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Perpétuité pour Duch, l’ancien tortionnaire khmer rouge

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[image:1,l] L’ancien directeur de la prison de Tuol Sleng, Kaing Guek Eav, plus couramment appelé « Duch », vient d’être condamné à la prison à perpétuité par une décision de la chambre de la Cour suprême, vendredi 3 février 2012.

Ce pilier du régime a vu son procès s’ouvrir trente ans après la chute des Khmers rouges, et il a été le premier responsable du régime communiste à rendre compte de ses actes face à un tribunal international. Accusé de « crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de meurtres avec préméditation, » Duch avait écopé de 30 ans de prison en juillet 2010. Cette peine avait été réduite à 19 ans en raison des années qu’il avait déjà passé en détention militaire. Il reste, pour le moment, le seul responsable khmer à avoir été condamné.

Victimes d’un régime voulant éradiquer la culture « bourgeoise, » 1,7 millions de Cambodgiens, soit près de 20% de la population, ont perdu la vie de la main des Khmers rouges. Motivé par le programme d’uniformisation de la population, le régime de Pol Pot s’est appliqué entre 1975 et 1979 à restaurer la grandeur historique de la race khmère en éradiquant les minorités nationales, jugées comme non récupérables par le Parti communiste.

« Duch », le bourreau du régime des Khmers rouges

[image:2,s,h]« Méchant ou cruel, je ne sais pas quel sens donner à ces mots. Méchanceté ou cruauté sont hors idéologie. J’étais doux et rigoureux, en tant que cadre du parti, » assure Kaing Guek Eav, dit Duch, 68 ans, face à la caméra de Rithy Panh. Ce serait donc sans méchanceté que l’ancien dirigeant du camp-prison S21 programmait les exécutions de masse, faisait disparaître les cadavres et torturait les 17 000 prisonniers cambodgiens incarcérés dans ce centre où marchait à plein la machine de mort khmère. A le regarder, rien ne laissait pourtant imaginer que derrière son masque de professeur de mathématique, se cachait un tel bourreau, exécuteur en chef de l’un des régimes les plus sanglants que la terre ait connu.

On le disait parfois « angoissé » à l’idée de bien remplir ses missions lorsque, jeune fonctionnaire, Duch dirigeait le camp de rééducation M-13, perdu dans la jungle. Mais en quelques mois, l’ancien professeur a su gagner la confiance des dirigeants du parti en se montrant un cadre zélé. « L’industrie se passe ainsi, on considère leur vie comme un déchet, » confie-til, conscient de la déshumanisation des prisonniers qu’il a accueilli entre 1976 et 1979 au sein de la prison S21. Son avocat français explique qu’il a « déjà demandé pardon à ses victimes » et qu’il est aujourd’hui « désireux de s’expliquer devant elles et l’opinion. Il s’est depuis engagé dans la reconnaissance de cette humanité. »

Des procès retardés

Cela faisait en effet de nombreux mois qu’un juge d’instruction étranger attendait d’être nommé au tribunal pour les Khmers rouges par les autorités cambodgiennes. De nombreux mois que l’ancien juge allemand, Siegfried Blunk, avait quitté la Chambre extraordinaire au sein des Tribunaux Cambodgiens (CETC), parrainée par l’ONU, en signe de protestation, dénonçant les pressions du gouvernement. Le porte-parole de Ban Ki-moon assurait que « les Nations Unies avaient, depuis, fait tous les efforts possibles pour assurer la nomination du [nouveau] juge. » Mais le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) de Phnom Penh n’avait donné aucune information laissant à penser qu’une avancée prochaine était possible sur ce dossier et laissait planer le doute quant à la suite des procès. Hun Sen, Premier ministre cambodgien et ex-cadre Khmer rouge qui avait décidé de se retourner contre le régime, s’était opposé à la tenue des procès des trois responsables du régime encore vivants. Pol Pot, lui, est décédé en 1998.

En tête à tête avec le bourreau

Le cinéaste cambodgien Rithy Panh n’était qu’un enfant lorsque le régime de Pol Pot s’est imposé au Cambodge. Chassé de Phnom Penh par les Khmers, il a fui vers la France en 1979 et entame des études de cinéma en 1985 avant de sortir son premier film sur un camp de réfugiés en Thaïlande, « Site 2 », en 1989. En 2003, le réalisateur revisite l’histoire de son pays à travers le documentaire « S21, la machine de la mort khmère rouge », cette structure des forces de sécurité du régime, dirigé par Duch, où sont morts tant de cambodgiens. Cette année, le cinéaste s’est confronté directement au bourreau dans « Duch, le maître des forges de l’enfer » et poursuit son travail de mémoire. Isolé, dans sa cellule, Rithy Panh examine les expressions de Duch sans jamais entrer en contact avec lui. 

 > Sortie en France le mercredi 18 janvier 2012

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