Site icon La Revue Internationale

Les nouveaux défis de la télévision

tv_-_kalleboo.jpgtv_-_kalleboo.jpg

[image:1,l] La Télévision est dans une phase de son histoire très comparable à la Presse.

Ses bases vacillent et elle n’ose prendre la mesure du séisme qu’elle doit affronter.

Une conversation récente avec l’un des acteurs de la télévision en France m’a rappelé très exactement les défis que j’ai connus personnellement dans mes fonctions ou vus chez mes confrères dirigeants de groupes de presse.

Le téléspectateur a changé

Résumons le paradigme : les spectateurs (ou lecteurs, la démonstration est largement transposable) demandent des contenus, de qualité, originaux et nouveaux. Cela a toujours été ainsi.

Mais aujourd’hui la nouveauté est double :

–  ils ont infiniment plus de choix qu’auparavant, du fait de la multiplication de l’offre et des canaux disponibles, et ont logiquement appris à comparer et à choisir le meilleur : la concurrence est ouverte, ils en tirent avantage.

–  ils ont infiniment plus de manières de visionner ces contenus : là aussi la concurrence est ouverte et s’exerce entre supports et entre opérateurs.

Le défi des chaînes de télévision

Or, l’économie des chaînes de Tv, comme des groupes de presse, repose sur leur capacité à conquérir et fidéliser des audiences : plus ils ont de spectateurs ou de lecteurs, plus ils dégagent de revenus.

Face aux deux nouvelles branches du paradigme, ils doivent donc être extrêmement vigilants. En effet le jeu, qui avait très peu évolué au cours des décennies passées, se trouve d’un coup bouleversé, comme si les cartes étaient redistribuées.

Les groupes se découvrent de tout nouveaux concurrents, souvent issus de pays étrangers, dotés de moyens formidables et provenant de métiers qui leur sont inconnus.

Ces nouveaux concurrents sont des groupes capables d’acquérir des contenus et ayant les capacités de les diffuser, en général mondialement. Qu’ils s‘appellent  Google, Apple, Hulu, YouTube, DailyMotion, AOL ou Netflix ou encore Samsung, LG, Sony etc…

Pour les groupes de TV français le choc est de taille, rien ne les a préparés à affronter des géants qui semblent vivre aussi loin de leurs bases et, pourtant, vont rapidement s’adresser aux mêmes spectateurs et chasser sur les mêmes terres.

Simultanément, les spectateurs découvrent, eux, la possibilité de s’égayer en toute liberté vers toutes sortes d’offres et de multiples manières de visionner la Tv (ou lire la presse) à leur convenance, « anywhere, anytime ». Ils en profitent et le feront chaque jour davantage.

Science-fiction ou film d’anticipation ?

La TV connectée, qui démarre, ouvre bel et bien une porte vers l’ensemble des contenus que peut apporter le Web, c’est-à-dire une sorte d’infini accessible depuis Tablettes, Smartphones, ordinateurs…et postes de télévision de dernière génération, avec une qualité optimale.

Dans un tel monde, l’avenir appartiendra aux acteurs qui réussiront à s’approprier les contenus et leurs droits de diffusion à une échelle mondiale : fatalement les plus riches et ceux qui posséderont des canaux de diffusion mondiaux mettront toutes les chances de leur côté.

La presse, dans ce combat, a la chance de disposer de ses propres contenus, qu’elle crée elle-même, et qui sont relativement moins internationaux.

En revanche, les chaînes TV françaises qui réalisent leurs meilleures audiences avec des Séries US, qu’elles doivent acheter, ont de sérieuses raisons d’être préoccupées.

La Télévision française en danger ?

Pour une chaîne de TV il semble donc cohérent pour conserver ses audiences, voire en conquérir de nouvelles, et contrer les concurrents nouveaux d’essayer de diffuser ses contenus sur le plus grand nombre de supports. Plus ce nombre est élevé, plus les audiences risquent également d’être élevées. L’histoire récente montre, qu’au contraire, elles ont souvent fait le contraire…

Canal, récemment et avec de gros moyens, et NextRadioTv semblent les seuls groupes vraiment résolus à aller de l’avant.

Pourquoi en est-il ainsi ? Nos groupes seraient-ils devenus aveugles ?

Un modèle économique figé

En réalité, on comprend mieux leur relative frilosité lorsque l’on constate que c’est tout leur modèle économique qui se trouve menacé.

La publicité est de très loin leur ressource principale.

La force des grandes chaînes est d’être capable de vendre aux annonceurs des audiences élevées et concentrées en un très court laps de temps, l’exemple parfait étant le journal de 20h ou la retransmission d’un événement .

Dans le nouveau modèle, au contraire, les audiences se retrouvent émiettées entre différents supports-écrans (Tablettes, smartphones, ordinateurs ou Tv) que les spectateurs visionnent à leur gré, donc au moment qui convient à chacun, sans que l’on puisse exactement le prévoir, et non à celui que les annonceurs préféreraient.

La TV de rattrapage (catch up) en a été le premier exemple. Une sorte de cauchemar pour les régies chargées de vendre les espaces aux annonceurs ou, plus exactement, l’exact contraire de ce qu’elles ont toujours pratiqué. Cette évolution peut donc remettre en cause toute la construction des revenus des chaines Tv françaises…et celles-ci se demandent pourquoi elles devraient en être les acteurs.

On comprend ainsi mieux leurs résistances instinctives. Sauf que…

Dans un tel Kriegspiel, le vainqueur est nécessairement le spectateur.

Le spectateur au coeur de l’enjeu

C’est lui qui choisit ce qu’il préfère et si la technologie lui offre le choix et la possibilité de composer son propre programme, qui peut douter qu’il le fera ?… Et si des concurrents, dotés de moyens considérables, se précipitent dans la brèche avec à la clé des audiences gigantesques, qui peut douter qu’ils hésiteront à le faire ?… A vouloir préserver l’existant et lutter contre une évolution qui se déploie à l’échelle de la planète, on risque de se trouver déphasé.

La TNT en France a déjà montré quelques « refus d’obstacle » qui n’ont conduit qu’à des impasses et des reniements ultérieurs.

Surtout qu’avec la TV connectée les barrières règlementaires franco-françaises et l’aide des pouvoirs publics ne seront pas de grand secours. Alain Weill parlait du « malthusianisme des chaînes françaises », espérons qu’il se trompe!

Quitter la version mobile