Site icon La Revue Internationale

La rue dénonce l’autoritarisme de Viktor Orban

capture_decran_2012-01-10_a_16.51.04.pngcapture_decran_2012-01-10_a_16.51.04.png

[image:1,l]En 1989, les Hongrois affrontaient les dictateurs communistes, motivés par le discours d’un jeune avocat de 26 ans, Viktor Orban. Peu après, la rue l’emportait. Aujourd’hui, l’ancien leader de la révolution hongroise est devenu Orban « le Vicktateur » pour les manifestants. D’après eux, le jeune rebelle est devenu ce qu’il haïssait le plus : un dirigeant autocratique.

« Une démocratie sans démocrates »

[image:2,s]Depuis la chute du communisme, les hommes politiques hongrois ont imposé des lois restrictives sur la liberté de la presse, ont fait taire les dissidents et excellent dans l’art de diviser les mouvements protestataires. Longtemps, les Hongrois ont laissé faire et la Hongrie, selon l’auteur autrichien Paul Lendvai, s’est transformée en une démocratie sans démocrates. Mais ces dernières semaines, d’importantes manifestations ont battu le pavé dans le centre de Budapest. Si personne ne peut prédire la prochaine étape, des manifestants affirment que le « Printemps Hongrois » est lancé.

« La Hongrie avait pour habitude d’être l’un des pays les plus passif politiquement, » rapporte Attila Steve Kopias, un manifestant qui a contribué à mobiliser des dizaines de milliers de Hongrois, lundi 9 janvier 2012. « Mais maintenant le peuple se réveille… beaucoup disent que cette époque doit finir au plus vite. »

Les opposants pointent du doigt la politique, qu’ils qualifient de dure, visant les personnes vivant dans la misère, des sans-abris, des mendiants, ceux qui n’ont pas de quoi se nourrir et cherchent quelques restes au fond d’une poubelle. D’après eux, la nouvelle Constitution mise en place par Orban contient une grande variété de mesures qui réduisent les libertés personnelles et font prévaloir les idées conservatrices du gouvernement. Parmi elles, le durcissement de la politique anti-avortement, appliquée à l’ensemble de la population.

« À cause de cette nouvelle constitution, je suis très inquiet pour les femmes qui veulent se faire avorter, » confie Stefania Kapronczay, représentante de l’Union hongroise pour les libertés civiles.

La chasse aux journalistes

Cela fait près d’un mois que trois journalistes hongrois font une grève de la faim, contestant la mainmise de l’Etat et ses interférences sur les médias. Les accusations dénonçant les rapports pervers qu’entretient Orban avec les médias n’ont rien de nouveau. L’an dernier, en mars 2011, son gouvernement a mis en place un Conseil des médias afin de contrôler les diffuseurs publics. Depuis, les journalistes affirment que la situation n’a fait qu’empirer. Ils avouent être soumis à de fortes pressions pour modifier l’angle de leurs articles et minimiser le mouvement des dissidents. Un directeur de l’information envoyé par le gouvernement leur impose même ce qu’ils peuvent – et doivent – diffuser.

« On blague un peu sur le fait que le seul bruit que l’on entend dans nos bureaux ces derniers jours, c’est le son de la voix du directeur de l’information disant à un journaliste sur quoi écrire dans une oreillette, » raconte une journaliste de Duna TV, qui préfère conserver l’anonymat de peur de perdre son emploi.

L’économie en crise

[image:4,s]Mais Viktor Orban ne fait pas que se battre contre les journalistes ou les manifestants ces jours-ci, son attitude interventionniste a également perturbé les investisseurs. Vendredi 6 janvier 2012, Fitch Rating a suivi les autres agences de notations en abaissant la note de la Hongrie à BBB-, faisant passer le pays en catégorie spéculative. L’agence a fondé sa décision sur « les politiques de rigueur réduisant la confiance des investisseurs. » La décision de Fitch pourrait avoir des conséquences désastreuses sur l’économie hongroise, car le pays a traditionnellement profité des investissements de son voisin, l’Autriche.

Cette baisse de la note est arrivée à un moment où la confiance dans le système financier hongrois était déjà en train de s’effondrer. La réputation de Viktor Orban et sa tendance à prendre des décisions économiques imprévisibles a motivé cette perte de confiance. Il a, par exemple, récemment nationalisé des pensions privées. Il a également introduit un impôt à taux unique de 16% avant de se rétracter.  Pendant ce temps, 22% des Hongrois ne peuvent plus payer leurs factures de service public, si l’on en croit le sondage mené par Dijbeszedo, une agence de recouvrement.

« Ayez de l’espoir »

La Banque nationale hongroise a publié un communiqué très peu ordinaire jeudi 5 janvier 2012. « La Banque Nationale Hongroise insiste sur le fait que le système bancaire hongrois est stable, » peut-on lire. Mais vendredi, de nombreux Hongrois songeaient à transférer leur argent à l’étranger. Une banquière de Budapest a confié au GlobalPost que les banques autrichiennes avaient installé des panneaux indiquant que le personnel parlait hongrois. Cela peut prendre près d’une semaine et demi pour avoir un rendez-vous avec l’un des employés parlant hongrois.

La crainte d’un effondrement soudain du système financier hongrois a poussé le gouvernement à réagir. L’ancien ministre des finances, Peter Oszko, a précisé sur la première chaîne de télévision nationale que de telles craintes n’étaient pas « rationnelles ». De son côté, le Premier Ministre Orban assurait les épargnants que le gouvernement ne saisirait pas leurs économies si la Hongrie ne parvenait pas à obtenir un nouveau prêt auprès du Fonds Monétaire International. Mais l’obtention de ce prêt est devenue de moins en moins probable après qu’Orban ait annoncé sa décision de se doter de nouveaux pouvoirs sur la Banque Centrale Hongroise, réduisant de fait son indépendance.

L’Union Européenne et le Fonds Monétaire International ont achevé leurs négociations concernant le deuxième renflouement financier de la Hongrie, sur quatre ans, après que l’étendue des changements ait été éclaircie en décembre dernier.

Prêt à rejoindre Berlusconi ?

[image:3,s]Bien que la Hongrie soit en pleine crise sociale, économique et politique, le gouvernement a annoncé vouloir presser l’instauration de la nouvelle Constitution. Il soutient que les inquiétudes exprimées par les autres membres de l’Union Européenne et par les Etats-Unis reflètent uniquement les intérêts des banques.

« Si quelqu’un lit la constitution hongroise, et pas seulement les grands titres, il réalisera que c’est démocratique, » affirme Jozsef Szajer, représentant du parti d’Orban, le Fidesz-Union civique hongroise, au parlement européen. Selon Szajer, les autres pays européens ont pris la Hongrie pour cible, car elle a usé  « de quelques méthodes peu communes pour partager le fardeau de la crise. » Des méthodes peu communes parmi lesquelles figure l’instauration d’une taxe sur les banques et les sociétés de téléphonie. « Ce sont ces intérêts qui motivent beaucoup des critiques, » a-t-il ajouté.

Ce genre de déclaration fonctionne sûrement en Hongrie, où Fidesz reste en tête des sondages d’opinion, et où il détient deux tiers des sièges au parlement. Mais la force de Viktor Orban dans son pays, diminuant doucement mais sûrement, n’est là que pour camoufler ses faiblesses à Bruxelles. Si la situation financière de la Hongrie continue d’empirer, il se peut qu’il subisse le même destin que Silvio Berlusconi. De nombreux italiens ont supporté le magnat des médias jusqu’à la fin, mais cela n’a pas suffit à le sauver. 

Global Post/Adaptation Antoine Le Lay pour JOL Press

Quitter la version mobile