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Triple A: les leçons des Etats-Unis à l’Europe

[image:1,l]Un vendredi soir après la fermeture de Wall Street… Le 5 août 2011, peu après 22 heures – heure de Paris – le communiqué tombe : l’agence de notations financières Standard & Poor’s dégrade la note souveraine des Etats-Unis. Pour la première fois depuis 1941, à la surprise générale, la première économie mondiale perd son triple A. Ce coup de tonnerre déclenche la fureur de l’administration américaine. Vexé, le Trésor enquête et, aussitôt, relève que les experts de S&P ont commis une erreur d’appréciation, une « petite erreur » de 2.000 Mds$. L’agence reconnaît une « différence », mais maintient sa révision. De toute façon, le mal est fait, pense-t-on.

Six mois plus tard, encore un vendredi, toujours le soir après la fermeture de Wall Street, c’est au tour de la France et de huit autres pays de la zone euro de subir les foudres des censeurs new-yorkais. On craint le pire. Mais, au fait, où en est l’économie américaine ? Etat des lieux.

Les Etats-Unis ont échappé au cataclysme

Wall Street, qui avait sérieusement dévissé après l’annonce, a retrouvé son niveau du printemps. La croissance reste fragile, mais continue de progresser, alors que l’Europe s’enfonce dans la récession. Jeudi, le département du Travail a même annoncé que les nouvelles inscriptions au chômage étaient tombées à leur plus bas niveau depuis 2008.

Les Etats-Unis continuent à emprunter à des taux très bas

[image:3,s]Sur le plan financier, les Etats-Unis, premiers émetteurs d’obligations au monde, continuent d’emprunter à des taux bas – 1,9% au 31 décembre 2011 contre 1,8% pour l’Allemagne – très inférieurs à la France (3,1% le 16 janvier). Et ce, alors même que Barack Obama et son opposition républicaine ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur un plan de réduction du déficit budgétaire de 1200 Mds$ sur dix ans! Un luxe que les Etats-Unis peuvent se permettre, compte tenu de leur statut de première économie mondiale… et de l’action de leur Réserve fédérale capable d’émettre sans compter de la monnaie pour combattre la récession et racheter ses emprunts.

La Réserve fédérale en première ligne pour combattre la récession

La Fed maintient son taux directeur quasi nul depuis trois ans et intervient de nouveau sur les marchés depuis octobre pour faire baisser les taux d’intérêt à long terme. Elle a pour mission, notamment, de garder un œil sur les taux d’intérêts pour limiter l’inflation.
La Fed a procédé à un nouvel assouplissement monétaire afin d’assurer la mission qui lui est assignée par la loi: promouvoir le plein emploi et la stabilité des prix. Seul risque – en dehors de l’inflation jusque-là contenue : Si les États-Unis abusent de la planche à billets, leur monnaie sera éventuellement délaissée. Sauf que présentement il n’existe pas d’alternative viable… autre que l’or.

Les employeurs américains plus entreprenants à l’automne

Peut-être trop prudents pendant l’été, sous l’effet du psychodrame du plafond de la dette à Washington et de l’aggravation de la crise financière en zone euro, les employeurs américains ont été plus entreprenants à l’automne.
Parmi les bénéficiaires, les chômeurs. Les nouvelles inscriptions au chômage ont augmenté dans la semaine précédant Noël (à 381.000 contre 366.000 auparavant), mais la tendance reste nettement orientée à la baisse. Le climat inhabituellement doux de décembre a en outre permis au secteur de la construction de créer 17.000 postes après en avoir supprimé 12.000 en novembre. Il a aussi favorisé l’activité dans les transports et la logistique, avec 50.200 créations de postes.

Immobilier et consommation : la conjoncture s’améliore

[image:2,s]Une baisse du taux de chômage est largement considérée, comme la clé d’une reprise du marché immobilier, toujours en crise.
Or, selon les chiffres de l’Association nationale des agents immobiliers (NAR), la conjoncture s’améliore là aussi. Les promesses de vente de logements ont poursuivi leur nette hausse en novembre (+7,3%, après +10,4% en octobre), atteignant le niveau le plus élevé depuis avril 2010.
Du côté de la consommation, le Black Friday, le 25 novembre, l’ouverture des soldes au lendemain de Thanksgiving, avait donné lieu à des scènes inimaginables. Certes, les consommateurs, pris à la gorge par les difficultés économiques, avaient attendu les réductions mais ils n’hésitaient à consommer. Résultat, au mois de novembre, une augmentation de 9,9% de la consommation des ménages.

Les Etats-Unis et Obama sortis d’affaire ?

En cette année électorale, Barack Obama et ses adversaires républicains scrutent attentivement les résultats économiques du pays : les deux camps y espèrent leur salut.
Les Etats-Unis restent exposés au double risque de l’impact de la crise de la dette en zone euro sur la croissance mondiale et des tensions avec l’Iran, susceptibles d’alimenter la hausse des cours du pétrole.
Les économistes estiment que la croissance américaine devrait de nouveau ralentir en ce début d’année après une poussée fin 2011. Un tel scénario pourrait conduire la Réserve fédérale à se lancer dans un troisième cycle d’ «assouplissement quantitatif » consistant à soutenir le crédit et donc l’activité économique en achetant des obligations sur les marchés financiers.

Des raisons d’espérer pour la France…

Progressivement, le cercle des pays dotés de la meilleure note possible s’est réduit et aujourd’hui seuls une dizaine d’Etats dans le monde dont 4 dans la zone euro sont encore notés triple A.
Compte tenu de cette situation et des énormes capacités de financement des fonds obligataires, AA+ est en train de devenir, par la force des choses, la nouvelle norme pour les gestionnaires de fonds. A la suite de scandales de type Enron ou Maxwell, les règles des gérants de grands fonds souverains ou de banques centrales s’étaient considérablement durcies et certains refusaient, il y a encore un an, de détenir dans leurs portefeuilles des titres de dette qui ne disposaient pas du précieux triple A. Mais depuis l’abaissement de la notation des Etats-Unis en août, les gérants ont été contraints de s’adapter. Il n’y a pas d’alternative aux bons du Trésor américains et les conseils d’administration des fonds ont dû se résoudre à accepter dans leur portefeuilles des titres de dette privés du sésame triple A

Voilà les recettes… mais, les mécanismes micro- et macro-économiques ne font pas tout, la psychologie, surtout celle de la masse, compte aussi. Français et Européens seraient bien inspirés de troquer leur « sinistrose » contre une bonne dose d’esprit combatif, le « fighting spirit » comme ils disent.

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