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Le premier ministre Youssouf Raza Gilani sur la sellette

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[image:1,l]La saga politique, qui passionne le Pakistan depuis ces derniers mois, vient de connaître un nouvel épisode. Lundi 16 janvier, la Cour suprême du pays a convoqué le Premier ministre pour outrage à la cour.

Le Premier ministre, cible numéro 1 de la justice

Ce développement rapproche encore davantage le pouvoir exécutif d’un affrontement direct avec le pouvoir judiciaire, largement supporté par la puissante armée nationale. Cette lutte aurait pour issue, plus que probable, la chute de l’actuel gouvernement civil.

Le Premier ministre, Youssouf Raza Gilani devra désormais expliquer pourquoi son gouvernement n’a pas poursuivi l’enquête contre les 8 041 technocrates, hommes politiques et agents de l’administration, accusés de multiples chefs d’accusation, du genre corruption, blanchiment d’argent et même meurtre.

Choisir entre sa place et le président

[image:2,s]Le président Asif Ali Zardari est accusé en personne. Raza Yousaf Gilani estime que, de fait, ses fonctions présidentielles assurent à Asif Ali Zardari une immunité.

Lorsque Youssouf Raza Gilani comparaitra devant la cour, probablement jeudi 19 janvier, il devra choisir entre risquer sa position et trahir son mentor en politique. Il est lui-même est membre du Parti du peuple pakistanais (PPP), dont Asif Ali Zardari est le co-président. Les experts judiciaires son formel, Raza Yousaf Gilani pourrait perdre sa place à l’Assemblée et son poste de Premier ministre, s’il est reconnu coupable d’outrage au tribunal.

Un retournement logique

La décision du tribunal n’est pas une surprise pour Ahmad Bilal Mehboob, directeur exécutif de l’Institut pakistanais du développement législatif et la transparence : « C’est, je pense, le résultat logique de ce qui s’est développé depuis ces derniers mois, parce que, en réalité, c’est le chef de gouvernement qui est responsable du manque d’entrain dont font l’objet les ordonnances rendues par la Cour Suprême. »

Ayaz Amir, chroniqueur et député de la Ligue musulmane du Pakistan (N), un parti d’opposition, déclarait que Youssouf Raza Gilani serait confronté à de nombreuses difficultés, ce jeudi 19 janvier : « Ils vont tout droit vers une collision, un affrontement direct et je pense que la décision finale lui sera défavorable et que nous devrons chercher un nouveau Premier ministre. »

Youssouf Raza Gilani peut encore présenter ses excuses

D’après Ahmad Bilal Mehboob, Youssouf Raza Gilani conserve une chance d’éviter la condamnation : pour cela, il doit s’appliquer à lui-même l’ordonnance et présenter ses excuses : « Ensuite, la Cour suprême acceptera probablement ses excuses et n’ira pas plus loin. Mais si le Premier ministre persiste dans son comportement méprisant, aucun doute que les juges le condamneront. »

Le scandale de l’Ordonnance de réconciliation nationale

[image:3,s]Asif Ali Zardari et les 8 040 autres accusés ne sont pas poursuivis pour des actes commis avant 2007, et cela en raison d’un accord entre la femme de Zardari, Benazir Bhutto, assassinée la même année, et le président de l’époque, le général Pervez Musharraf. Cet accord, une loi appelée l’Ordonnance de réconciliation nationale (ORN), a permis à Benazir Bhutto de revenir au Pakistan sans craindre de devoir répondre de nombreuses accusations, de son point de vue, politiquement motivées.
Néanmoins, en 2009, la Cour suprême du Pakistan a jugé que la loi était inconstitutionnelle et a demandé la réouverture du dossier. Le gouvernement n’a pourtant pas bougé.

Le pays de la corruption

La détermination de la Cour suprême à rouvrir le dossier a été applaudie par certains alors qu’au contraire elle augmentait la suspicion d’autres. « L’ORN était une très mauvaise loi, spécialement dans le contexte de la campagne contre la corruption. Elle tolérait la corruption. Donc déclarer l’ORN illégale est une bonne chose, » explique Ahmad Bilal Mehboob. « Cela aidera probablement à ce que le droit prévaut dans notre pays, un pays aujourd’hui très affaibli, très pauvre. »

Le Pakistan a été classé 134ème, sur 182, dans l’indice de corruption de Transparency Internatonal, qui mesure le niveau de corruption dans un pays.

La Cour Suprême choisit ses dossiers

Mais, d’autres testiment que la Cour Suprême est très sélective dans sa manière de choisir les causes qu’elle entend défendre. « Elle étudie certains dossiers avec une rigueur exceptionnelle tandis que d’autres cas sont totalement ignorés, » déclare Ayaz Amir.

Une proche d’Asif Ali Zardari, qui a préféré garder l’anonymat, pense que le zèle du tribunal est une sorte de vengeance. En 2008, le président avait retardé le rétablissement de Muhammad Iftikhar Chaudhry, le principal juge de la Cour suprême. Ce n’est qu’après que le PPP est arrivé au pouvoir et que Youssouf Raza Gilani a rétabli le juge, en 2009.

L’armée travaille avec la justice

La Cour suprême a étudié un autre cas, lundi 16 janvier, concernant une note, émanant prétendument du gouvernement pakistanais et de l’administration d’Asif Ali Zardari, demandant de l’aide à Washington afin d’empêcher un coup d’Etat militaire. En échange de l’aide américaine, la note promettait une remise à plat de la politique de sécurité nationale dans un sens plus favorable aux Etats-Unis.

Le témoin principal, Mansoor Ijaz, un homme d’affaires américain d’origine pakistanaise, ne s’est pas présenté à l’audience.

Cette note a mis en évidence les tensions qui existent, depuis longtemps, entre le gouvernement et la puissante armée du Pakistan. Celle-ci n’a jamais eu grande confiance en Asif Ali Zardari, la note n’a fait que dégrader davantage la situation.

Les experts estiment que l’armée n’a que faire d’un projet de coup d’Etat car peu, voire aucun, partis politiques ne le soutiendrait. Mais elle ne verrait sans doute aucun inconvénient à ce que la Cour suprême fasse le travail à sa place. Certains suspectent d’ailleurs les deux forces d’avancer de concert.

Global Post / Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press

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