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Opération Blitzkrieg: Anonymous cible les néonazis

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[image: 2,l] Uwe Mundlos et Uwe Böhnhardt sont les meurtriers présumés de neuf immigrés d’origine turque assassinés entre 2000 et 2006 en Allemagne. Membres du groupe terroriste néonazi Nationalsozialistischer Untergrund (Mouvement national-socialiste clandestin, NSU), ils se sont suicidés en novembre 2011, après un braquage ayant mal tourné. Dans l’appartement où ils vivaient, la police a retrouvé un DVD dans lequel les deux skinheads se vantaient de leurs crimes racistes. La presse n’a pas tardé à surnommer l’affaire « Le massacre des vendeurs de kebabs », car certains meurtres ont été commis dans des sandwicheries de kebabs et deux des victimes étaient des vendeurs de kebabs.

Le Parti national-démocrate, vivier d’espions et de néonazis

[image: 1, s] Face à ces révélations, plusieurs personnalités politiques ont demandé la fermeture du Parti national-démocrate (NPD), qui siège pourtant aux parlements régionaux des länders de Saxe, Brandebourg, Brême et Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, ce qui fait de ce parti d’extrême droite, notoiremment raciste et révisionniste, un groupe politique légal.

En 2002, une tentative d’interdiction du parti avait déjà échoué. La Cour constitutionnelle allemande avait rejeté la demande, qui émanait pourtant du gouvernement et des deux assemblées fédérales, Bundestag et Bundesrat. Motif invoqué : nombres d’informateurs de la police font partie des hauts rangs du parti. Selon le magazine Der Spiegel, le service de renseignement allemand (BND) compterait 130 espions infiltrés dans le Parti national-démocrate. Outre le problème de savoir si supprimer le parti est légal, plusieurs analystes affirment que sa fermeture ferait immédiatement plonger les réseaux néonazis dans la clandestinité : « C’est pourquoi beaucoup sont contre l’idée de supprimer le NPD. C’est plus facile de surveiller les néonazis s’ils restent dans la légalité. Si on les pousse à la clandestinité, ils deviendront beaucoup plus dangereux », analyse Meinhard Starostik, un avocat spécialiste des droits civiques et constitutionnels de Berlin. 

Les Anonymous, vengeurs masqués

Puisque ni la police, ni la justice, ni les politiciens ne semblent en mesure d’agir rapidement et efficacement, les Anonymous ont décidé d’agir. Après en avoir fait trembler plus d’un  aux États-Unis, au Mexique, en France ou au Royaume-Uni, le collectif Anonymous n’avait pas encore fait beaucoup parler de lui en Allemagne. Leur riposte est arrivée. Devant ces crimes raciaux, les justiciers du Web ont repliqué en piratant les sites des néonazis, les mettant hors service pendant un moment, et en élaborant le site Nazi-leaks.com, où ils dévoilent l’identité des personnes ayant un lien avec le Parti national-démocrate ainsi que la liste des donateurs du parti.

Leur action ne fait pas l’unanimité dans leur rang : « Les soi-disant néonazis ne font pas partie des 1 % de l’élite mondiale, pourquoi sont-ils attaqués ? », peut-on lire sur le site. D’autres approuvent :« On n’a jamais tort si on se bat contre les nazis ». Mais les activistes ont tout de même soulevé des inquiétudes sur la divulgation d’informations concernant les personnes présentes sur les fichiers des donateurs du parti d’extrême droite. Les clients de la marque de vêtements allemands Thor Steiner, qui est souvent associée avec les groupes néonazis, ne sont pas forcément des néonazis. « Le plus gros problème c’est que certaines de ces personnes ne sont plus des néonazis (moi) », a écrit un visiteur sur le site des Anonymous.

L’opération Blitzkrieg a-t-elle été trop loin ?

Certains pensent que la police devrait combattre les extrémistes avec des moyens plus sophistiqués.  « La police sous-estime grandement le gang néonazi (NSU), le gouvernement doit comprendre combien ils sont dangereux. Les autorités ont les moyens de les pister, de pirater leurs téléphones. Ils savaient ou ils se trouvaient, mais ils ne sont pas allés les chercher », a dénoncé l’avocat Meinhard Starostik.

Anetta Kahane, fondatrice du forum contre le néonazisme sur Internet netz-gegen-nazis.de, s’avoue inquiète de la forte présence de l’extrême droite sur le Web. Elle s’efforce d’alerter les jeunes sur les dangers du racisme à travers les réseaux sociaux. Mais elle estime pourtant les agissements des Anonymous préoccupants : « Bien sûr, ils ont le droit de combattre les nazis et de pirater leurs sites, mais vous devez toujours être conscient que vous fait partie de la société et que vous êtes responsable. Même si les informations concernent sûrement des néonazis, ce n’est pas la bonne façon d’opérer. Je ne veux pas savoir où ces personnes vivent et je n’aimerais pas voir des gens aller chez eux. Quelle est la limite avec ces façons de faire ? Quelles autres adresses décideront-ils de mettre en ligne ? Tout cela commence à mal tourner ».

Comme le justement Florian Kroeckel, 32 ans, victime de violences néonazis dans sa ville natale de Halberstadt, dans l’est de l’Allemagne : « Ce sont des abrutis, mais ils ont toujours des droits ».

Global Post/Adaptation Sabrina Alili pour JOL Press

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