Site icon La Revue Internationale

Le « oui, mais » des Français au modèle allemand

[image:1,l] Entre la France et l’Allemagne, il y a deux modèles qui coexistent : l’un qui a favorisé son industrie en instituant plus de souplesse dans l’organisation du travail. L’autre qui a privilégié la stabilité des structures à leur adaptabilité. Lorsque le premier démontre sa pertinence en période de crise, le deuxième ne peut pas ne pas s’interroger sur sa pérennité. C’est pourquoi JOL Press a  souhaité connaître l’opinion des Français par le biais d’une enquête* exclusive confiée à l’Institut Harris Interactive : le modèle allemand est-il plus performant que le modèle français ? Serait-il susceptible de le remplacer ?  Serait-il souhaitable qu’il le fasse ? Bilan détaillé des réponses.

Le modèle allemand est jugé plus performant

Le sondage montre qu’une nette majorité de Français considèrent que la situation de l’Allemagne est préférable à celle de la France dans de nombreux domaines, économiques ou sociaux : croissance économique (76 %), commerce extérieur (73 %), déficits publics (62 %), négociation syndicale (60 %).  Dans une moindre mesure, les Français estiment aussi que l’Allemagne est meilleure que la France dans sa fiscalité (46 %) et même en ce qui concerne les salaires (50 % ).

L’Allemagne apparaît aussi aux yeux des Français comme un pays où les salaires sont meilleurs – ce qui va pourtant à l’encontre d’un certain nombre d’études objectives réalisées sur le sujet. Finalement, les Français témoignent d’une vision très positive, voire idéalisée, de l’économie allemande, par opposition à l’économie française : la référence à un « modèle allemand » pourrait donc a priori trouver un certain écho auprès de la population française.

La tendance est assez homogène au sein de la population, si ce n’est quelques nuances : les sympathisants de droite et les hommes sont plus nombreux que la moyenne à attribuer une supériorité à l’Allemagne.

La France pourrait-elle s’en inspirer ?

L’exemplarité de l’Allemagne fait débat parmi les Français, qui semblent penser que les situations des deux pays sont trop distinctes pour transposer les politiques économiques sociales de l’un vers l’autre.

Si une courte majorité de Français considèrent que l’Allemagne pourrait constituer en théorie un modèle économique et social pour la France (50 % oui, 42 % non), ils semblent néanmoins penser que cela serait difficile à mettre en pratique, du fait des situations différentes entre les deux pays (constat partagé par 58 % des répondants).

À noter : l’Allemagne est davantage considérée comme un modèle par les sympathisants de droite, qui sont 75 % à estimer que la France devrait s’inspirer des politiques économiques et sociales de ce pays, de même que par les personnes âgées de 65 ans et plus (57 %), ou encore par celles dont les revenus nets mensuels du foyer sont les plus élevés (65 % parmi les personnes aux revenus supérieurs à 5 000 €).

Les Français restent attachés à leur modèle social

Dès que l’on entre dans le domaine de l’« appropriation » du modèle allemand, les Français se montrent moins enthousiastes : ils déclarent préférer les prestations sociales et le droit du travail français à leurs équivalents allemands (respectivement 67 % et 44 % les estiment meilleurs en France contre 8 % et 21 % pour l’Allemagne).  

Malgré une certaine fascination pour un « modèle économique allemand », l’attachement au « modèle social français » reste donc une grille de lecture pertinente pour presque toutes les catégories de population (et particulièrement les hommes), même si cela s’atténue auprès des personnes ne déclarant aucune sympathie politique particulière.

Qualité de vie : avantage à la France

En ce qui concerne la vie quotidienne, les Français sont sceptiques quant à l’avantage présenté par l’Allemagne en terme de qualité de vie : ils sont presque autant à juger la qualité de vie meilleure en France qu’en Allemagne (27 % contre 33 %, pour 30 % jugeant que cela est similaire), et seule une petite minorité estime qu’il est plus agréable de vivre (9 %) ou de travailler (25 %) en Allemagne, tandis qu’une majorité de Français ne s’imaginent pas vivre (64 %) ou travailler (59 %) en Allemagne.

Mais finalement, lorsqu’ils se projettent de façon plus personnelle, une majorité relative de Français indiquent préférer vivre et travailler en France (respectivement 49 % et 34 %, contre 9 % et 25 % citant l’Allemagne).

Une opinion paradoxale

Le constat s’avère donc paradoxal. Si les Français jugent de manière très positive le modèle allemand, ils sont beaucoup moins convaincus par sa potentielle transposition sur leur territoire. Une contradiction qui s’explique aisément : pour atteindre plus de performance, les Allemands n’ont pas hésité à se doter d’un cadre de travail qui privilégie la souplesse pour les entreprises. Or, les Français ne sont pas prêts à remettre en question leurs schémas et acquis sociaux.

Avantage collectif ou intérêt individuel ?

Le sondage montre bien toute l’ambivalence et la perplexité des Français : comment se rapprocher de certaines performances, sans pour autant abandonner le modèle social auquel ils sont attachés ? La performance doit-elle nécessairement passer par un changement de système, ou existe-t-il d’autres voies ? Comment rester Français, tout en s’inspirant de certaines souplesses du modèle à l’allemande ? Les avantages qui semblent faire le jeu collectif d’une nation ne servent pas nécessairement celui des intérêts privés. Intérêt collectif contre avantage individuel : un duel qui n’a pas fini de faire débat.

*Enquête réalisée en ligne du 31 janvier au 2 février 2012. Échantillon de 1008 individus représentatifs de la population française âgée de 18 ans et plus, à partir de l’access panel Harris Interactive. Méthode des quotas et redressement appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région de l’interviewé(e).

> Voir les résultats du sondage ici

> Lire notre analyse « Vertus et vices du modèle allemand »

Quitter la version mobile