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Société de consommation et crise de la dette

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[image:1,l]La crise de la dette est largement imputable à la fiscalité, la politique gouvernementale ayant été de favoriser l’endettement  par des règles qui ont privé de plus en plus les finances publiques des contributions fiscales et sociales liées à la production.


Développement de la société de consommation


Après la Seconde Guerre Mondiale, la soif de consommation s’est traduite par le développement de la société de consommation. La population voulait profiter immédiatement des fruits d’un dynamisme économique résultant de la reconstruction, la société de consommation est une société de crédit. Pour faire profiter immédiatement les générations qui ont souffert de la croissance, la retraite est fondée sur un système de répartition et non de capitalisation.  L’actionnariat reste discrédité par l’image de spéculation qui subsiste depuis la crise de 1930,  le climat politique est hostile au « capitalisme ».


La fiscalité encourage ainsi au financement par endettement. Les « fonds propres » ne semblant plus mériter le qualificatif, sont taxés au niveau des entreprises puis des actionnaires, ils sont plus lourdement imposés que la dette. La rémunération du capital est plus lourdement imposée que celle de la dette. La taxation des intérêts reçus par les ménages est modérée, sinon nulle. Les opérations bancaires et financières ne sont pas assujetties à la TVA.


L’endettement est encouragé


Les investissements des entreprises sur la base de l’endettement sont encouragés par le statut favorable du crédit-bail, le remboursement du principal inclus dans les loyers étant fiscalement déductible.


L’endettement auprès de prêteurs étrangers est favorisé par un régime fiscal qui devient de plus en plus incitatif. Les intérêts, déductibles pour l’entreprise, ne sont pas soumis à retenue à la source. Le domaine d’application de la règle devient quasi général, puisqu’il va être ouvert aux filiales financières constituées à l’étranger. Il s’agit, dans le cadre de la déréglementation qui permet aux entreprises d’échapper à l’intermédiation,  de favoriser l’emprunt sur les marchés internationaux.


Dans le cadre de la financiarisation de l’économie, les modifications législatives et réglementaires et les interprétations administratives encouragent largement à un endettement qui va, sur le plan de l’information comptable et financière, être traité comme des fonds propres, avec le développement de titres complexes et hybrides qualifiés de « quasi capital », mais qui sur le plan fiscal ont tous les avantages de l’endettement. Cette évolution résulte en particulier à l’origine de la volonté de financer les entreprises publiques, paralysées par le « ni ni », elle s’étend ensuite à toutes les entreprises.


Créations des valeurs actonnariales


La « création de valeur actionnariale » qui permet aux investisseurs de prélever sur les entreprises une rémunération supérieure à celle des obligations, repose en particulier sur le traitement fiscal des titres hybrides ainsi que celui des opérations financières.


Le régime des opérations dites à « effet de levier », jouant sur l’endettement, avec en particulier les LBO, permet de transférer avec un régime éminemment favorable une part importante de la valeur des actifs de l’entreprise aux investisseurs étrangers.


Les flux financiers ainsi prélevés de l’économie française avec une perte de ressources fiscales vont dans les paradis fiscaux.


Ce transfert est une évasion fiscale, organisée par les règles fiscales et qui n’est donc en aucune manière affectée par les mesures, quelles qu’en soient l’efficacité réelle ou affirmée, de lutte contre les paradis fiscaux. Ces règles favorisent largement les grands groupes, alors que les PME ne peuvent guère en profiter. Les PME n’ont pas la taille suffisante pour pouvoir se structurer de façon adéquate et avoir accès aux marchés internationaux de capitaux. Ceci explique dans une large partie la différence considérable de la pression fiscale entre les grands groupes, les sociétés du CAC 40 étant imposées effectivement à un taux inférieur à 10% et parfois nul,  et les PME, imposées à un taux effectif égal aux taux facial de 33%.


Délocalisation et défiscalisation


La perte des recettes fiscales pour les finances publiques est accentuée par les effets de la financiarisation de l’économie encouragée par les règles fiscales. La délocalisation de la production, après une externalisation et un étranglement des sous-traitants, permet de substituer à la production pour compte des achats et droits de licence. La modification de la relation juridique permet de répartir et localiser le profit avec une part réduite pour l’état du siège de l’entreprise. Les règles concernant les prix de transfert sont la seule limite à une défiscalisation totale du profit mais elles sont d’emploi et efficacité limitée.


La délocalisation de la production des entreprises françaises fait que la production ne contribue pas aux dépenses sociales en France, et que le profit n’étant pas fiscalisé en France ne contribue pas aux dépenses publiques. Alors que l’emprunt sur les marchés financiers rend la dette apparemment indolore, grâce au Triple A dont la France bénéficie depuis 1975, ce qui incite à augmenter les dépenses publiques, le régime fiscal de la dette contribue fortement à amputer les recettes. Le coût nominal de l’emprunt est réduit par la politique du Franc fort puis de l’euro fort, alors qu’en fait la dette est ruineuse depuis qu’à partir de 1990 les taux d’intérêt réels sont devenus positifs.


Taxe sur la valeur ajoutée


Dans une société où l’économie devient largement tributaire de la consommation, où la fiscalité n’appréhende pas les profits de la production qui lui échappent du fait des ponctions financières et des délocalisations, les recettes publiques doivent forcément être recherchées du côté de la consommation. Ceci  avait entraîné la création de la Taxe sur la valeur ajoutée en 1954, lorsque la société devient une société de consommation. La TVA a pris une importance considérable dans les recettes fiscales puisqu’elle est devenue la recette la plus importante, représentant la moitié du prélèvement fiscal. Une augmentation du taux de la TVA, qui est qualifiée de TVA sociale, parait donc inévitable. Elle constitue une fiscalisation d’une contribution aux charges sociales qui auraient  augmenté le prix des produits achetés sans les délocalisations, qui ont fait baisser les prix et augmenté le coût de la solidarité sociale, et  une recette nécessaire pour réduire l’endettement. Il convient de rappeler que jusqu’en 1992 un taux majoré était imposé sur une gamme de produits dits « de luxe » avec un taux de 33%, taux qui a été réduit de 1988 à 1992 pour disparaître.


De l’importance d’une taxe sur les flux financiers


De même une taxe sur les flux financiers s’impose. Destinée par son concepteur comme permettant de financer l’économie de ce que l’on appelait les « pays en voie de développement », elle est nécessaire pour financer l’économie de ce que l’on craint de devoir qualifier de « pays en voie de sous-développement ». Une taxation des flux financiers parait relever de ce que l’on pourrait qualifier un péage pour l’utilisation des infrastructures financières qui sont à la charge des états.


L’essentiel cependant est de savoir s’il est opportun pour la France de se priver de recettes par des règles fiscales qui ont causé un excès d’endettement et qui ont largement contribué au développement de l’économie financière. Cette économie financière est une source de perte de recettes fiscales, alors qu’elle est pour l’essentiel défiscalisée.  L’économie réelle se voit imposer des charges fiscales et sociales auxquelles l’économie financière échappe largement. Les marchés dérivés échappent aux fiscalités nationales, alors que de plus on peut considérer qu’une part importante sert à des opérations qui relèvent du blanchiment, et qu’en tout état de cause il est évident qu’elles constituent un facteur spéculatif de hausse des prix en particulier des matières premières.  Lorsque les banques font des pertes, c’est l’état qui les renfloue, avec une charge importante pour les finances publiques. Les crises récentes démontrent que l’économie financière crée un risque systémique pour l’économie réelle.


Il convient de souligner que lorsque l’Etat ou les collectivités locales empruntent sur les marchés internationaux, ils se privent des recettes qui seraient perçues si les emprunts étaient faits auprès de l’épargne française. L’endettement international, et même les achats d’actions françaises, servent à financer la protection sociale des américains ou des chinois, qui en ne pesant pas sur les entreprises américaines ou chinoises, pèse sur les entreprises françaises. La crise de la dette démontre que les premiers flux financiers à taxer sont ceux liés à l’endettement privé et public, en réduisant  les privilèges fiscaux exorbitants des revenus tirés de la dette. 

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