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Antoni Tàpies retourne à la terre

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[image:1,l] Affaibli par la maladie depuis quelque temps, il n’avait plus le plaisir de travailler dans son vaste atelier près de Barcelone, sa ville natale, où il peignait ses tableaux monumentaux durant l’été. Aujourd’hui pleuré par tous les amateurs d’art en Espagne, cet humaniste et expérimentateur de génie, poète et théoricien de l’art, a tiré sa révérence à sa Catalogne aimée. Exposé dans les plus prestigieux musées du monde, il restera parmi les grands maîtres de l’art abstrait.

Un artiste d’avant-garde

Artiste autodidacte, mais issu d’une famille bourgeoise et amoureuse des lettres, né le 12 décembre 1923, Antoni Tàpies démarre sa carrière dans les années 1940, avec le mouvement d’avant-garde catalan Dau al Set, d’inspiration surréaliste. Il rejoint ensuite le courant de l’abstraction française d’après-guerre, puis s’en détourne dans les années 1950 pour réaliser un travail plus personnel, moins académique et moins « élégant ». Un travail expérimental et inédit à l’époque, bien avant l’apparition de l’Arte Povera,  tout à la fois terre à terre et extraterrestre. Des œuvres mêlant de larges traits de couleur tracés à grand geste, et les matériaux bruts et pauvres, récupérés ici et là et collés sur la toile comme le sable, le plâtre, la terre, des bouts de ficelle, des fils de fer et du papier journal.

Une œuvre marquée par la douleur

[image:2,s]Reconnu sur le plan international à partir de son passage triomphant à la Biennale de Venise en 1952, Antoni Tàpies compose dans les années 1960 de véritables « tableaux-objets », qui associent une composition abstraite à des éléments figuratifs, notamment des fragments corporels (pieds, mains et morceaux de torse). L’image de la crucifixion revient comme un leitmotiv, avec des croix, ou plutôt deux T, le premier pour son nom, le second le prénom de son épouse, Teresa. Lacérations, griffures, entailles : son œuvre, profondément marquée par la guerre civile espagnole de 1936, est « un champ de batailles où les blessures se multiplient à l’infini », selon ses propres termes.

Une carrière sans faux pas

Farouche opposant au franquisme, à l’inverse de Salvador Dali qui, lui, s’était largement compromis avec le général Franco, Tàpies a toujours refusé d’exposer en Espagne durant le règne du caudillo, jusqu’en 1975. S’il n’aimait pas Dali, catalan comme lui, il entretenait par contre un amitié profonde avec un autre grand maître du surréalisme, lui aussi catalan, Joan Miro.

En 1984, Antoni Tàpies avait créé à Barcelone une fondation qui porte son nom, dont le but est de promouvoir l’étude et la connaissance de l’art moderne et contemporain. Son siège est dans l’ancienne maison d’édition Montaner i Simon, œuvre de la fin du XIXe siècle de l’architecte moderniste Lluis Domenech i Montaner.

[image:3,xs]Lauréat de nombreux prix et récompenses, Tàpies avait été élevé, en avril 2010, au titre de marquis par le roi Juan Carlos. « C’est une triste nuit », a declaré Manuel Borja-Villel, le directeur du musée Reina Sofia de Madrid, rendant homage à l’artiste qui fut, selon lui, « capable de créer un nouveau langage dans les arts plastiques ».

Un héritage colossal

Collectionneur et bibiophile, Tàpies possédait une vaste collection d’ouvrages anciens et de tableaux incluant Picasso, Miro, Masson, Ernst et d’autres, mais aussi des objets d’art orientaux ou d’Afrique dont il s’inspirait. Les paysages à l’encre chinois et japonais, notamment, sont la source de l’atmosphère vaporeuse qui imprègne nombre de ses estampes et lithographies. 

Une collection extraordinaire que conserve sa fondation de Barcelone. Avec, bien sûr, les multiples œuvres personnelles que l’artiste a léguées à sa fondation. Tàpies aura créé pas moins de 8 000 œuvres au long de sa carrière. Un travail monumental.

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