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Les neuf vies de Michael Jackson

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[image:1,l] Un talent exceptionnel, une vie hors du réel et une mort tragique, Michael Jackson est  aujourd’hui devenu une mythologie. Retour sur un destin qui ne cesse de monopoliser la lumière.

Le gamin des Jackson Five

L’étonnant destin de Michael Joseph Jackson commence au mois d’août 1958, dans l’Indiana. C’est là qu’il voit le jour, septième d’une famille de neuf enfants. Très vite, la musique va s’inviter dans la vie du jeune garçon. Son père, Joseph Jackson est un ancien boxeur qui travaille dans une aciérie et joue de la guitare dans un petit groupe local, «The Falcons». D’un naturel autoritaire, voire violent, « Joe » mène la vie dure à ses enfants, mais leur ouvre également une voie royale vers le succès. C’est lui qui pousse ses trois aînés à monter un groupe de musique : The Jackson Brothers.

Michael a à peine six ans lorsqu’il est enrôlé dans le groupe avec son frère Marlon, donnant ainsi naissance aux Jackson Five. La réussite des cinq gamins de l’Indiana sera fulgurante. En 1968, ils signent chez la prestigieuse Motown, et en 1969, poussés par la déjà célèbre Diana Ross, ils sortent leur premier album dont quatre singles termineront à la première place du Billboard.

Happé par la célébrité dès son plus jeune âge, Michael Jackson connaîtra un triomphe constant pendant près d’une décennie. Ce n’est qu’à partir de 1980, que la fratrie commence à s’éparpiller en projets solo. Si le succès est toujours au rendez-vous, le groupe commence à se disloquer au fur et à mesure que les Jackson grandissent. Quand Michael quitte le groupe en 1984, il a vingt-quatre ans. Sa décision marque la fin des Jackson Five. Ses frères ne connaîtront jamais plus un tel succès. Pour lui en revanche, la « Jacksonmania » des années 70 n’est qu’un prélude  à une carrière solo qui va le porter au sommet pendant plus de vingt-cinq ans.<!–jolstore–>

L’alpiniste des charts

En 1979, Michael Jackson a déjà sorti 4 albums en plus de ceux des Jackson Five. La Motown produit de la musique à grande vitesse, et pour son cinquième projet solo, le jeune homme change de maison de disques et débarque chez Sony. Disposant de plus de temps et de liberté, Michael sort « Off the Wall« , un album co-signé avec Quincy Jones et comprenant des chansons composées par McCartney et Stevie Wonder. Vingt millions de copies trouveront acquéreur à travers le monde.

Le succès est planétaire, mais le chanteur veut grimper toujours plus haut. En 1982, « Thriller » écrase définitivement la concurrence. Avec 25 millions d’exemplaires vendus à sa sortie, l’album est tout simplement le disque le plus vendu de tous les temps. A l’heure actuelle, on estime entre 70 et 120 millions le nombre d’albums de « Thriller » écoulés à travers la planète.

Arrivé sur l’Everest des ventes musicales, Michael Jackson fera le nécessaire pour y rester. Les années 80 sont celles de la démesure pour «MJ». Avec 2$ de royalties par album vendu, le chanteur dispose du meilleur pourcentage du monde sur ses ventes de disques. A la sortie de « Bad » en 1987, Michael Jackson a déjà constitué un empire financier qui lui permet d’acquérir les droits sur la plupart des chansons des Beatles.

« Bad » et « Dangerous » se vendent respectivement à 34 et 35 millions d’exemplaires. Les albums suivants souffrent cependant des tensions entre le «Roi de la Pop» et sa maison de disques. Malgré une promotion limitée, « HIStory » et « Invincible » se vendent malgré tout à plus de 15 millions d’exemplaires.

A la mort de Jackson en 2009, les ventes totales de ses disques sont estimées à plus d’un milliard de copies écoulées.

 

Le danseur extraterrestre

Si le succès de Michael Jackson doit beaucoup aux chansons en elles-mêmes, l’aura unique autour du personnage vient surtout de sa façon de les interpréter. Au sein des Jackson Five, il imitait les pas de James Brown pour rythmer les concerts du groupe. En quittant la Motown, puis les Jackson Five, Michael Jackson se forge une identité scénique en plus d’une identité musicale. L’apparition du clip comme nouveau format musical  est particulièrement compatible avec son goût pour la danse. Le succès phénoménal de « Thriller » est ainsi indissociable de sa chorégraphie au milieu des zombies. 

En associant un talent rare de danseur et quelques accessoires comme des semelles rehaussées ou glissantes, Jackson crée l’ «illusion dance», un mélange de disco et de funk auquel s’ajoutent des pas de danse paraissant impossibles. En plus du fameux moonwalk où il recule tout en semblant marcher vers l’avant, le chanteur popularise l’ «anti-gravity lean». Ce mouvement inauguré dans le clip de «Smooth Criminal» consiste à pencher son corps vers l’avant au maximum tout en gardant les pieds collés au sol et en se relevant sans effort.

Les pas de danse caractéristiques de Jackson constituent une composante essentielle de son image de marque. Associés aux gants, au chapeau de gangster et aux chaussures noires, ils deviennent les symboles du nouveau Michael Jackson  après « Thriller ».

 

Le mutant au fil du temps

Car une fois les Jackson Five délaissés, Michael change de personnage. Après une chute sur scène, il avait déjà subi deux rhinoplasties en 1978. En 1984, un accident pyrotechnique lui brûle le cuir chevelu au troisième degré pendant le tournage d’une pub Pepsi-Cola. A cette occasion, il reçoit plusieurs greffes et opérations de chirurgie  esthétique. Ces changements  physiques involontaires coïncident avec le blanchissement de la peau du chanteur. Peu à peu, il se transforme en créature au visage délavé.

Justifiant cette décoloration par une maladie, le vitiligo, Jackson n’assumera jamais vraiment les multiples opérations de chirurgie, qui transformaient son visage d’année en année.

Le rapport d’autopsie à la mort du chanteur révèlera des tatouages sur son visage visant à rendre permanent le maquillage de clown triste qu’il arborait depuis des années. A la fin des années 2000, le visage de Michael Jackson n’avait plus ni expression, ni âge, ni couleur. Que ce soit pour cause de  maladie ou de complexes physiques, les opérations se succèdent à un rythme effréné, transformant Jackson en authentique « freak ».

 

Wacko Jacko

La démesure chirurgicale s’accompagne  d’une autre mutation plus inquiétante. Le timide petit frère des Jackson Five se laisse aller à toujours plus d’excentricités. L’idole planétaire humaniste commence à se muer en «Wacko Jacko», «Jacko le cinglé». Les plus folles rumeurs commencent  à circuler sur Michael à partir du début des années 90. Ses réponses laconiques et évasives lors des rares interviews qu’il accorde ne l’aident pas à balayer cette nouvelle réputation qui lui pèse. Si les paroles de ses chansons sont claires, le personnage est ambigu en dehors de la scène.

On dit de lui qu’il paye des sorciers vaudous pour éliminer ses adversaires à Hollywood, qu’il rachète les restes d’Elephant Man ou qu’il dort uniquement dans une chambre à oxygène. Certains prétendent même que le ranch de Neverland abriterait un équipement pour cryogéniser le King of Pop.

Si la plupart de ces allégations relèvent du délire populaire, certaines frasques bien réelles de Jackson viennent conforter la légende noire de Wacko Jacko. Son mariage raté avec la fille d’Elvis Presley ou la présentation à la presse de son jeune fils « Blanket », porté à bout de bras au dessus du vide, ont marqué les mémoires.

La vente aux enchères de bon nombre d’objets de Neverland révèle des tableaux de Michael en chevalier de la Table Ronde ou des fresques le représentant en Peter Pan. Plus troublant, on y trouve aussi des peintures d’un goût douteux où le chanteur est entouré d’enfants pour des câlins.

 

Docteur Jackson et Mr Hyde ?

C’est là que disparaît le côté sympathique de «Wacko Jacko» pour laisser place à la superstar perturbée frisant le glauque. Lors d’une interview restée fameuse, Michael Jackson reconnaît qu’il aime partager son lit avec des enfants. Un acte de «tendresse sans caractère sexuel» selon lui. Le doux dingue serait-il un pédophile dérangé ? La question finira par se jouer devant la justice. Après des années de procédures diverses et multiples, la star est acquittée. Complètement et définitivement.

Faut-il y voir une preuve certaine de son innocence intégrale ? Difficile d’en être certain. Les millions du Roi des charts pourraient convaincre plus de témoins que ne peut en accueillir le tribunal. Les sceptiques garderont en mémoire les éléments d’enquête de 2005, lorsque les policiers chargés du dossier affirmaient avoir trouvé des revues pornographiques dans les chambres de Neverland décorées façon «Disney». Ils pourront également s’interroger sur les fameux «témoignages qui concordent» émanant de jeunes enfants en villégiature dans la propriété de Jackson.

Néanmoins, c’est la justice américaine qui aura le dernier mot. Pour la postérité, « MJ » sera une star mondiale qui aimait les enfants dans le sens le plus noble du terme.

 

Le philantrope idéaliste

Nul ne peut douter que Michael Jackson avait le cœur sur la main, et la main dans le portefeuille. Nostalgique de l’enfance jusqu’aux limites de la folie, le chanteur donne sans compter et s’investit pour les enfants ou les animaux. Il appelle les jeunes malades à l’hôpital ou les invite à Neverland pour rencontrer Bubbles, son chimpanzé de compagnie, et jouer avec les milliers de jouets qui envahissent le domaine.

Outre le célèbre «We are the world», Michael Jackson s’investit pour des dizaines de causes et compose de nombreuses chansons pour la paix dans le monde et l’amitié entre les peuples. «Black or White», «Earth song», «Heal the world» et «They don’t really care about us» sont autant de chansons engagées en faveur d’un monde meilleur et enfantin pour lequel la star n’hésite pas à sortir le carnet de chèques. Difficiles à évaluer, ses dons en faveur d’actions caritatives atteinganaient environ 400 millions de dollars avant sa mort.

 

La cash-machine de l’au-delà

Il a toujours été complexe d’évaluer les ressources de Michael Jackson. Annoncé milliardaire puis ruiné en l’espace de quelques mois, la seule chose certaine est que le train de vie de la star brassait de l’argent. Plusieurs dizaines de millions de dollars par mois pour satisfaire les caprices de l’enfant-roi.

A sa mort en revanche, il devient bien plus simple de faire le point sur le business Jackson. Les compteurs de Google s’affolent quand la nouvelle de la mort de la star est révélée par le site people TMZ le 25 juin 2009. Cet emballement marque le point de départ d’une nouvelle Jacksonmania d’outre-tombe.

Propulsées par le décès du chanteur, les ventes d’albums et de produits dérivés explosent. L’album posthume « Michael » devient le plus gros succès de l’année 2010 dans les bacs à disques. Comme dans le clip de « Thriller », le King of Pop sort de sa tombe pour engranger les royalties.

En un an de carrière post-mortem, «MJ» génère plus d’un milliard de dollars et sa tournée avortée «This is It» se transforme en blockbuster cinématographique. A travers des centaines de publications, journaux et biographes tentent d’apposer le point final de la plus grande saga de la pop-culture.

 

L’idole schizophrène

La gentillesse naïve du roi de la Pop parvient difficilement à faire oublier son excentricité inquiétante. A la fois blanc et noir – au propre comme au figuré – Jackson oscille entre l’innocent et le suspect. Sa naïveté enfantine l’accompagnera en même temps que ses addictions à la morphine et à la chirurgie. Personnage insondable, les paroles limpides de ses chansons contrastent avec ses propos ambigus à la télévision.

Paradoxalement, la dualité du personnage n’a jamais divisé son public. Alors que la mode a tendance à attribuer aux différentes classes sociales un genre musical et vestimentaire particulier, le King of Pop a réussi en ne se revendiquant de rien à  plaire à tout le monde. Tout particulièrement à la communauté noire, dont le jeune Michael de l’époque Motown était la coqueluche.

Le gamin à la coupe afro a su s’attirer une indulgence éternelle de ses admirateurs, sans doute le privilège de ceux qui ont su représenter le rêve de toute une génération. L’Amérique des droits civiques s’est reconnue dans ce jeune noir qui plaisait pour sa musique avant sa couleur de peau. Contrairement à un James Brown trop noir, ou à des Beach Boys trop blancs, Michael Jackson était juste un chanteur dont l’Amérique devenue tolérante avait presque  oublié s’il était blanc ou noir, et à vrai dire ne s’en souciait plus. Michael Jackson est devenu malgré lui une icône transculturelle, annonciateur d’une Amérique qui allait élire un président métisse et incarnation d’une planète mondialisée.

Même les contradictions du personnage ont fini par être acceptées à force d’être ostensiblement exposées au public. Ainsi, les noirs n’ont jamais reproché à Michael de venir à chaque congrès du NAACP (Association des noirs américains,) alors même que tout le monde constatait son obsession à devenir blanc. Après avoir admiré l’enfant prodige, l’Amérique a su accepter sans le comprendre l’idole aux deux visages.

Finalement, Jermaine risque de lui aussi  de ne pas pouvoir cerner complètement son énigme de frère dans son « You are not alone« . Si on fait abstraction du côté pécunier parfaitement  intégré par le grand frère – le livre sort par un hasard bienvenu une semaine après l’album de Jermaine Jackson– les deux facettes de la star décédée auront sans doute du mal à être réconciliées par cette nouvelle biographie.

Car malgré la proximité de leurs années Jackson five, Jermaine n’a jamais pu entrer dans le monde onirique de Neverland où même entouré d’enfants, Michael Jackson était finalement bien seul. Mais n’est-ce pas le triste destin de toutes les créatures mythiques?

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