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L’Europe en guerre contre les agences de notation

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[image:1,l] « You bastards ». Le ton est donné en première page du Jornal de negociòs. Ce journal économique portugais en veut aux agences de notation qui participent à la descente aux enfers financière que connaît le pays. Et il n’est pas le seul.

La vieille Europe est en colère contre le trio infernal Moody’s-Fitch-S&P qui éloigne les investisseurs en dégradant tour à tour les Etats membres de l’euro aux moments les plus critiques. Pour nombre de responsables européens, les agences mènent leur propre politique et ont tout intérêt à aggraver la crise de l’euro. Après tout, il s’agit d’agences basées aux Etats-Unis…

Une offensive américaine contre la zone euro ?

Elmar Brok, membre du parti conservateur allemand CDU et responsable des relations du Parlement européen avec les Etats-Unis, n’hésite pas à parler de « guerre monétaire » déclarée contre l’Europe. « Il y a de puissantes forces aux Etats-Unis, notamment dans le domaine de la finance, qui agissent de façon à déstabiliser l’Europe pour renforcer les intérêts anglo-saxons », explique-il à Die Welt.

Les propos de Brok précédaient de quelques jours la dégradation des notes de neuf pays de la zone euro par Standard & Poor’s, le 13 janvier 2012, y compris la France et l’Autriche qui perdaient ainsi leurs précieux triple A. Trois jours plus tard, S&P frappe de nouveau. Cette fois, c’est le Fonds européen de stabilité financière (FESF) qui perd son triple A. Le 28 janvier, c’est au tour de Fitch de dégrader la note de cinq pays européens, dont l’Italie, l’Espagne et la Belgique.

L’énervement des responsables européens

Habituellement peu enclin à la polémique, le Commissaire européen aux Affaires économiques Olli Rehn exprime son énervement et qualifie les dégradations d’ « incohérentes ». Devant les caméras de la télévision finlandaise, il dénonce des « institutions privées partiales ayant des intérêts propres et adoptant la ligne de conduite dictée par le capitalisme financier américain ».

Olli Rehn n’est pas le seul à s’énerver contre les agences de notation. Pour beaucoup de responsables européens, elles refusent de considérer tous les efforts réalisés pour améliorer la situation. Certains n‘hésitent pas à rappeler l’aveuglement dont elles ont pu faire preuve lors de la crise des subprimes de 2008 pour relativiser leur efficacité et la justesse de leurs avis.

A l’époque, les agences de notation avaient largement sous-estimé les risques liés aux produits financiers  « à risques ».

La riposte anti « Big Three »

Quoiqu’il en soit, l’Europe a décidé de ne pas rester les bras croisés. En encourageant les banques à se défaire de l’emprise des trois agences de notation et en soutenant la création d’agences concurrentes, l’UE semble bien décidée à contrer la toute-puissance du « Big Three ».

De son côté, Michel Barnier, actuel Commissaire européen aux services financiers, a suggéré d’interdire la publication des notes des pays ayant sollicité l’aide de l’Europe ou du FMI. Si l’idée n’a pas été adoptée, elle traduit néanmoins une volonté de rébellion face aux agences de notation.

En Italie, la riposte est encore plus radicale. La brigade d’investigation financière est allée perquisitionner les locaux de S&P puis de Fitch dans le cadre d’une enquête ouverte par le parquet de Trani. Les agences de notation sont suspectées d’avoir volontairement laissé entendre qu’une nouvelle dégradation de la note du pays pourrait survenir afin de faire plonger les cours en Bourse des banques italiennes.

Les agences ne font pas forcément la pluie et le beau temps

L’Europe a d’ores et déjà remporté une petite victoire : l’Italie, l’Espagne et la France ont pu emprunter à des taux inespérés juste après leur dégradation par S&P. Preuve que l’influence des agences reste limitée dans un marché qui connaît la situation des finances de la zone euro depuis longtemps. Seul le Portugal a souffert de son déclassement en se voyant contraint d’emprunter avec des taux d’intérêts records malgré les réformes d’austérité engagées par le gouvernement.

Le soutien de la Chine

Dans sa guerre contre les agences, l’Europe pourrait même disposer d’un allié inattendu. La Chine a fait savoir par le biais de son agence de presse Xinhua que cette la décision de Standard & Poor’s de dégrader la note d’une bonne partie de la zone euro jetait le doute sur la crédibilité des agences de notation. Tout en reconnaissant des « motifs d’inquiétude légitimes », Pékin s’est montré sceptique quant à cette décision faisant « flancher les marchés alors que la sortie de la crise se profilait ».

 GlobalPost/Adaptation Emmanuel Brousse pour JOL Press

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