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L’Eglise cubaine, nouvelle force d’opposition

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[image:1,l]Ce fut une étape importante de son pontificat : en janvier 1998, le Pape Jean Paul II se rendait à La Havane et rencontrait Fidel Castro. A cette occasion, il avait appelé Cuba à « s’ouvrir au monde » et « le monde à Cuba ». Quatorze ans plus tard, le Pape Benoît XVI prépare la seconde visite papale sur l’île avec un message légèrement différent. Son ambition : inciter Cuba à davantage d’ouverture.


Le rôle croissant de l’Eglise cubaine


L’arrivée du souverain pontif coïncide avec le 400ème anniversaire de l’apparition de la Vierge de Caridad del Cobre, sainte patronne de l’île, mais le but de la visite est toute autre. Le pape, âgé de 84 ans, arrivera le 26 mars pour trois jours de visite. Sa présence a pour ambition de soutenir ceux qui font pression pour obtenir des réformes plus importantes au sein de ce pays toujours aux mains d’un parti unique. Et, en premier lieu, l’Eglise cubaineBenoît XVI en profitera pour adresser un message politique de soutien au rôle émergent que joue l’Eglise cubaine pour imposer une libéralisation, tant économique que politique, au gouvernement de Raul Castro.


« Les changements sont mis en place par le gouvernement, pas par l’Eglise, » admet le porte-parole de l’archidiocèse de La Havane, Orlando Marquez. « Mais l’Eglise a dit que ces changements étaient bénéfiques, que ce sont les changements que demande le peuple, ceux qui doivent perdurer, » ajoute-t-il.


Aujourd’hui, l’Eglise est l’unique institution majeure à ne pas être sous le contrôle du parti et ses représentants se sont même entretenus avec le gouvernement au sujet des réformes économiques. Prudemment, délicatement, et avec plus ou moins de succès, l’Eglise navigue entre les autorités communistes sur l’île et les cubains exilés à l’étranger qui voudraient voir les responsables de l’Eglise se confronter au gouvernement de Castro.


Peu d’évolutions depuis 1998


[image:2,s]Benoît XVI ira à la rencontre d’un pays confronté à des problèmes semblables à ceux qu’il connaissait lors de la visite de Jean Paul II en 1988. Une différence : Fidel Castro ne sera pas là pour l’accueillir. À 85 ans, l’ancien dirigeant cubain s’est retiré de la vie politique depuis 2008 et se montre rarement en public. A la place, le Pape sera reçu par Raul Castro, 80 ans, qui, en tant que président, a accordé à l’Eglise cubaine une importance sociale et politique sans équivalent depuis 50 ans. Si les persécutions visant les Cubains chrétiens demeurent – même Noël était critiquée par les autorités –, les relations entre l’Eglise et l’Etat se sont nettement améliorées et, lors de récents discours, Raul Castro a prévenu ses camarades du parti communiste que la discrimination religieuse n’a plus sa place sur l’île.


Les victoires de l’Eglise cubaine


En 2012, après des attaques répétées, organisées par le gouvernement, sur des cubaines réunies au sein d’un groupe de dissidents, des représentants de l’Eglise sont intervenus afin de mettre un terme aux mauvais traitements et se sont mobilisés, pendant plusieurs mois, pour obtenir la libération de leurs maris jetés en prison. Depuis, presque tous les prisonniers politiques reconnus par la communauté internationale ont été libérés – plus de 100 au total. Les représentants de l’Eglise parlent maintenant ouvertement des mesures, engagées par Raul Castro, visant à libéraliser l’économie, tout en demandant au gouvernement d’en faire plus.


« Cuba est un pays catholique de tradition mais ce n’est pas un immense pays catholique si on le compare au Mexique ou au Brésil, » confie Marquez. Le Mexique compte en effet près de 100 millions de catholiques. « Et pourtant, le Saint Père a décidé de venir et d’être avec les Catholiques cubains et les Cubains à ce moment si spécial de notre histoire. »


Une visite très attendue


[image:3,s]Le Pape débutera sa visite à Santiago de Cuba, site de l’apparition de la Vierge de la Charité, et y célèbrera une messe à ciel ouvert sur la place public de la seconde ville la plus importante de l’île. Il se rendra ensuite à La Havane où il donnera une messe sur la Place de la Révolution, la même place où Fidel Castro prononçait ses interminables discours, et où Jean Paul II s’était adressé à une grande foule de Cubains en 1998. À un moment où l’administration d’Obama facilite les conditions de voyage pour les Américano-cubains qui voudraient retourner sur l’île, des milliers de résidents américains prévoient de faire le déplacement afin d’assister à la messe célébrée par le Pape.


« La visite du Pape va ouvrir la voie entre le peuple cubain et le gouvernement, l’Eglise et le gouvernement, et entre les Cubains restés ici et à l’étranger, » estime Robarto Veiga, journaliste pour Lay Space. Ce journal soutenant l’Eglise est devenu un véritable forum pour les débats sur la politique et l’économie, sur une île où presque tous les médias sont contrôlés par l’Etat.


L’impact de la visite papale sur les prisons cubaines


En prévision de la visite papale, Raul Castro a annoncé le mois dernier la libération de plus de 2 900 cubains incarcérés, dont certains considérés comme des prisonniers politiques. L’homme d’affaires américain Alan Gross n’en fera pas partie mais le Pape pourrait utiliser l’une de ses rencontres avec Raul Castro pour négocier sa libération. Alan Gross a été condamné à 15 ans de prison pour avoir tenté de remettre du matériel de communication par satellite à des opposants dans le cadre du programme pour la Démocratie créé par les Etats-Unis.


Les autorités américaines et les avocats d’Alan Gross ont prétendu qu’ il essayait juste de donner un meilleur accès au web à la petite communauté juive présente à Cuba. Son emprisonnement est maintenant considéré comme l’un des sujets sensibles nuisant à l’amélioration des relations entre Cuba et les Etats-Unis. Tout ce que pourrait faire le Vatican pour diminuer ces tensions serait considéré comme un véritable succès diplomatique.


GlobalPost/Adaptation Antoine Le Lay pour JOL Press

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