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Pour ses dix ans, l’euro s’offre une crise de croissance

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L’euro devait nous garantir prospérité et croissance mais, dix ans plus tard, c’est un tout autre bilan que l’on est contraint de tirer : la zone euro traverse sa crise la plus grave, et la question même de sa disparition, longtemps taboue, est désormais ouvertement posée. Si le pire n’est pas toujours le plus probable, il n’en reste pas moins qu’une fois de plus l’Europe pâtit de s’être arrêtée au milieu du chemin, de ne pas avoir tiré toutes les conséquences qu’aurait dû impliquer son intégration monétaire.

Sur le marché des devises, l’euro s’est installé

Comme ils gloussaient tous ses adversaires entre 1999 et 2000… La première crise de l’euro intervient dès sa naissance. Introduite au cours de 1,17 dollars US, la monnaie unique s’effondre allant jusqu’à ne valoir plus de 0,80 dollars US en octobre 2000. Les lazzis et les quolibets fusent. Tout est bon, de « monnaie de singe » à « roupie de sansonnet »… Les banques centrales nationales conjuguent leurs efforts et interviennent massivement. L’euro inverse la tendance et s’envole. Alors que certains experts prônent une parité fixe à un euro pour un dollar, la monnaie européenne va jusqu’à atteindre 1,60 dollars US en juillet 2008. C’est trop – même si, évidemment, c’est bon pour les escapades à New York. Depuis, l’euro est reparti à la baisse pour atteindre 1,29 dollars US vendredi 30 décembre 2011. Globalement, la nouvelle monnaie s’est imposée vis-à-vis de toutes les autres devises. Elle est même devenue la deuxième monnaie de réserve mondiale – avec  26%.

Sur le papier, l’euro est une réussite

Les objectifs fixés par le traité de Maastricht ont été remplis. Les fondateurs de l’euro tenaient à maîtriser l’inflation, peur maladive des Allemands. C’est chose faite. Les crises monétaires, de mauvais souvenirs générateurs de dépression, sont désormais impossibles. Finies les dévaluations compétitives sur le continent. Les échanges intra-européens ont bondi en raison de la disparition du risque de change. Enfin, les taux d’intérêt ont baissé, permettant un financement bon marché de l’économie réelle.

Des failles et trop de frilosité

La crise financière importée des Etats-Unis, en 2007 et la hausse de l’endettement public qui a suivi ont mis en évidence les principales failles du projet de monnaie unique. Comment avoir une monnaie unique sans l’accompagner d’une plus grande intégration budgétaire ? Comment avoir laissé les déficits et l’endettement s’envoler sans avoir réagi ?
Nombre des arguments utilisés par les partisans de l’euro à sa création étaient orientés autour du thème de l’identité européenne. Avec des billets en euro dans nos portefeuilles, nous allions définitivement nous sentir européen.  « L’Europe, l’Europe, l’Europe » aurait rajouté le Général de Gaulle… Les ponts à construire et les portes à ouvrir, il ne suffisait pas de les mettre sur des coupures colorées pour qu’ils transforment les esprits. Une fois de plus, l’Europe et ceux qui, dans les années 90, l’ont dotée d’une monnaie unique, se sont arrêtés à mi-parcours… et à s’arrêter au beau milieu de la route ont pris le risque d‘être renversés. L’euro devait provoquer un « choc fédéral », avait déclaré Hubert Védrine, alors ministre français des Affaires étrangères. Hasardeuse stratégie, que de faire d’une conséquence, une cause ! Ce « choc fédéral » ne pouvait être le cadeau-bonus d’une intégration monétaire réussie. Sans une avancée fédéraliste dans les domaines budgétaires et économiques, nous le constatons aujourd’hui, la pérennité de la zone euro est menacée. Pire, elle est intenable.

Ne pas faire de l’euro un bouc-émissaire

Pourtant, l’euro ne saurait être rendu responsable de tous les malheurs de l’Europe. La majorité des experts conviennent que la situation serait sans doute encore plus inextricable sans l’euro. En l’absence de solidarité, fût-elle forcée, les pays du sud de l’Europe n’auraient sans doute alors pas échappé à la faillite, et les répercussions auraient été particulièrement douloureuses.

Ce que vivent l’euro et l’Europe, c’est aussi une crise de croissance. L’union du continent est le produit de ces crises à répétition. On regrettera juste que, conscients des failles de leur projet, les dirigeants de l’époque n’aient pas eu le courage politique de mieux prévoir.  

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