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Coup d’Etat sous les cocotiers

[image:1,l]Guirlandes d’atolls et d’îlots perdus dans l’océan Indien, les Maldives sont connues pour leurs paysages de carte postale, leurs îles-hôtels propices à un tourisme de luxe et leurs fonds sous-marins prisés des amateurs de plongée. Depuis trois semaines pourtant, l’archipel est en proie à de graves troubles politiques. Mohamed Nasheed, le président de cette petite république des tropiques, a été contraint d’annoncer sa démission dans une allocution télévisée, mardi 7 février 2012, à la suite d’une mutinerie de policiers et des manifestations d’opposants qui réclamaient son départ.

Le vice-président de l’archipel, Mohamed Waheed, a immédiatement été investi chef de l’État pour le remplacer, au terme d’une courte cérémonie au Parlement retransmise par la television nationale.

Un démocrate renversé par un putsch

« Je démissionne car je ne suis pas homme à gouverner le pays d’une main de fer », a déclaré le président. Ancien militant des droits de l’homme, Mohamed Nasheed était devenu en 2008 le premier président démocratiquement élu de l’histoire des Maldives, à l’issue d’un scrutin pluraliste qui avait mis fin à trente ans de règne du dictateur Maumoon Abdul Gayoom. Il a aussi beaucoup milité contre le réchauffement climatique, alertant de la menace de la montée des eaux qui risque un jour d’engloutir ce microcosme insulaire.

La crise politique, qui couvait depuis plusieurs mois, a éclaté à la mi-janvier, quand le chef de l’Etat a ordonné l’arrestation du président de la Cour d’assises, Abdulla Mohammed, accusé de favoritisme et de corruption. L’opposition, des islamistes purs et durs, a aussitôt accusé le président Nasheed de dérive autoritaire. Mardi, des policiers rebelles se sont joints aux manifestants dans la capitale, Malé. Ils ont pris le contrôle de la télévision d’Etat pour y diffuser leur propagande. Les troupes de l’armée ont tenté d’endiguer le désordre et se sont heurtées aux mutins.

« Ce n’est pas un coup d’Etat. Absolument pas », a affirmé à l’AFP le porte-parole de l’armée, Adbul Raheem Abdul Latheef, qui dit avoir « conseillé » au président de démissionner. Le président évincé, quant à lui, accuse son vice-président Mohamed Waheed d’avoir fomenté un putsch. Il a appelé mercredi son successeur à démissionner, tandis que de nouveaux heurts se sont produits à Malé entre ses partisans et la police, faisant plusieurs blessés. Les violences se sont également étendues à d’autres îles de l’archipel.

Une islamisation croissante

L’affaire intervient avec, en toile de fond, une inquiétante montée d’un islam radical dans l’archipel, sans doute favorisée par l’onde de choc des révolutions arabes et la poussée islamiste qui s’en est suivie. Sultanat islamique durant la majeure partie de son histoire (l’islam fut introduit au XIe siècle par des commerçants arabes qui naviguaient, grâce aux vents de mousson, entre le Levant et l’Inde), la république des Maldives abrite, malgré sa proximité avec l’Inde et le Sri-Lanka, une population musulmane sunnite. L’islam est religion d’Etat, la législation s’inspire de la charia (flagellation, par exemple, des femmes adultères) et les autres cultes religieux sont interdits aux citoyens.

Ces derniers ne croisent d’ailleurs jamais d’étrangers. Cantonnés dans les établissements de luxe d’îles-hôtels, les touristes qui séjournent aux Maldives n’ont pas le droit de mettre le pied sur les îles où vit la population. Cette ségrégation autoritaire à fait des Maldiviens un peuple totalement cloîtré, sans aucune ouverture sur le monde extérieur, et donc facile à manipuler par les fondamentalistes religieux. Récemment encore, ces derniers ont fait campagne pour que le gouvernement ordonne la fermeture des spas et autres centres de beauté des hôtels, jugés « indécents ». La consommation d’alcool a un moment été interdite. Les islamistes réclamaient aussi la suspension des vols entre Israël et les Maldives.

Si l’islam radical n’avait pas encore réussi à décourager les quelque 600 000 touristes qui se rendent aux Maldives chaque année, les troubles actuels risquent fort de les dissuader.

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