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Les islamistes profitent de la colère contre l’OTAN

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[image:1,l] 10 000 personnes étaient réunies le 22 janvier dans la ville de Rawalpindi. Encadrée par des hommes armés, cette foule en colère entonnait en cœur « Le Djihad est notre voie ».

Sur une estrade, un homme harangue les milliers de partisans venus au rendez-vous. Il s’appelle Hafiz Saeed et il dirige Jamaat-ud Dawah, une organisation que l’ONU voit comme une couverture pour les terroristes de Lashkar-e Tayba, responsables des attentats de Bombay, qui avaient causé 166 morts en 2008.

Quoiqu’il en soit, Hafiz Saeed est un homme libre. Il a été déclaré non-coupable par un tribunal pakistanais.

Une diffusion dans toute la société

A Rawalpindi, Hafiz Saeed et ses proches ont trouvé un nouveau nom : le Conseil de défense du Pakistan (CDP). Ils espèrent ainsi pousser Islamabad à interrompre ses relations avec les Etats-Unis et à annuler le nouveau plan de commerce avec l’Inde, voisin ennemi du Pakistan.

Les manifestations à Rawalpindi font suite à celles de Lahore, le 18 décembre dernier et de Multan (Punjab).

Un casse-tête diplomatique

Hamid Gul, un général à la retraite, ancien responsable des services secrets, est l’un des principaux coordinateurs du mouvement. Pour lui, la bavure de l’OTAN, fin novembre 2011, qui a coûté la vie à 26 soldats de l’armée pakistanaise, aurait été l’élément déclencheur de cette nouvelle vague d’anti-américanisme.

Selon Amir Rana, directeur de l’Institut Pak pour la paix, le malaise est plus profond. Pour cet universitaire, le sentiment de colère de la population a favorisé l’émergence du CDP et surtout lui a permis d’avoir un impact sur la politique du pays. Après la bavure de l’OTAN, le gouvernement a fermé plusieurs zones stratégiques aux convois occidentaux de ravitaillement.

Les relations vacillantes entre le Pakistan et les Etats-Unis se sont encore détériorées après la découverte par Islamabad d’une diplomatie américaine parallèle traitant directement avec certains leaders talibans afghans.

Désormais, le CDP et une large partie de la population ne veut plus entendre parler de coopération avec l’Amérique. Le discours d’Hafiz Saeed ne laisse guère de doutes quant à sa volonté de négocier :« Si les Etats-Unis quittent l’Afghanistan, qu’ils cessent les attaques de drones au Pakistan, que la CIA et les autres agences cessent de soutenir l’Inde et acceptent le rôle de notre pays dans le dialogue avec les talibans, alors nous pourrons nous asseoir autour d’une table et commencer à négocier. »

Le soutien de l’armée

Bon nombre d’officiers parmi l’armée régulière pakistanaise adhèrent à ce discours. Dans un pays où l’emprise du pouvoir militaire est très forte, un appui de l’armée constitue un relais précieux pour diffuser les idées du CDP. Désormais, les idéologues du mouvement débattent en direct à la télévision, axant leur propos autour du rejet de l’Inde et des Etats-Unis.

Amir Rana considère que si la présence de nouvelles voix dans les médias ne peut être que bénéfique, les idées prônées par le CDP n’en restent pas moins contre-productives : « Toute la tragédie de cette histoire, c’est la capacité du CDP à rassembler sans rien proposer et sans chercher à expliquer la réalité de la situation. »

Islamabad ferme les yeux

Au sommet de l’Etat pakistanais, pas question de s’opposer ouvertement au CDP. Pour une administration peinant à s’imposer sur  son propre territoire, se mettre à dos une organisation populaire bénéficiant d’un large soutien reviendrait à se tirer une balle dans le pied. D’autant que l’implantation du CDP dans les rues du pays peut constituer une arme insoupçonnée.

Très ironiquement, la présence visible d’activistes islamistes sur son territoire donne à Islamabad une carte supplémentaire dans ses relations diplomatiques avec les Etats-Unis. En rappelant la présence de foyers terroristes potentiels, le Pakistan peut pousser Washington au compromis en laissant entendre qu’une baisse des financements amènerait une recrudescence de l’islam radical sur son territoire.

Un feu de paille ?

Pourtant, l’histoire joue en faveur de l’Amérique. Par le passé, toutes les tentatives d’unification des mouvements anti-occidentaux se sont soldées par des échecs. En 2002, l’alliance Muttahida Majlis-e-Amal avait regroupé de nombreuses organisations islamistes avant d’imploser du fait de tensions internes. Certains n’hésitent pas à prédire le même avenir au CDP. Une hypothèse dont Hafiz Saeed ne veut pas entendre parler :« Nous promettons de poursuivre le mouvement », lance-t-il a une assemblée unie dans la colère. Pour combien de temps ?

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