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Retour gagnant de Newt Gingrich en Caroline du Sud

[image:1,l]Le conservateur Newt Gingrich a remporté, samedi 21 janvier 2012, l’élection primaire organisée par le Parti républicain en Caroline du Sud. Les 450 000 votants lui ont accordé 40,4 % des voix contre 27,9 % à Mitt Romney, selon les résultats définitifs, loin devant l’ultraconservateur Rick Santorum (17 %) et le libertarien Ron Paul (13 %).


Mitt Romney espérait tuer la course à l’investiture


Mitt Romney, pourtant réputé modéré, comptait fermement sur une large victoire dans cet Etat traditionnellement conservateur du Sud profond. Deuxième du caucus de l’Iowa derrière Rick Santorum, puis large vainqueur dans le New Hampshire, il a compté jusqu’à 20 points d’avance sur ses adversaires. Une large victoire aurait pu même « tuer » définitivement, ou presque, la course à l’investiture républicaine. Il n’en a rien été.
Au contraire, reconnaissant sa défaite, il a reconnu que la course serait « longue » et « encore plus intéressante ». Tout en se disant convaincu qu’il finirait par affronter Barack Obama lors de la présidentielle du 6 novembre 2012. Pour cela, il lui faudra faire mentir les statistiques : depuis 1980, jamais un candidat républicain à la présidentielle n’a été battu en Caroline du Sud.


L’argent ne fait pas tout


Cette victoire écrasante de Newt Gingrich est d’autant plus surprenante qu’elle intervient au terme d’une remontée incroyable – de 20 points de retard à 13 points d’avance. Elle démontre, malgré les idées reçues, que l’argent ne fait pas tout dans cette campagne présidentielle.
C’est la deuxième fois que l’organisation hors pair et la force de frappe financière du multimillionnaire Mitt Romney est mise en échec. Lors du caucus de l’Iowa, le 3 janvier, c’est un quadrillage méthodique de l’Etat et une présence, plusieurs semaines d’affilée, sur le terrain qui avaient permis à Rick Santorum de créer la surprise et de l’emporter de quelques dizaines de voix.


Cette fois, ce sont les talents de polémiste démontrés par Newt Gingrich lors du 19e débat télévisé de la campagne, jeudi 19 janvier, qui ont provoqué ce retournement de tendances. Ses talents de maniganceur et son flair politique… Une affaire a éclaté dans la presse sur la déclaration de revenus de Mitt Romney à quelques jours du scrutin et ce dernier n’a pu que s’engager à la rendre publique ultérieurement. Si rien ne permet d’affirmer que l’équipe Gingrich est à l’origine de ces « fuites », le machiavélisme de l’ancien speaker de la Chambre des représentants, jadis principal adversaire de Bill Clinton, n’est plus à démontrer.


Bouleversement radical du champ de bataille républicain


Dans la semaine précédant ce scrutin, deux candidats ont jeté l’éponge : le très modéré Jon Huntsman a annoncé qu’il soutiendrait Mitt Romney, son cousin au troisième degré, et le très conservateur Rick Perry s’est retiré en appelant à voter Newt Gingrich. Si on laisse de côté le libertarien Ron Paul, « troisième homme » de cette course qui envisagerait même de se présenter en « indépendant » en novembre prochain, comme en 1988, il se semble bien que l’on assiste à une cristallisation des positions : Mitt Romney est l’incontestable champion du camp dit « modéré » et Newt Gingrich semble s’être imposé du côté conservateur, même si Rick Santorum réalise une campagne plus qu’honorable.
Et la bataille, comme le laissait entendre Mitt Romney, pourrait être acharnée. Pendant ce premier mois de scrutin, Newt Gingrich a montré des difficultés à s’imposer face à la multitude des candidatures conservatrices. Et cela d’autant plus qu’il a décidé de faire l’impasse sur le caucus de l’Iowa – ne profitant pas, de ce fait, de l’exposition médiatique qu’offre ce premier vote des primaires. Désormais, il a prouvé qu’il était là. Il dispose encore, à la différence de son adversaire, d’un réservoir de voix – celles de Rick Santorum – et a clarifié sa position idéologique sur une ligne profondément traditionaliste.


Newt Gingrich et la tentation populiste


Dans son discours de victoire, Newt Gingrich s’en est immédiatement pris aux « élites de Washington et New York » qui cherchent à  « empêcher les Américains d’être américains ». L’ancien président de la Chambre des représentants a aussi accusé le président Barack Obama d’avoir provoqué « une catastrophe » pendant son premier mandat et de s’apprêter à être « encore plus à gauche » s’il était réélu à la présidentielle du 6 novembre. Soucieux de consolider son statut de présidentiable, le conservateur a également promis de s’attaquer aux questions d’emploi, de croissance économique et d’équilibre budgétaire – autant de thèmes centraux de la prochaine présidentielle. D’une manière générale, il a raillé une administration « coupée des réalités ».
En revanche, Newt Gingrich, avide de nouveaux soutiens, a tenu un discours plutôt rassembleur vis-à-vis de ses trois adversaires de Caroline du Sud « l’immense courage » du chrétien ultraconservateur Rick Santorum qui a remporté l’Iowa « alors qu’il n’avait pas d’argent et aucune couverture médiatique », ou encore la « constance » du libertarien Ron Paul. Il a également rendu hommage à Mitt Romney, « un bon exemple de ce qu’est l’Amérique: il travaille dur, il a très bien réussi », a-t-il ajouté. Dans un clin d’œil appuyé aux électeurs de Rick Santorum, Newt Gingrich a aussi promis de lutter contre le « sectarisme antireligieux croissant », selon lui, dans le pays.


Un candidat longtemps improbable


Malgré sa position de premier plan à Washington, à la tête de la « révolution conservatrice » face à Bill Clinton dans les années 1990, Newt Gingrich a longtemps été considéré comme un présidentiable peu crédible. Il souffre de handicaps à première vue rédhibitoires.
Durant l’été, toute son équipe de campagne a démissionné en dénonçant son dilettantisme. Bien qu’il soit universitaire de carrière, auteur de nombreux ouvrages, ses opposants le considèrent comme un pseudo-intellectuel qui parle trop vite, comme lorsqu’il a déclaré que les Palestiniens étaient un peuple « inventé ». Sa vieille idée d’exploiter les ressources minières de la Lune ou de faire travailler les enfants pauvres font sourire – jaune, parfois – ses adversaires.
Et puis, il y a sa vie privée… à son actif, trois mariages et un adultère. Ces derniers jours, sa deuxième ex-femme, Marianne, s’est présentée sur les écrans de télévision et l’a accusé d’être un libertin très éloigné des idées conservatrices. Un handicap de taille auprès de l’électorat évangélique.


Prochaine étape : la Floride


Le marathon électoral que sont les primaires aux Etats-Unis est désormais pleinement lancé. Prochaine obstacle : la primaire de Floride, le mardi 31 janvier 2012. Plus la course sera longue, plus Barack Obama pourrait en tirer profit, à moins que les candidats républicains, Mitt Romney et Newt Gingrich en premier lieu, sachent faire campagne sur les idées et à fleurets mouchetés – pour éviter de donner de futures munitions au camp du président sortant. 

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