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Awagiku, Rinka et Iroha, trois geishas d’aujourd’hui

[image: 1, l]Des pas hésitants, le bruissement du kimono de soie sur le tatami, les jeunes maikos (apprenties geishas) sont en plein entraînement. Elles sont trois : Awagiku, Rinka et Iroha. Elles sont jeunes, belles, talentueuses et, surtout, désireuses d’apprendre la culture des geishas. Face au déclin de ce métier au pays du Soleil-Levant, beaucoup de municipalités japonaises, à l’instar de Shimoda, une ville thermale et portuaire de la péninsule d’Izu, sur l’île principale de Honshu, tentent de revivifier l’un des plus anciens et des plus précieux trésors du patrimoine culturel japonais.

Le parcours des trois geishas

A la suite du tsunami meurtrier de mars 2011 et à la catastrophe nucléaire de Fukushima, Awagiku a quitté son travail de designer. Cette tragédie l’a poussée à repenser sa vie. « Jusqu’alors, je n’étais pas totalement consciente de ma « japonessence ». Je me suis toujours intéressée à la calligraphie et je voulais en savoir plus sur le kimono, donc je me suis inscrite en août. » Les trois jeunes femmes ont été recrutées par la municipalité de Shimoda grâce à une publicité d’une entreprise locale, Hello Work.

Il y a cinq ans, Iroha était venue à Shimoda en tant que touriste. Elle est tout de suite tombée amoureuse du littoral tourmenté et spectaculaire de Shimoda : « J’ai vu ma première geisha ici, j’ai pensé que cette ville était idéale pour travailler et vivre en tant que geisha. Je les considère comme un parfait exemple de beauté et de féminité japonaises. »

Rinka, une Chinoise expatriée au Japon il y a maintenant dix ans, s’est retrouvée habiter juste à côté de leur future professeure, Nami. Cette ancienne geisha à la voix puissante ne cessait de s’entraîner au chant. «J’avais l’habitude de l’écouter s’exercer le matin et je me disais que sa voix était magnifique. Je considère Shimoda comme ma ville natale maintenant, et c’est ici que je veux débuter ma carrière de geisha. »

Ces trois geishas modernes sont entraînées par deux femmes, l’ancienne geisha Nami et Chikako, une artiste confirmée. Toutes deux dirigent les trois maikos dans leur apprentissage du métier, leur dispensant leur savoir, leur bienveillance et de leur discipline.<!–jolstore–>

Les geishas, des artistes accomplies

Les geishas sont des dames de compagnie mais aussi et avant tout des artistes, expertes dans de nombreux domaines de la culture japonaise traditionnelle : calligraphie, musique, cérémonie du thé, art de la conversation raffinée, de la danse et du chant.

Iroha est surtout attirée par la danse, qui se pratique souvent un éventail à la main : « J’aime danser plus que tout. Cela peut paraître très simple et facile, mais c’est un énorme travail, exigeant et épuisant. Je transpire beaucoup. Ma famille pensait que j’allais sûrement être trop raide pour maîtriser ce genre de danse devant un public averti ». 

Acquérir le savoir-faire d’une véritable geisha prend en théorie au moins cinq ans. L’apprentissage implique un total dévouement, comme l’ont appris les trois maikos au fil de leur formation. Durant le premier mois, les apprenties geishas n’avaient pas un seul jour de congé, trop occupées à apprendre comment nouer correctement leur kimono.  «L’entraînement est extrêmement difficile, raconte Nami. Il faut vraiment avoir envie d’apprendre, sinon vous n’y arrivez pas. »

En matière de chant, la tâche est tout aussi ardue : il leur faut mémoriser les centaines de paroles versifiées de vieilles ballades japonaises comme ici le Shimoda Bushi, une chanson de marin inscrite dans la culture de la ville depuis quatre siècles.

Gardiennes des traditions

« Quand elles sont arrivées, elles connaissaient à peine ce qu’était les tabi (ces chaussettes blanches traditionnelles que les geishas mettent avec leurs sandales de bois et leur kimono.) Après leur premier entraînement, elles étaient toutes en sueur », explique la professeure Nami. Consciente de l’importance de chaque geste, Awagiku raconte : « La position de notre dos et tous les autres détails de nos postures doivent être absolument parfaits lorsque nous dansons ».

Le festival de Shimoda débutera le 27 mars et rendra hommage au tragique (mais légendaire) destin d’une geisha, Okichi, tombée amoureuse du consul général américain, Townsend Harris au XIXe siècle. Cette geisha, devenue fameuse dans tout le Japon, était originaire de la région et s’était suicidée après le départ du consul américain.

La ville de Shimoda, qui finance la formation des trois futures geishas en vue du festival, espère ainsi revivifier la pratique d’un métier en déclin. Car d’elles, comme partout au Japon, dépend en grande partie la préservation des traditions culturelles incarnées par les chants et les danses locales. «Sans elles, ces traditions sont perdues », souligne Takashi Takahashi, directeur de l’Office du tourisme municipal.

Quand on leur demande si elles sont confiantes pour leur prochaine prestation, Iroha répond avec un brin d’angoisse : « Je suis sûre qu’ils regarderont très attentivement pour voir si je ne me trompe pas ». De son côté, Nami, leur formatrice, est plutôt confiante : « Peu de Japonais savent mettre un kimono correctement, ces trois jeunes filles le nouent à merveille. Elles sont jeunes et apprennent très vite, parce qu’elles aiment ce qu’elles font ». Une motivation indispensable.

Global Post/Adaptation Sabrina Alili pour JOL Press

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