Site icon La Revue Internationale

L’île de Zanzibar dit halte aux festivaliers

[image:1,l]La chaleur est étouffante, la musique résonne et les boissons coulent à flots dans l’enceinte du fort de Stone Town, vieux de 400 ans. Le festival de musique Sauti za Busara de l’île de Zanzibar a commencé.


Un festival dans un site classé par l’Unesco


Considéré comme le plus grand festival musical annuel d’Afrique orientale, Sauti za Busara (« Voix de la Sagesse » en swahili) est un évènement de quatre jours qui attire des milliers de touristes dans les rues étroites et sinueuses de la capitale de Zanzibar. Il se déroule dans le vieux fort de la ville, construit au XVIIe siècle par les sultans d’Oman et classé au Patrimoine mondial de l’Unesco.


Les plus grands artistes d’Afrique se retrouvent


« Musique africaine sous un ciel africain » est le slogan de cette neuvième édition du festival.


Mélange éclectique et électrique d’artistes venus de tout le continent, Sauti za Busara a accueilli cette année une vingtaine de groupes de Tanzanie ou de Zanzibar et une autre vingtaine d’artistes venus de différents pays d’Afrique.


De la musique Tarab aux accents arabiques de Bi Kidule, qui a commencé sa carrière dans les années 20 et est devenue une véritable légende sur l’île, aux rythmes de rumba du groupe kényan Super Mazembe et à la musique soudanaise traditionnelle du groupe Camirata, le festival s’est transformé, comme à son habitude, en une explosion de percussions entraînantes.


Mais parmi ces nombreux talents, la foule a élu son favori en la personne de Nneka, la superstar nigériane de hi-hop, qui a réussi à enflammer le fort de Stone Town une grande partie de la nuit, à grand renfort de commentaires politiques et de tubes de son dernier album Soul is Heavy.


Pas question d’oublier non plus les performances de Leo Mkanyia et son blues en swahili, ni Chebli Msaidie des Comores, et la star de hip-hop africaine Tumi & The Volume.


Le festival de la culture swahilie


Sauti za Busara a réussi à devenir un évènement culturel incontournable. Néanmoins, son avenir est compromis.


En 2009, Busara Promotions, l’organisation à but non lucratif qui a lancé le festival avec mission de « promouvoir et développer la musique et les artistes de la région est-africaine », a été critiquée pour s’éloigner de ses racines et se transformer en festival « de la promotion de la culture swahilie ». Pour de nombreux observateurs, le festival avait perdu de vue ses objectifs et était désormais à la merci des exigences de ses donateurs.


Depuis, il semble que le festival soit devenu plus soucieux de son image de marque et de son spectre musical, transformant son objectif premier pour « rapprocher les gens et célébrer la richesse et la diversité de la musique africaine. » En d’autres termes, la musique swahilie n’est plus la grande star du festival.


Sauti za Busara est en danger


Depuis, l’intérêt des donateurs et donc le financement du festival est devenu un sujet épineux.


Le président tanzanien, Jakaya Kikwete, déclarait en 2010 que le festival apportait « un coup de pouce important pour l’économie locale », citant les chiffres en augmentation du tourisme à Zanzibar pour le mois de février, « plus de 400 % depuis le début du festival. »


« Le festival intéresse les jeunes à la culture locale, donne des opportunités aux artistes et aux professionnels de la musique de rencontrer et d’apprendre les uns des autres, garde les traditions vivantes, crée de l’emploi pour la population locale et fait la promotion de Zanzibar par un modèle de tourisme responsable qui honore et respecte la culture locale », explique Yusuf Mahmoud, le directeur du festival.


Malgré l’indéniable flambée du tourisme – les hôtels sont tous complets et les bars ne désemplissent pas pendant plusieurs jours – le soutien local et les financements se sont amoindris au cours de ces dernières années.


« C’est de plus en plus difficile, particulièrement depuis deux ans, d’obtenir des aides financières de donateurs internationaux », ajoute Yusuf Mahmoud interrogé par Voice of America. « C’est aussi difficile d’obtenir de l’aide des entreprises locales. » Pourtant, la vente des billets d’entrée ne couvre que 20 % des coûts de l’opération.


Entre tourisme et traditions


Le manque d’investissement international peut être expliqué par la récession économique mondiale, qui affecte fortement le financement des arts et de la culture.


Il est également simple, en regardant le festival de plus près, de comprendre pourquoi les supports locaux se sont affaiblis. La plupart des participants au Sauti za Busara sont de jeunes étrangers qui, comme pour chaque festival international de musique, sont plus intéressés par l’alcool et la fête que par la culture locale.


Alors que la pierre angulaire de l’économie de Zanzibar est le tourisme, l’île reste ancrée dans un islam très conservateur. Les locaux  préfèreraient certainement de gentils mariés en lune de miel plutôt que des fêtards bruyants.


Pour chaque édition, les morceaux musicaux interprétés sont soigneusement étudiés par le conseil local, afin de s’assurer que les paroles et la musique sont culturellement acceptables.


Même si le succès grandissant du festival a légèrement contribué à résoudre une part des problèmes financiers, certaines rumeurs circulent selon lesquelles le festival pourrait trouver refuge dans une des principales villes de Tanzanie, Dar es Salam, dès l’année prochaine. Une transition qui changerait radicalement la nature de l’évènement. Un festival international de musique dans un paradis du patrimoine mondial est bien plus attirant pour les donateurs et les touristes qu’une ville africaine congestionnée.


Global Post/Adaptation Sybille de larocque – JOL Press

Quitter la version mobile