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La TVA, un impôt «made in France»

[image:1,l] Taxe sur la valeur ajoutée ou TVA : impôt général sur la consommation, directement facturé aux clients sur les biens qu’ils consomment ou les services qu’ils utilisent en France. Toute personne (entreprise ou professionnel indépendant) qui réalise de manière habituelle des opérations économiques payantes est assujettie à la TVA. C’est aux professionnels de la collecter sur ces opérations imposables et de la déclarer.


La TVA, une création française


Les taxes sur le chiffre d’affaires sont apparues en Europe et aux États-Unis à partir de 1915. Elles avaient l’avantage de s’appliquer à tous les produits consommés, mais leur inconvénient majeur se situait dans les distorsions fiscales qu’elles provoquaient. La perception « en cascade » à chaque niveau d’échange aboutit, en effet, à favoriser les circuits courts : pour une même activité économique, les entreprises faisant appel à la sous-traitance sont fiscalement désavantagées par rapport aux entreprises « intégrées ». Pourtant, économiquement, la sous-traitance est souvent plus efficace. Ces distorsions ont entraîné de nombreuses réformes des taxes sur le chiffre d’affaires.


La taxe sur la valeur ajoutée s’inscrit dans cette recherche d’un outil fiscal efficace en termes de recettes et équitable quant à son impact sur les stades successifs de production. Instituée en France par une loi du 10 avril 1954, son objectif était, à l’époque, de substituer aux différents outils fiscaux pesant sur la consommation un impôt plus moderne, à vocation unique. La TVA est une invention française.


La loi du 6 janvier 1966, portée par Valéry Giscard d’Estaing, ministre des Finances du Général de Gaulle, impose le régime fiscal de la TVA dans les secteurs de l’industrie, du commerce et des services. Les secteurs non commerciaux et agricoles font l’objet de clauses spéciales, le choix étant le plus souvent laissé entre l’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée et l’imposition forfaitaire.


La TVA en Europe : une harmonisation inachevée


C’est un autre Français, Raymond Barre, alors vice-président de la Commission européenne, qui poussera à l’adoption de la TVA par les autres membres de ce qui est alors la CEE. La directive du 11 avril 1967, toujours en vigueur, établit les fondements et principes du système communautaire de taxe sur le chiffre d’affaire.


Au 1er avril 1973, les neuf membres de la Communauté économique européenne se sont dotés d’une TVA commune. L’adoption d’une telle taxe s’impose désormais à tous les Etats de l’Union européenne, et constitue l’une des conditions de l’adhésion des nouveaux venus. Dans le cadre de cette harmonisation, ont été définies les opérations imposables, les règles de territorialité, l’assiette et les exemptions. Mais pas le montant des taux…


Différents taux de TVA selon les biens et services


Dans la plupart des pays, plusieurs taux de TVA existent simultanément et s’appliquent chacun à différents types d’activité. A côté du taux normal, on trouve le plus souvent un taux minoré et, parfois, un taux majoré.


Le taux normal est celui qui touche le plus grand nombre de biens et services. Les taux minorés sont utilisés pour favoriser telle ou telle profession, ou, dans le cas des biens alimentaires de première nécessité, pour veiller à ce que la « ménagère » ne soit pas trop pénalisée. Enfin, le taux majoré, dans le passé, frappait souvent les produits dits de luxe.


Les taux de TVA, une variable ajustable


Au 1er janvier 2012, le taux normal en France est de 19,6 % et le taux minoré de 5,5 %. Le président Nicolas Sarkozy a déclaré, le dimanche 29 janvier 2012, lors d’une intervention télévisée, son intention d’augmenter de 1,6 points ce taux normal pour le porter à 21,2 %, à compter du 1er octobre 2012. C’est un renversement de tendance dans l’histoire fiscale française.


De 17,6 % en 1954, le taux normal de TVA est passé à 18,6 % en 1982, puis à 20,6 % en 1995, avant d’être rabaissé à 19,6 % en 2000.  Mais jusqu’en 1992, il existait aussi un taux majoré, taxe sur les produits dits de luxe. Instauré en 1968 à 20 %, il grimpe à 25% en 1969. De 1970 à 1988, il s’élève à 33,33 %, un tiers du prix hors taxe. Sur la voie de sa disparition, il redescend à 25 % en 1989 et 22% en 1990.  


Pression fiscale : la France se situe dans la moyenne européenne


Au sein de l’Union européenne, les dispositions adoptées sur la TVA en 1993 prévoient que le taux normal minimal est fixé à 15 %. En revanche, il n’est pas prévu de taux normal maximal. Alors que le Luxembourg a opté pour un taux de 15 %, l’Allemagne se contente de 19 %, le Royaume-Uni de 20 % et la Hongrie, pour sa part, a un taux de TVA de 27 %. Au 1er janvier 2012, 12 pays sur 27 appliquent des taux de TVA normaux égaux ou supérieurs à 21 %. Ceux-ci  tendent à être supérieurs à l’est de l’Union, dans les anciennes démocraties populaires. A 19,6 % ou même à 21,2%, la France reste dans la moyenne des taux observés.


La TVA s’est exportée aux quatre coins du monde


La TVA s’est progressivement imposée dans de nombreux pays comme le mécanisme de taxation préféré pour les biens et services.


De tous les pays développés, seuls les Etats-Unis n’ont pas de TVA. A la place, ils ont conservé une sales tax. Cette taxe sur les ventes, taxe sur le chiffre d’affaires classique, est fixée par chaque Etat fédéré. Comprise entre 0 % (dans le Delaware) et 8,75 % (en Californie), son taux moyen national est de l’ordre de 6 %.
Les pays émergents ont, eux aussi, suivi la tendance, sur tous les continents. En Chine, le taux normal est de 17 %.


L’équité et l’efficacité de la TVA, un débat doctrinal


La TVA est indéniablement un impôt égalitaire, dans la mesure où il frappe de manière indistincte tous les consommateurs à chaque étape de la production et de la distribution. Est-il juste ou équitable ? C’est un débat sans issue, un clivage politique net. Pour les libéraux, il s’inscrit dans une politique de l’offre, de relance par l’offre, visant notamment à rétablir la compétitivité des entreprises. Pour les keynésiens, cette taxe, qui n’est pas redistributive, pèse, proportionnellement, davantage sur les plus défavorisés des agents économiques. Impôt indolore, il pèse sur les actifs comme sur les inactifs.


Une baisse des taux de TVA s’inscrit, le plus souvent, dans une politique d’encouragement de la demande, ou encore pour assurer le partage des « fruits de la croissance » en période de croissance. Elle tend à encourager la consommation et à augmenter les marges des entreprises. Mais, elle pèse fortement sur les recettes de l’Etat.
L’impact d’une hausse des taux est discutable et discuté. Pour les keynésiens, qu’elle se traduise par une hausse des prix ou par une baisse des marges des entreprises, elle comporte le risque de générer une récession économique.


La TVA sociale ou le « modèle allemand », solution face à la crise ?


Augmenter le taux de TVA pour financer les dépenses sociales – famille, maladie, retraite… – en allégeant en parallèle le coût du travail par la baisse des charges sociales supportées par les entreprises : c’est le principe dit de « TVA sociale ».


Cette stratégie de politique fiscale a été mise en œuvre au Danemark à partir de 1987 et en Allemagne en 2007. Le président Nicolas Sarkozy a annoncé, dans un entretien télévisé du dimanche 29 février, sa volonté de l’appliquer en France, à compter du 1er octobre 2012.


La TVA sociale, contrairement à ce que son nom indique, n’a pas une vocation sociale à proprement parler. Elle vise à augmenter la compétitivité des entreprises d’un pays et, dans une évolution de fond, à transférer le financement des dépenses sociales des actifs vers les consommateurs, qui bénéficient des dépenses sociales, qu’ils soient actifs ou inactifs.


Selon les mécanismes retenus – et en particulier la nature et l’ampleur des baisses de charges patronales -, les partisans de cette stratégie estiment que les produits nationaux devraient garder des prix stables, voire à la baisse. En revanche, les produits d’origine étrangère augmenteraient. A l’exportation, les produits nationaux deviennent plus concurrentiels, puisqu’ils sont vendus hors taxe à l’étranger. Toutefois, ce schéma théorique peut ne pas produire ses effets bénéfiques si les entreprises ne décident pas de baisser leurs prix de vente hors taxe. Elles restent libres en effet de répercuter ou pas la baisse des charges sociales sur les prix.  

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