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L’insoluble problème Kim Jong-Nam

[image:1,l] L’épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête du nouveau leader de la Corée du Nord se nomme Kim Jong-Nam. Demi-frère de Kim Jong-Un, actuel dirigeant du pays, il n’hésite pas à émettre depuis Macao, en Chine, un avis très sceptique sur l’avenir du pays. Pour lui, les héritiers de la dynastie Kim n’ont pas l’étoffe de chefs d’Etat dignes de ce nom.

Déjà susceptibles de provoquer le courroux de Pyongyang, ces propos ne pourraient être qu’un avant-goût. Un livre fondé sur sept ans d’échanges de mails et d’interviews, réalisés par le journaliste japonais Yoji Gomi, est sur le point de paraître. Ce brûlot, qui devrait s’intituler «Mon père Kim Jong-Il et moi», comprend des passages où il affirme que la Corée du Nord est sur le point de s’écrouler ou que son frère n’est qu’un leader fantoche ne disposant en réalité que de peu de pouvoir.

S’il admet ne jamais l’avoir rencontré, Kim Jong-Nam ne voit en son frère qu’une « vaste blague destinée au reste du monde ». Selon ses prédictions, le régime de Kim Jong-Un vacillera rapidement, si aucune réforme n’est engagée.

Un héritier encombrant

Les élites de Pyongyang sont profondément agacées par le rejeton incontrôlable du « Cher Leader ». De toute évidence, Kim Jong-Nam n’a pas peur de s’exprimer et de dire ce qu’il pense de l’avenir de sa patrie d’origine.

Et il ne le fait pas avec des pincettes. Rares sont les analystes étrangers qui poussent aussi loin leur discours. La chute du dernier régime stalinien est attendue depuis tellement longtemps que plus personne ne semble y croire. Les révoltes populaires n’éclatent toujours pas et certains parlent désormais de « stabilité » du régime. Un cache-misère pour refuser d’avouer que, actuellement, nul n’a idée de ce qui pourrait bien arriver en Corée du Nord.

La perception du pays par la communauté internationale se limite à peu près à ce constat auquel s’ajoutent les questions du nucléaire et de la perfusion économique accordée par la Chine.

Un trouble fête bien protégé

C’est au milieu de ce flou que s’exprime Kim Jong-Nam. Sa position très particulière lui permet d’être l’un des seuls Nord-Coréens pouvant se permettre quelques critiques à l’égard de son pays. Car même si chacune de ses sorties augmente la probabilité qu’il soit, purement et simplement, éliminé, discrètement, un beau matin, Kim Jong-Nam dispose d’un allié de taille : le gouvernement chinois.

Les officiels de Beijing goûtent modérément les sorties verbales du plus âgé des fils de Kim Jong-Il, mais ils tiennent à éviter, à tout prix, l’assassinat d’un opposant politique de premier plan sur leur territoire. C’est d’ailleurs les services secrets chinois qui auraient permis d’éviter une élimination en bonne et due forme commanditée par Kim Jong-Un il y a quelques années.

Un gêneur de longue date

Car le problème Kim Jong-Nam n’a rien d’une nouveauté pour Pyongyang.

Après la mort de sa mère, l’actrice Song Hye Rim, dans un hôpital moscovite en 2002, la nouvelle compagne de Kim Jong-Il avait déjà envisagé une « disparition » de Kim Jong-Nam lors de l’un de ses voyages en Europe. Une façon pour elle de s’assurer de l’accession au pouvoir de l’un de ses deux propres fils.

Kim Jong-Nam n’avait pourtant besoin de personne pour être rayé de la liste des prétendants à la succession. Son style de vie excentrique et flambeur y suffisait amplement. Réputé fêtard, il est souvent aperçu dans les casinos de Macao. Certains parlaient même d’implication dans des affaires de prostitution. Quoi qu’il en soit, ses chances de prendre la suite de son père se sont définitivement envolées à l’aéroport de Tokyo Narita en 2001, lorsqu’il y fut arrêté en possession d’un faux-passeport dominicain, alors qu’il voulait simplement « faire visiter Disneyland à son fils ». Trahison !

Les limites de la propagande d’Etat

Plus ou moins en exil, Kim Jong-Nam pose cependant un réel problème que le régime paranoïaque de Corée du Nord peine à résoudre. Un cas de figure exaspérant pour un régime habitué à tout contrôler.

Dénoncer la presse Sud-Coréenne comme des « pantins de l’Occident » et promettre une « juste punition » lorsque sont mises en doute les prouesses de Kim Jong-Un est chose facile pour l’appareil de propagande du Nord. Tout comme l’est le contrôle du tout nouveau bureau d’Associated Press ouvert à Pyongyang récemment. Les deux journalistes nord-coréens qui en ont la responsabilité réfléchiront à deux fois au sort qui les attend avant de dénoncer les abus du régime.

Mais lorsque la critique vient de l’intérieur même de la dynastie au pouvoir, tout devient plus complexe. Les critiques distillées à la presse pourraient bien se révéler aussi dangereuses et explosives pour Kim Jong-Un, que les missiles que Pyongyang continue à tester pour masquer ses difficultés à faire subsister un régime aussi isolé qu’archaïque.

GlobalPost/ Adaptation Emmanuel Brousse pour JOL Press

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