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300 000 enfants sur les fronts de la guerre

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[image:1,l] Ils seraient 250 000 à 300 000 dans le monde, selon l’Unicef. Recrutés dès l’âge de 10 ans, ils sont armés et prêt à tuer derrière leurs chefs, des adultes, qui leur apparaissent comme des protecteurs. Ils sont enfants soldats et viennent grossir les rangs de très nombreuses guerres et guerres civiles dans le monde.

Un engagement souvent volontaire

Parfois kidnappés puis torturés, ils sont néanmoins nombreux à s’engager volontairement, pour fuir la pauvreté, leur environnement familial, ou simplement parce qu’il vaut mieux être dans les rangs des combattants plutôt qu’être leur victime.

Cible privilégiée du recrutement des milices armées, les enfants représentent de multiples avantages pour leurs chefs. Plus dociles, ils apprennent vite et sont plus obéissants. Ils sont aussi très manipulables car beaucoup plus innocents. Ils sont inconscients du danger et se montrent très courageux devant la mort, même quand ils l’approchent de près.

« Les enfants, ce sont les meilleurs combattants du siècle, mon cher frère. Ils ont plus d’énergie que les vieux. Ils résistent, sans ressentir la douleur physique », explique Lucien, 12 ans, un ancien enfant soldat en République démocratique du Congo, interrogé par Philippe Chapleau dans son ouvrage Enfants-soldats : victimes ou criminels de guerre ? et cité par le Portail des droits de l’enfants.

Dans les rangs de leurs groupes, ils peuvent remplir plusieurs fonctions. S’ils ne sont pas tous soldats, certains tiennent les rôles de cuisiniers, porteurs d’eau, détecteurs de mines. D’autres sont contraints de devenir des objets sexuels pour leurs chefs.

Kidnappés, torturés, violés

Tous ne sont pas volontaires, et dans un conflit armé, les milices ont souvent besoin de combler le manque créé par la mort de nombreux soldats. Les enfants représentent alors une richesse inépuisable pour les groupes armés qui se servent dans les écoles, orphelinats, camps de réfugiés ou églises.

Ces enfants sont ensuite soumis par le viol et la torture. Pour vérifier leur obéissance et leur allégeance à leurs chefs, ils sont souvent forcés à tuer un membre de leur famille ou un de leurs amis, pour éviter leur propre mort.

« Ils vous donnent une arme à feu, et vous devez abattre votre meilleur ami. Ils font ça pour voir s’ils peuvent vous faire confiance. Si vous ne le tuez pas, votre ami reçoit l’ordre de vous tuer. J’ai dû le faire, parce que sinon j’aurais été tué. C’est pour ça que je suis parti. Je ne pouvais plus supporter tout ça », confie ce Colombien de 7 ans, recruté par un groupe paramilitaire à Mouzayan Osseiran-Houbballah, dans l’ouvrage de Philippe Chapleau cité par le Portail des droits de l’enfant.

Transformés en superhéros par la drogue

Traumatisés psychologiquement, ils suivent aveuglément la guerre et se prennent au jeu. Des jeux macabres qu’ils sont nombreux à comparer aux films de guerre américains. Ils se transforment en superhéros et jouent à celui qui tuera le plus d’ennemis.

Drogués, ils sont aussi poussés à l’exploit. Transformés en enfants monstrueux, tuer devient pour eux un geste banal, qu’ils font, pour certains, avant même de savoir lire ou écrire.

« À notre âge, c’est plus compliqué pour les rebelles. Alors ils utilisent des trucs plus durs, comme la drogue ou l’argent, pour nous appâter et nous faire marcher… Je me souviens de l’attaque du village de Njola-Kombouya, au sud de la Sierra Leone. Ils nous ont fait lever à 1 heure du matin et on a marché jusqu’à 7 heures. Un docteur est venu. Il avait une petite écuelle d’eau froide, et, toutes les deux injections, il rinçait son aiguille dans l’eau. C’était toujours une petite fiole avec du liquide rouge. Au début, je me sentais toujours ramolli et puis après j’avais une impression de puissance surdimensionnée, je me sentais capable de tout… J’avais la rage, la haine, je voulais tout casser. Vous ne pouvez pas comprendre, on nous met dans un tel état que l’on se marre devant toute cette violence, on trouve ça excitant, on n’a pas de limites », explique Moussa, 15 ans, ancien enfant soldat en Sierra Leone, dans le Journal du Dimanche, cité par le Portail des droits de l’enfant.

Eduquer pour sortir des armes

Le 12 février a été choisi pour attirer l’attention sur la condition des enfants soldats et commémorer l’entrée en vigueur du Protocole facultatif à la Convention concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 12 février 2002.

Si la Convention internationale des droits de l’enfant fixe l’âge adulte d’un enfant à 18 ans, le droit international en vigueur le fixe à 15 ans. Mais dans de nombreuses cultures, un enfant devient adulte à partir de ses 14 ou 15 ans. Alors même qu’ils ne sont qu’adolescents, ils peuvent s’enrôler librement.

Depuis 1998, l’Unicef cherche à briser ce fléau et aide à la création de centres de réinsertion pour enfants soldats. Depuis quatorze ans, plus de 100 000 enfants ont pu retrouver une vie normale malgré le fardeau psychologique qu’ils portent. Dans une quinzaine de pays, dont une grande majorité sont en Afrique, Angola, Burundi, Liberia, Sierra Leone pour n’en citer que quelques-uns, et aussi en Afghanistan, en Colombie, au Népal et au Sri Lanka, l’Unicef aide à la réinsertion des enfants soldats par un accompagnement psychologique, un enseignement scolaire et une formation professionnelle.

Malgré tout, la vie de ces enfants ne se répare si facilement. De nombreux sont marqués à jamais et ont souvent trop honte pour revenir chez eux. Parfois même, leurs familles refusent leur retour, par peur de ce qu’ils sont devenus. Dans les pays en guerre, ils sont également nombreux à être enrôlés de nouveau dans les milices.

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