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Les Caraïbes, nouvel axe du narcotrafic

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[image:1,l] Rien ne semble freiner l’expansion du trafic de drogue en Amérique centrale et du Sud, pas même la récente guerre aux narcotrafiquants qui a embrasé le Mexique. Le cartel de Sinaloa, l’une des plus grandes organisations criminelles mexicaines, travaille étroitement avec des groupes criminels dominicains dans le but d’établir un nouveau réseau de trafic, selon les autorités dominicaines et américaines.


Ces dernier mois, le gouvernement dominicain a notamment accusé l’organisation mexicaine d’avoir planifié certains assassinats et d’avoir volé un jet dans un aéroport à la nuit tombée. L’avion, que l’on a retrouvé plus tard au Vénézuéla, allait servir au transport de la cocaïne depuis l’Amérique du Sud.[image:2,s]


A la recherche d’une nouvelle route vers l’Europe


La présence du cartel de Sinaloa a été confirmée lorsque les autorités locales, en collaboration avec la Drug Enforcement Agency (DEA), l’agence de lutte contre le trafic de drogue américaine, ont arrêté un Mexicain membre de l’organisation. Pendant son interrogatoire, Luis Fernando Bertoluccy Castillo a avoué avoir un contact direct avec le chef des narcotrafiquants, Joaquin « El Chapo » Guzman. Il a plus tard été extradé vers les Etats-Unis afin de comparaître devant un tribunal.


« Le cartel de Sinaloa cherche à créer une route vers l’Europe grâce à la République dominicaine », confiait récemment l’ambassadeur dominicain aux Etats-Unis, Anibal de Castro, poussant son gouvernement à reconnaître la présence du groupe pour la première fois.


Une alliance entre les criminels mexicains et dominicains


[image:3,h,r]Selon un agent de la DEA, les membres du cartel cherchent également un support logistique auprès des Dominicains, lesquels devraient leur fournir des petits avions en provenance de l’état d’Apure, au sud du Vénézuéla, ainsi que des amphétamines.


Jusqu’à présent, la présence du groupe semble limitée à de petites cellules. Toutefois, la seule présence de l’organisation criminelle ajoute un niveau de complexité à un pays déjà aux prises avec une poignée de groupes criminels internationaux. Cela suggère également que les cartels considèrent que les Caraïbes pourraient être une alternative à l’axe habituelle Amérique centrale-Mexique.


Contourner le corridor trop surveillé de l’Amérique centrale


L’administration d’Obama a prévenu que la guerre contre les narcotrafiquants au Mexique risquerait de déplacer le trafic vers les Caraïbes. Les îles faisaient en effet partie des itinéraires préférés de caïds notoires comme Pablo Escobar dans les années 1980, jusqu’à ce que la répression américaine ne pousse le trafic vers le Mexique.


Pour la DEA et les responsables du Département d’Etat, les cartels mexicains chercheraient à exercer un contrôle accru dans un territoire en dehors de l’Amérique centrale et du « corridor » mexicain, trop contrôlé par les Etats-Unis.


« Cela ne présage rien de bon. Le train est en marche. Ils retourneront aux Caraïbes », prédisait l’assistant du secrétaire d’Etat, William R. Brownfield, lors d’une réunion du Sénat en novembre. « Nous savons que nous allons devoir gérer cette crise encore une fois. C’est dans notre intérêt, ce serait de la folie et de la stupidité de ne pas s’y préparer à l’avance dès maintenant. »


Un budget contre les narcotrafiquants en berne


Et pourtant, le financement pour le programme américain de lutte contre le trafic de drogue dans la région, le Caribbean Security Initiative, est tombé à 73 millions de dollars cette année. Il était de 77 millions de dollars l’an dernier. La secrétaire d’Etat Hilary Clinton avait pourtant promis un investissement dans les pays d’Amérique centrale à hauteur de 300 millions de dollars lors d’une conférence tenue au Guatemala l’an dernier.           


Aux quatre coins des Caraïbes, le discours reste le même du côté des autorités. Le manque d’argent et d’entraînement empêche de lutter contre l’augmentation du trafic de drogue. Près de 10% de la cocaïne destinée aux Etats-Unis passerait par les îles, mais une grande majorité voyagerait toujours à travers l’Amérique centrale et le Mexique, selon les estimations.



Des méthodes sous-marines 


Les trafiquants utilisent des bateaux très rapides, capables de transporter un peu moins de 2 000 kilos de cocaïne, mais aux Caraïbes, de nouvelles méthodes plus inventives ont fait leur apparition, selon la DEA. Des « tubes de la forme d’une torpille ou des boîtes en métal » chargés de cocaïne, d’héroïne ou d’autres drogues sont fixés sous des navires marchands puis récupérés par des plongeurs une fois arrivés à bon port.


L’île d’Hispaniola au cœur du trafic


La République dominicaine a longtemps été au centre du commerce de la drogue dans les Caraïbes. Selon certaines estimations, 7% de la cocaïne destinée aux EtatsUnis et 11% de celle destinée au commerce européen transiterait par l’île d’Hispaniola, partagée entre Haïti et la République Dominicaine.


Pendant des années, les trafiquants ont bombardé l’île à coup de ballots chargés de cocaïne depuis des petits avions survolant la région. Les drogues étaient ensuite récupérées par des bateaux rapides à destination essentiellement de Puerto Rico.


Le trafic de drogue aérien en chute libre


[image:4,xs]Les vols chargés de drogues allant de l’Amérique du Sud aux Caraïbes – et principalement vers la République dominicaine – ont chuté de 123 en 2008 à 28 en 2010, selon les estimations basées sur le suivi de l’espace aérien par les Etats-Unis que le GlobalPost a pu consulter.


La réduction des vols « a entraîné un redoublement des efforts des narcotrafiquants, qui utilisent désormais des méthodes plus maritimes avec des bateaux extrêmement rapides, de pêche ou de loisirs », confiait de Castro.  


Les Colombiens, les Vénézuéliens et les Portoricains qui travaillent avec les Dominicains utilisent les routes maritimes pour transporter la drogue de l’Amérique du Sud à Puerto Rico, d’où elle peut facilement se frayer un chemin vers les Etats-Unis ou rejoindre l’Europe.


Un nouveau défi pour les Dominicains


Mais la présence du cartel de Sinaloa donne une nouvelle dimension au combat du gouvernement contre le trafic de drogue selon Lilian Bobea, une sociologue dominicaine qui étudie le sujet.


« La présence du Mexique est encore embryonnaire, mais elle présente un défi de plus pour les autorités [chargées de lutter contre le trafic de drogue]. Ils sont familiers avec les Colombiens, les Vénézuéliens et les Portoricains. Mais ils n’ont pas la même expérience avec les Mexicains », analyse Bobea. Mais la présence du cartel de Sinaloa est une raison suffisante pour s’inquiéter. « Il est difficile de dire quel rôle ils [les narcotrafiquants] vont jouer. Mais on peut clairement s’inquiéter », ajoute-t-elle.


Dans un pays où le taux d’assassinat est environ trois fois supérieur à celui des Etats-Unis, 40% des meurtres pourraient être attribués au trafic de drogue, selon les autorités. A la fin de l’année dernière par exemple, trois Colombiens, un Espagnol et un Vénézuélien, tous liés au trafic, ont été retrouvés morts après qu’un accord ait mal tourné.


Les organismes dominicains chargés de la lutte contre le trafic sont aussi minés par la corruption. En 2013, 134 agents de la Direction anti-drogue ont perdu leur emploi pour cause de mauvaise conduite – la plupart était présumée être en relation avec des narcotrafiquants.   


GlobalPost/Adaptation Antoine Le Lay pour JOL Pres

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