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La France ne veut plus de la Scientologie

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[image:1,l] Ils étaient plus de 250 à manifester devant le Palais de justice de Paris. Arborant des pancartes « Respectez ma religion » et chantant malgré la température glaciale. Les scientologues estiment être victimes d’un complot des organisations anti-sectes.

« Nous n’avons pas eu droit à un procès équitable, estime Marie, une informaticienne de 55 ans. La France n’a aucune tolérance religieuse. C’est une attaque en règle contre nos croyances. »

Ce qui déclenche la fureur des scientologues français, ce sont les amendes de 400 000 € et 200 000 €, respectivement infligées au Scientology Celebrity Center et à sa librairie. Plusieurs dirigeants de la Scientologie française ont également été sévèrement sanctionnés, comme Alain Rosenberg, « dirigeant de fait » de l’organisation en France. Ce dernier a écopé d’une amende de 30 000 € assortie de deux ans de prison avec sursis.

Une « religion » très lucrative

Ce sont les méthodes de recrutement de la Scientologie qui sont dans le collimateur de la justice française. Créée en 1954 par l’écrivain de science fiction Ron Hubbard, l’Eglise de scientologie est une « philosophie appliquée » qui prône l’éveil progressif de l’être humain à différents stades de développement personnel. Les détracteurs de cette religion autoproclamée critiquent le coût financier disproportionné des livres, DVD et stages que les novices sont très vivement encouragés à se procurer ou à effectuer.

Avancer dans son « développement personnel » requiert un investissement financier de plus en plus élevé. Les fidèles sont encouragés à acquérir, outre les œuvres complètes de Ron Hubbard, un « électromètre » coûtant plus de 3 900 euros, en réalité un simple ohmmètre disponible pour une vingtaine d’euros dans le commerce. Cet appareil permet de réaliser chez soi l’équivalent des « auditions » facturées jusqu’à 400 euros par les responsables des antennes locales de la Scientologie.

Ouvrir les esprits ou les portefeuilles ?

La cour d’appel de Paris s’est pourtant montrée peu convaincue par la volonté d’ « ouvrir les esprits » de l’Eglise de scientologie. D’après ses délibérations, l’organisation délivrerait gratuitement des tests de personnalité débouchant en permanence sur un résultat négatif afin de pousser les novices à entamer une coûteuse « cure scientologue ».

La Scientologie française a déclaré que ces accusations étaient « totalement fantaisistes ». Le porte-parole de l’organisation, Eric Roux, s’insurge contre une « attaque en règle » : « Lorsque vous voulez détruire une religion, que faites vous ? Vous frappez ses finances. Les scientologues ne sont pas bêtes et leurs croyances ne coûtent pas plus cher que d’autres ».

La fin de l’impunité juridique

Après une première condamnation en première instance en 2009, la Scientologie avait déjà frôlé l’interdiction sur le territoire français. Du côté des associations anti-sectes, on se réjouit de la déconvenue judiciaire des Scientologues. Catherine Picard, présidente de l’UNADFI (Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes), se réjouit de la décision de la cour d’appel : « Les victimes vont enfin obtenir réparation. Même si la Scientologie est très riche et que les amendes ne représentent pas grand chose pour elle, cette décision est symbolique et encouragera sans doute d’autres personnes abusées à demander réparation ».

De nombreux scientologues abandonnent les poursuites bien avant d’arriver devant le bureau du juge. Aude-Claire Malton, 32 ans, avait été convertie alors qu’elle était dans une période de fragilité psychologique. Après avoir dépensé plus de 20 000 euros pour être éveillée à la scientologie, elle avait fini par porter plainte. « Convaincue » par un chèque de l’organisation, elle avait abandonné les poursuites judiciaires avant le jugement du tribunal.

Petits chèques entre amis

Ces arrangements à l’amiable trahissent une crainte de la Scientologie vis à vis de la justice française. Epargnée jusqu’au milieu des années 1990, l’Eglise de scientologie a été étiquetée comme secte par un rapport du Parlement de 1995. Avec l’avènement du Web, les informations sur les arnaques se multiplient à son sujet.

Outre-Atlantique, de nombreuses manifestations organisées par Anonymous ont dénoncé la Scientologie, alors qu’en France, des sites Web comme celui de Roger Gonnet mènent un combat antisectes visant tout particulièrement les disciples de Ron Hubbard.  Encouragés par cette mobilisation, les magistrats français n’hésitent plus à condamner une organisation médiatiquement affaiblie.

La France à la pointe du combat antisectes

Alors que de nombreux pays reconnaissent la Scientologie comme une religion, la France n’hésite pas à se placer à la tête des pays « sciento-sceptiques ». « La laïcité et la tradition républicaine du pays en font un terrain peu propice à l’installation de sectes et de petites communautés religieuses », estime Emmanuel Fansten, auteur de Scientologie, autopsie d’une secte d’Etat.

Pour Henri Pena-Ruiz, professeur à Sciences-Po, la laïcité n’est pas la raison de la position antisecte de la France :« La laïcité, c’est le fait pour l’Etat de chercher à rester neutre. Agnostiques, athée, croyants, peu importe. Ce qui compte, c’est de pouvoir pratiquer sa religion sans l’imposer aux autres et sans enfreindre la loi. Le problème de la Scientologie, ce sont ses pratiques illégales, pas la laïcité de l’Etat français. »

La politique antisecte de la France s’est fortement accélérée après la mort de 16 adeptes du Temple solaire dans des circonstances mystérieuses, en décembre 1995, près de Saint Pierre de Chérennes (Isère).

Conscients de la difficulté à obtenir une victoire judiciaire sur le sol français, la Scientologie devrait tenter de saisir la Cour européenne des droits de l’homme. En 2007, un jugement de cette instance avait annulé une décision de justice russe interdisant l’Eglise de scientologie.

GlobalPost/ Adaptation Emmanuel Brousse pour JOL Press

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