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L’Europe excédée, la Grèce acculée

[image:1,l]Jeudi 9 février, Evangélos Venizélos, le ministre des Finances grec, est arrivé confiant à Bruxelles pour la réunion de l’Eurogroupe. Aux termes de négociations marathons, le Premier ministre Lucas Papademos avait obtenu le feu vert des chefs des trois partis de sa coalition gouvernementale : le socialiste Georges Papandréou, le conservateur Antonis Samaras et le leader d’extrême-droite Georges Karatzaféris.

L’accord avait été scellé tard la veille et confirmé dans la matinée : le salaire minimum baissera de 20 à 22 %, à environ 500 euros, les retraites supplémentaires subiront des coupes de 15 % et 15 000 emplois seront supprimés dans le secteur public. Vues d’Athènes, ces mesures, qui respectent la feuille de route élaborée conjointement avec la « troïka » – les représentants de l’UE, de la BCE et du FMI, principaux créanciers – devaient suffire au déblocage d’une aide supplémentaire de 130 milliards d’euros, cruciale pour éviter le défaut de paiement, la faillite de la Grèce.  

La zone euro lance un nouvel ultimatum de six jours à la Grèce

L’optimisme d’Evangélos Venizélos a été de courte durée. Au cours de cette réunion de l’Eurogroupe, les ministres des Finances de la zone euro ont donné six jours à la Grèce pour répondre à plusieurs exigences, avant de pouvoir délier les cordons de la bourse et accorder à Athènes l’aide escomptée. 
« En dépit des progrès importants réalisés ces derniers jours, nous n’avons pas eu tous les éléments nécessaires sur la table pour prendre des décisions » dans l’immédiat, a déclaré le président de l’Eurogroupe et premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker.

Une nouvelle réunion de cette instance est prévue le mercredi 15 février pour approuver le nouveau programme d’aide de 130 milliards d’euros promis à la Grèce par l’Europe en octobre, ainsi qu’un plan d’effacement de dette par les banques d’une ampleur historique au niveau mondial. Sous réserve que les conditions posées soient remplies.

325 millions d’économies et l’engagement écrit des partis

Ces conditions sont multiples. D’abord, d’ici là, a averti Jean-Claude Juncker, le Parlement grec va devoir approuver, dès dimanche 12 février, le plan de rigueur sur lequel les partis politiques grecs et les représentants des créanciers publics du pays se sont mis d’accord jeudi. Compte tenu de la situation politique à Athènes et des divergences observées entre les leaders de la coalition gouvernementale, seul un vote formel du Parlement peut apparaître comme une garantie suffisante engageant le pays.
En outre, le gouvernement grec a jusqu’à mercredi prochain pour trouver « des économies supplémentaires à hauteur de 325 millions d’euros » dans le budget  2012. La zone euro exige aussi que les partis de la coalition au pouvoir apportent des garanties par écrit sur leur soutien au plan de rigueur.

La patience de l’Europe est à bout

La patience des pays de la zone euro est à bout face à la lenteur des réformes en Grèce. Jean-Claude Juncker a insisté sur la nécessité pour Athènes, au-delà des promesses, de mettre en œuvre les réformes promises : « Nous voulons de fortes garanties politiques (et) des engagements réels » sur les réformes qui sont menées, a-t-il prévenu. Vendredi 10 février, dans la matinée, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a estimé que les engagements pris à ce jour par la Grèce ne suffiraient pas à ramener sa dette publique à un niveau jugé soutenable.

L’intérêt national menacé par les petits jeux politiques

Le ministre grec des Finances, le socialiste Evangélos Venizélos, a reconnu à la fin de la réunion de Bruxelles que « de nombreux pays ont trouvé des lacunes » dans le plan de rigueur qui leur a été présenté, et en a tenu responsable le chef des conservateurs grecs, Antonis Samaras, qui « n’a pas encore signé » l’intégralité des mesures prévues à l’origine. Les 325 millions d’euros d’économies réclamés par les partenaires  d’Athènes d’ici mercredi correspondent à des coupes dans les dépenses refusées tout particulièrement par la Nouvelle Démocratie, le parti de Samaras. A Athènes, ce dernier s’est prévalu d’avoir « évité le pire » en bloquant toute une série de mesures de rigueur réclamées par l’UE et le Fonds monétaire international.

La réalité est des plus prosaïques. Formé en novembre dernier, le gouvernement de Lucas Papadémos, fruit d’une coalition de circonstance réunissant les socialistes du Pasok, la droite modérée de la Nouvelle Démocratie et l’extrême droite de L’Alerte populaire orthodoxe (LAOS), n’aura qu’une durée de vie limitée. Les prochaines élections, en avril 2012, approchent et la perspective d’une campagne électorale mine la solidarité gouvernementale. Favori des sondages, la Nouvelle Démocratie cherche à se démarquer de ses partenaires.

Des mesures d’austérité de trop, une grève générale de plus

« Non aux licenciements! Non aux baisses de salaires! Ne vous résignez pas. Résistez! », scandaient, ce matin, vendredi 10 février, plusieurs milliers de manifestants sur la place Syntagma, au cœur d’Athènes. « Les capitalistes doivent payer ! », hurlaient des dockers aux abords du port du Pirée. Comme en juin et octobre 2011, la Grèce a entamé une grève générale de 48 heures contre le nouveau plan d’austérité réclamé par l’UE et le FMI. Trois jours après un mouvement similaire, la capitale était de nouveau paralysée par les débrayages dans les transports en commun, le déploiement policier et le fonctionnement au ralenti des services publics.

Soulèvement, coup d’Etat, faillite : de sombres hypothèses

Pour de nombreux Grecs, appauvris par cinq années consécutives de récession, dans un pays où un actif sur cinq est au chômage, où les magasins ferment les uns après les autres, ces nouvelles mesures d’austérité sont la goutte d’eau de trop. De plus en plus, des voix s’élèvent appelant le peuple à prendre les choses en main. Le parti communiste KKE, dont les militants descendent en masse dans les rues, appelle désormais clairement au « soulèvement » pour précipiter des élections. Et, dans ce pays, on s’interroge toujours, en songeant à l’histoire, au rôle que pourrait jouer l’armée et les militaires

La véritable épreuve sociale se jouera dimanche 12 février, quand les contestataires de tous bords sont appelés à affluer devant le Parlement, censé pour sa part avaliser dans la nuit ou lundi le programme économique du pays dicté par les créanciers. Une situation en apparence inextricable alors que, pour la première fois, le week-end dernier, Jean-Claude Juncker envisageait l’éventualité d’une faillite de la Grèce dès le mois de mars.

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