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Comment Mohammed VI a sauvé son trône

[image:1,l] Le Mouvement du 20-février fête son premier anniversaire. Dans les principales villes du Maroc, plusieurs évènements pacifiques sont organisés afin de célébrer une année de lutte pour la réforme du système politique marocain.

Le Maroc a vécu son Printemps arabe

Les responsables du mouvement ne l’avouent pas publiquement, mais s’il est un soulèvement du Printemps Arabe que le monde a oublié, c’est bien celui du Maroc. La Syrie est en flamme, la Libye se déchire, l’Egypte manifeste toujours place Tahrir, mais le Maroc a échappé au pire, tout en connaissant un véritable vent de réformes.

Chaque révolution commence de la même manière. Un évènement isolé provoque une réaction, qui provoque un deuxième évènement, qui enclenche un mouvement à plus grande ampleur. Au Maroc, ce premier évènement isolé n’a pas eu lieu. Ce n’est que plus d’un mois après le début des manifestations en Tunisie que les premiers appels à manifester ont été lancés au Maroc. Ces appels n’ont eu que peu d’écho jusqu’à ce que le 20 février soit choisi comme date pour la grande manifestation qui allait unifier le peuple : « La Journée de la dignité ».

Les manifestants appelaient à un changement politique et à des réformes constitutionnelles, à la fin de la corruption dans l’entourage du roi, à plus de justice sociale, à plus de liberté.

La voix de la sagesse

Au lieu de mettre son royaume en état d’alerte pour mater ce qui aurait pu constituer les prémices d’une révolution, Mohammed VI a choisi la voix de la sagesse. Quelques jours avant ce 20 février, le gouvernement, par la voix de son porte-parole Khalid Naciri, a déclaré à l’agence MAP : « Le Maroc s’est engagé il y a longtemps dans un processus irréversible de démocratie et d’élargissement des libertés publiques. […] Que les citoyens s’expriment librement ne nous trouble nullement. »

Le 20 février 2011, plusieurs milliers de manifestants s’étaient donc rassemblés dans les principales villes du pays. Plusieurs bâtiments furent pillés ou incendiés et 120 personnes interpellées puis jugées. Selon le gouvernement 128 personnes, dont 115 membres de forces de l’ordre, furent blessées.

Le message des manifestants arriva aux oreilles du roi. Le 9 mars, Mohammed VI annonçait la formation d’une commission chargée de réfléchir à des réformes constitutionnelles, qui devraient conduire à l’établissement d’une monarchie constitutionnelle.

Allers-retours entre les manifestants et le roi

C’est ainsi que le gouvernement a pris le contrôle du mouvement, en répondant aux attentes du peuple et en évitant que le Printemps arabe ne s’étende au territoire national. Néanmoins, les manifestants, en partie insatisfaits des mesures proposées par le roi, ont tenté de récidiver. Ils ont organisé un sit-in quelques jours après, le 13 mars. Moins pacifique, la police les a dispersé sans ménagement, faisant une dizaine de blessés.

Le 20 mars, une nouvelle manifestation est organisée, qui ne recueille que peu de soutien. Le Mouvement du 20-février aurait pu repartir de plus belle mais, une fois encore, le roi a sauvé les meubles. Une commission consultative composée des différentes tendances politiques du royaume est mise en place. L’objectif est toujours le même : réviser la Constitution. Certains membres du Mouvement du 20-février y ont été invités, mais ont préféré opter pour le boycott.

Les manifestants ont perdu le soutien du peuple, satisfait dans son ensemble par les mesures présentées et mises en œuvre par le roi qui, à aucun moment, n’a perdu sa légitimité devant son peuple.

Le 3 avril, encore une manifestation s’annonce, mais les Marocains sont très peu nombreux à répondre à l’appel. Pour calmer le jeu, Mohammed VI gracie des prisonniers. Les manifestations reprennent, Mohammed VI décide alors d’augmenter les salaires. Les manifestations se poursuivent jusqu’au mois de juin, la police les disperse, certaines d’entre elles réunissent un nombre conséquent de manifestants. Puis, le 17 juin, Mohammed VI cloue définitivement le bec au Mouvement en annonçant une nouvelle Constitution, suivie d’un référendum le 1er juillet pour la soumettre au peuple.

Un Printemps arabe étouffé

Les trois pouvoirs sont distinctement séparés, le roi n’est plus tout puissant et n’aura qu’un rôle désormais honorifique. Le peuple respire d’une nouvelle liberté, le Mouvement du 20-février n’a plus de raison d’être.

Il perdure aujourd’hui encore par les derniers résistants insatisfaits des réformes et frustrés d’un Printemps arabe étouffé avant d’être né. Mais il n’a pas survécu à l’intelligence politique d’un roi qui, comme le montre la succession des évènements, a su lâcher du lest au moment où il le fallait pour conserver la fidélité de son peuple. En s’ouvrant à l’opposition, il a également empêché tout mouvement de contestation politique majeur.

Le 25 novembre 2011, les élections législatives sont marquées par la victoire d’un parti islamiste, le Parti Justice et Développement. Abdelilah Benkirane, son secrétaire général, se voit alors confier, des mains du roi, la direction d’un nouveau gouvernement qu’il constitue en formant une coalition de quatre partis autour de lui. Le Maroc vient de trouver son équilibre politique.

Un Printemps arabe tout en douceur, dont l’anniversaire sera célébré dans le calme lundi 20 février.

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