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L’Afrique ne connaît pas la crise

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A contre-courant de la tendance mondiale, l’Afrique connaît une vigoureuse reprise économique.
Le taux de croissance du continent dans son ensemble devrait passer de 2,7 % en 2011 à
5 % en 2012 et 5,1 % en 2013
. La région retrouverait ainsi en 2012 sa moyenne d’avant-crise. Cette embellie est principalement causée par le niveau élevé des cours des matières premières, un afflux significatif de capitaux étrangers et une hausse continue de la demande et des investissements en provenance d’Asie – et, en particulier, de la Chine.


Des taux de croissance fortement divergents d’un pays à l’autre


Toutefois, les taux de croissance des pays du continent continuent de diverger fortement. Selon le rapport de la Banque mondiale, Perspectives pour l’économie mondiale, un tiers des pays d’Afrique ont connu un taux de croissance supérieur à 6 % et 40 % ont dû « se contenter » d’un taux compris entre 4 et 6 %.
Le « premier de la classe » est le Ghana, avec un PIB en hausse de 13,6 %.
Les raisons sont là aussi clairement établies : les conflits armés d’abord – rébellions ou soulèvements –, le manque d’infrastructures, la corruption, la désorganisation des structures étatiques et les sécheresses. Dans certains pays, ces facteurs handicapent gravement la croissance et ont un coût humain élevé. Le Soudan, amputé du Soudan du Sud, où se trouvaient l’essentiel de ses réserves pétrolières, a vu son PIB chuter de 8 %.


Le Printemps arabe pèse sur la croissance


De sérieux problèmes politiques, parmi lesquels les changements tumultueux survenus ces derniers mois dans le monde arabe, pèsent et continueront de peser sur la croissance économique en Afrique du Nord, dans le Maghreb et le Machrek.


La guerre civile en Libye a certes provoqué un changement de régime, mais elle a eu un impact économique considérable : l’économie s’est contractée de 25 % en 2011. Toutefois, les efforts de reconstruction et une plus large ouverture du pays aux investisseurs étrangers devraient générer une reprise en 2012.


L’Egypte, le Maroc et la Tunisie devraient tous connaître une hausse sensible de leur croissance économique en 2012, engendrée en large partie par la fin des troubles politiques et de leurs conséquences négatives pour l’activité. Ces gouvernements comptent en particulier sur une relance de l’industrie touristique, qui a nécessairement souffert du climat révolutionnaire. Les taux de croissance dans la région resteront pourtant bridés par les incertitudes politiques, qui pourraient continuer d’exercer un effet néfaste, mais la reprise devrait être au rendez-vous.


Le mini-miracle économique de l’Afrique de l’Est


En Afrique de l’Est, le Kenya continuera de connaître une forte croissance de son PIB, soutenue par les investissements dans les infrastructures, l’expansion du secteur des télécommunications et de l’activité bancaire. La croissance devrait également être vigoureuse en Ouganda, où d’importants investissements ont été opérés dans le secteur énergétique, par exemple dans une nouvelle usine de raffinage, et ceci malgré les risques d’agitation politique. En Ethiopie, une forte croissance viendra récompenser la poursuite de l’amélioration des infrastructures, notamment dans le secteur de l’énergie.


La mise en place d’une monnaie unique au sein de la Communauté de l’Afrique de l’Est à courte échéance – comme cela est actuellement discuté – pourrait aussi avoir un impact positif sur la croissance, notamment en faisant disparaître les taux de change dans les échanges entre les cinq pays (Burundi, Kenya, Ouganda, Rwanda, Tanzanie).


L’Afrique du Sud sur une pente vertueuse


L’Afrique du Sud, plus directement affectée par le ralentissement de l’économie mondiale, en raison de son niveau relatif de développement, a enregistré une croissance de 3,2 % en 2011. Elle devrait connaître une expansion plus vigoureuse en 2012, soutenue par une demande croissante en provenance d’Asie, la poursuite de mesures de relance fiscale et une augmentation de la consommation, stimulée par des salaires en hausse.


Malgré un essor relativement solide en Afrique, les experts soulignent que le chômage et la pauvreté demeurent de sérieux problèmes. Les principales causes de blocage sont le manque de diversification – notamment dans les activités générant une forte valeur ajoutée–, la pénurie de travailleurs qualifiés et une productivité faible


La demande intérieure reste le principal moteur


Le principal moteur de la croissance à travers le continent reste la demande intérieure. On observe très clairement une hausse de la consommation, des investissements et des dépenses publiques consacrées à des activités productives. Ainsi, petit à petit, l’Afrique comble son retard de développement.


L’impact des investissements asiatiques


Cette croissance repose pour une large part aussi sur la nette augmentation des investissements étrangers directs (IED) des pays d’Asie. Destinés en majorité au secteur des ressources naturelles, ces investissements pourraient également venir irriguer l’industrie et les secteurs manufacturiers. Une des raisons en est la complémentarité du développement économique de l’Asie et de l’Afrique.


Jusqu’à récemment, les IED d´Asie provenaient essentiellement des nouveaux pays industriels (Hong Kong, Corée du Sud, Singapour et Taiwan), mais la Chine et l’Inde sont désormais d’importants partenaires. Singapour, l’Inde et la Malaisie sont les premiers pays d’origine des IED en Afrique. En 2011, les investissements chinois en Afrique ont augmenté de 58,9 %, à 1,7 milliard de dollars (1,3 milliards d’euros), selon le ministère du Commerce chinois.


Vers un néo-colonialisme chinois ?


La présence des investisseurs chinois est désormais visible dans les grandes capitales africaines – surtout celles dont les pays disposent  de riches réserves en ressources naturelles. Selon certaines estimations, les échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique dépasseraient les 100 milliards de dollars (76,7 milliards d’euros) par an. Par ailleurs, plus d’un million de Chinois habitent en Afrique.


Entre 2000 et 2010, deux institutions chinoises – la China’s Export-Import Bank et la China Development Bank – ont financé pour 67,2 milliards de dollars (51,6 milliards d’euros) de projets d’infrastructures en Afrique, selon une étude récente de l’agence d’évaluation Fitch. C’est 12 milliards de plus que ce qu’a injecté la Banque mondiale pendant la même période.


Malgré cette générosité très visible, la présence massive des Chinois irrite de nombreux Africains. Pas tant pour des questions ethniques que pour la forme de néo-colonialisme qu’elle représente. Ce qui passe mal : leur tendance à faire de l’argent en Afrique et le rapatrier chez eux, en Chine… Déjà vu.

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