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Les Français, la TVA et la campagne présidentielle

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[image:1,l] Lorsque le président Nicolas Sarkozy a parlé aux Français lors de son allocution télévisée du dimanche 29 janvier 2012, il a évoqué plusieurs réformes, notamment celle concernant une hausse de la TVA en France de 19,6 à 21,2 %, dont le fruit serait destiné à financer une baisse des charges patronales. Avec l’Institut Harris Interactive, nous avons cherché à comprendre comment cette mesure avait été perçue par la population, et notamment les différentes conséquences que celle-ci pouvait lui attribuer (>lire tous tous les résultats du sondage : Les Français et la hausse de la TVA ).


Lors de notre précédent sondage ( Les Français et la taxe financière ), nous avions découvert que près de 70 % des Français étaient favorables à la taxe sur les produits financiers, toutes tendances politiques confondues. Cette fois-ci, l’annonce d’une hausse de la TVA ne séduit pas la population en général, un résultat qui confirme celui de l’enquête de l’institut CSA pour le quotidien L’Humanité 
(63% d’opinions défavorables à la hausse de la TVA ) publié mercredi. Toutefois, il existe une nette différence d’appréciation selon l’orientation politique des sondés.


Augmentation du taux normal de la TVA : 64 % des Français y sont opposés


Si nous étudions de près les résultats de notre dernier sondage, il apparaît que près des deux tiers des Français (64 %) se déclarent opposés à l’augmentation du taux normal de la TVA pour financer un allègement des charges patronales. Plus d’un tiers (36 %) s’y déclarent même « tout à fait opposés ». Cette opposition s’explique sans doute par le sentiment largement partagé par les Français que cette mesure va entraîner une augmentation des prix (52 % jugent cela certain, 28 % probable), sans pour autant engendrer d’effets positifs, à commencer par une augmentation des salaires, jugée très improbable (seulement 11 % jugent cela certain ou probable). Les Français sont également sceptiques sur l’effet de cette mesure en matière de création de nouveaux emplois (25 % la juge probable, certainement ou probablement), de développement de l’innovation (33 %), de développement des exportations (33 %) et même concernant l’amélioration de la compétitivité des entreprises françaises (36 %) – qui constituait pourtant l’objectif principal de cette mesure. Revenons en détail sur certains de ces points.


73% des partisans de la droite sont favorables à une hausse de la TVA


Seuls les sympathisants de la droite semblent mobilisés derrière le président de la République pour soutenir cette augmentation de la TVA : ils se montrent très majoritairement favorables à cette mesure (73%), même s’ils semblent peu enthousiastes (seulement 22 % « tout à fait favorables »). S’ils reconnaissent que cela risque d’entraîner une augmentation des prix (69 %), au moins les deux tiers d’entre eux jugent certain ou probable que cette augmentation de la TVA aura les effets positifs escomptés en matière de compétitivité, d’exportation et d’innovation. Le soutien est donc partisan : même peu enthousiastes, les partisans de droite soutiennent les initiatives de « leur président ».


Les foyers à hauts revenus, plus fervents soutiens


Il ressort donc clairement que, malgré une adhésion faiblement motivée, les sympathisants de la droite, et en particulier ceux de l’UMP, constituent les principaux soutiens à cette réforme proposée par le chef de l’Etat : respectivement 73 % et 79 % s’y déclarent favorables, même si la part de personnes indiquant être « tout à fait favorables » reste relativement faible (respectivement 22 % et 24 %). Soulignons également que l’adhésion à cette réforme est plus élevée que la moyenne parmi les individus issus de foyers disposant des plus hauts revenus (48 % favorables lorsque les revenus nets mensuels du foyer sont supérieurs à 5 000 €), alors qu’elle est très minoritaire parmi les individus aux revenus les plus faibles (20 % favorables parmi les foyers dont les revenus nets mensuels sont inférieurs à 1 200 €). Une distinction notable qui se comprend aisément : non seulement les ménages les plus aisés ne se sentent pas très concernés par une hausse de 1,6 point de TVA, mais aussi et surtout, ceux-ci seraient davantage pénalisés par une hausse d’impôt direct. De plus, certains sont également chefs d’entreprise, concernés donc par les baisses de charge, ce qui les rend doublement gagnants : un moindre poids fiscal relatif d’un côté, et un avantage social pour leur entreprise de l’autre. Cependant, ce chiffre de 48 % reste inféreur au chiffre de 79 % de soutien du côté des sympathisants de droite, toutes origines soicales confondues. Le clivage politique est donc bel et bien le plus déterminant.


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Les craintes des Français : augmentation des prix et efficacité relative la mesure


Les Français craignent en réalité que l’augmentation de la TVA n’entraîne une augmentation des prix : huit Français sur dix (80 %) s’attendent à ce que cette augmentation de la TVA entraîne une augmentation des prix, et plus de la moitié estiment même que cela se produira « certainement » (52 %). Alors même que le gouvernement assure que cette augmentation de la TVA n’aura pas d’impact sur les prix. Notons que ce pronostic d’une augmentation des prix semble partagé par toutes les catégories de population, puisque même les sympathisants de l’UMP sont une nette majorité à anticiper un tel effet (66 %), alors même que certains membres du gouvernement ont assuré qu’il n’en serait rien.


Doutes quant à l’impact sur les salaires et sur l’emploi


Les seules réserves qui semblent partagées par toute la population, quelle que soit l’orientation politique, concernent deux critères économiques essentiels : l’augmentation des salaires nets (11 % certainement ou probablement, pour 82 % probablement pas ou certainement pas) et la création d’emplois (25 % certainement ou probablement, pour 69 % probablement pas ou certainement pas). Là encore, ce diagnostic est partagé par toutes les catégories de population : si les sympathisants de l’UMP se montrent légèrement plus optimistes que la moyenne des Français sur ces deux sujets, ils jugent néanmoins majoritairement qu’un impact positif en matière de salaires ou d’emploi ne se produira probablement pas, voire certainement pas.


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Impact positif de la réforme pour les sympathisants de l’UMP


Toutefois, là encore le clivage existe : seuls les hommes, les personnes âgées de 65 ans et plus, et surtout les individus disposant des revenus les plus importants jugent majoritairement que cette mesure aura probablement ou certainement un impact positif dans ces différents domaines. De même, au moins trois sympathisants de l’UMP sur quatre jugent certain ou probable que cette augmentation de la TVA aura les effets positifs escomptés – même s’ils jugent davantage cela probable que certain.


Cristallisation partisane et campagne présidentielle


Il apparaît ainsi clairement que, contrairement à la taxe sur les produits financiers qui remportait une adhésion générale auprès des Français, toutes tendances politiques confondues, l’augmentation de la TVA est perçue très différemment selon l’engagement politique et l’origine sociale.  A 80 jours de l’élection présidentielle, faut-il en déduire que désormais les camps vont matérialiser leurs positions et cristalliser leurs différences ?


Lorsque Nicolas Sarkozy explique aux Français les mesures qu’il compte prendre, peut-il convaincre ceux qui pensent déjà au « changement maintenant » ? A l’inverse, l’adhésion en rang serré, même avec des réserves chez ses partisans, semble montrer que d’ores et déjà les Français sont entrés en campagne.


Les enjeux tactiques d’un président presque candidat 


Ainsi, malgré des explications bien documentées et l’intention fort louable de lutter contre le chômage, le président français a des difficultés à convaincre sur le terrain des réformes à venir. Ses partisans ont montré qu’ils voyaient déjà en lui leur leader de campagne, ses détracteurs, un adversaire. Le suspense que le président français continue d’entretenir sur sa candidature n’y changera rien : plus personne en France ne semble douter de son implication prochaine dans la présidentielle. D’où les limites d’un exercice qui consiste à projeter des mesures à J + 6 mois, alors que les échéances sont dans moins de 3 mois. Nicolas Sarkozy est d’ores et déjà prisonnier d’un calendrier qui s’accélère. A moins que sa manière de laisser « le temps au temps », ne tienne désormais de la posture tactique


Enquête réalisée en ligne par Harris Interactive du 31 janvier au 2 février 2012. Echantillon de 1008 individus représentatifs de la population française âgée de 18 ans et plus, à partir de l’access panel Harris Interactive. Méthode des quotas et redressement appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région de l’interviewé(e).

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