note, dégradée d’un cran, restait bonne.


A 22h38, Standard and Poor’s publie un communiqué officiel : la France perd son triple A, elle est désormais notée AA+ avec perspective négative, laissant présager une nouvelle dégradation dans les prochains mois.


Neuf pays, France comprise voient leur note dégradée :
– Sont abaissées de deux crans les notes : de l’Espagne, qui chute à un simple A avec perspective négative ; de l’Italie, à BBB+ ; du Portugal, à BB en catégorie spéculative ; et enfin de Chypre, qui passe à BB+ en catégorie spéculative ;
– Sont abaissées d’un cran les notes : de l’Autriche, qui tombe à AA+, de la Slovénie, désormais notée A, de la Slovaquie, notée A+, et de Malte, notée A-;


S&P conserve le AAA de l’Allemagne, sous perspective stable, ainsi que le AAA de la Finlande, quant à lui sous perspective négative.


Standard and Poor’s avait placé ces pays sous surveillance négative le 5 décembre 2011


Un an de rumeurs et un  mois de menaces. Le 5 décembre dernier, l’agence de notation avait placé 15 pays de la zone euro sous surveillance négative, dont l’intégralité du « club AAA », qui regroupe les 6 pays ayant encore la note maximale – Allemagne, Pays-Bas, Finlande, Luxembourg, Autriche et France. S&P’s, qui doit publier courant janvier son rapport, avait mis une pression particulière sur Paris en précisant que la France pourrait être dégradée de deux crans.


Les craintes d’une nouvelle crise grave de l’euro


Si le scénario d’une dégradation généralisée devait se confirmer la monnaie unique pourrait traverser une nouvelle crise grave alors que dans les dernières semaines, après les décisions prise au Sommet européen de Bruxelles, les 7 et 8 décembre, et relatives à la mise en œuvre d’un pacte de stabilité budgétaire, la situation, notamment sur le marché des obligations d’Etat, semblait s’être quelque peu rétablie.


Le scénario redouté serait qu’après l’Irlande, la Grèce et le Portugal, d’autres pays, qui verraient le coût de leurs emprunts sur le marché obligataire s’envoler, soient contraints de faire appel à l’aide internationale pour réduire la taille de leurs déficits publics.


Le risque de « la spirale infernale » 


Dégradation de la notation > hausse des taux > hausse de la charge d’intérêt > hausse du déficit > hausse de la dette publique  > hausse des risques > dégradation de la notation


La théorie macro-économique ne pousse pas à l’optimisme. Le risque réside dans l’augmentation des taux d’intérêt qui pourrait suivre une dégradation de la notation : si les taux augmentent, la charge de la dette augmente, le déficit également… l’État doit s’endetter davantage… les risques continuent à croître et  la notation est, à nouveau, dégradée…
Ce n’est que de la théorie et, si ce scénario est celui observé en Grèce notamment, il n’y a aucune automaticité.


Personne ne croit au scénario-catastrophe d’une vente massive de la dette française


Il est fortement improbable, dans les circonstances actuelles, que l’on assiste à une vente massive de la dette française mais les prêteurs étrangers comme la Chine pourraient avoir la tentation de se défaire d’une partie de leurs bons du trésor français.
De plus, certains gérants obligataires pourraient être contraints à céder de la dette française, car ils ont l’interdiction de détenir des titres autres que « AAA » – c’est le cas des banques suisses, allergiques au risque. ­La France ne bénéficiera plus du report technique sur les dettes restantes ayant encore cette notation. Il est évident qu’une dégradation collective est moins grave qu’une dégradation individuelle.
Toutefois, la détérioration du marché boursier est telle que les bons du trésor français devraient rester pour l’essentiel une valeur-refuge.­


L’effet domino sur les organismes « sub-souverains »


D’autre part, la dégradation d’une note dite « souveraine » entraînerait avec elle les notes de nombreuses entreprises et collectivités locales françaises et européennes : collectivités territoriales, entreprises ayant l’État à leur capital et entreprises bénéficiant de la garantie implicite de l’État. Cela renchérirait leurs coûts de financement, au détriment de leur situation financière.
Au niveau de la zone euro, le Fonds européen de stabilité financière (FESF) perdrait aussi son triple A, mais peut-être aussi la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD) et la Banque européenne d’investissement (BEI), dont les émissions sont garanties par les États.   


La crainte d’un « credit crunch », une contagion aux entreprises et ménages


La plus grande menace aux yeux des économistes est celle d’un « credit crunch », une raréfaction et un renchérissement du crédit qui gripperait l’investissement des entreprises et, par ricochet, toute l’économie.
Les ménages endettés verraient le montant de leur dette augmenter. Tous les particuliers vont être contraints de moins vivre à crédit, ce qui peut aussi peser sur la consommation. Par ailleurs, ils seraient affectés par la baisse de l’activité.


Un report sur les pays émergents et les valeurs refuges


Les investisseurs pourraient se détourner vers les pays émergents, jugés plus sûrs. L’arrivée massive de capitaux étrangers en Amérique latine ou en Asie par exemple, pourrait entraîner le développement de bulles spéculatives, comme ce fut le cas en 1998.
Les investisseurs auraient plutôt tendance à se replier vers des matières premières refuges. Le cours de l’or est au plus haut. S’il venait à augmenter, cela pèserait d’autant plus sur le coût des matières premières, ce qui créerait de l’inflation. 

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