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Reagan ou Obama : qui est le vrai champion de la relance ?

[image:1,l] 1981.  Jimmy Carter confie le bureau ovale à Ronald Reagan. Après avoir hérité d’une économie moribonde, celui-ci parvient à lui redonner un second souffle en engageant une série de réformes que l’histoire retiendra sous le nom de « Reaganomics ». En réduisant les budgets de tous les programmes étatiques et en limitant les impôts pour les riches et les entreprises, Reagan espère bénéficier d’un « effet de ruissellement » qui profiterait aux classes moins aisées. Antithèse de l’État-providence, l’Amérique des années 1980 symbolise le capitalisme triomphant et le règne du dollar.

Reagan quitte le pouvoir en laissant les États-Unis victorieux d’une URSS ruinée. La postérité retiendra de lui sa capacité à sortir de la crise économique et le coup final porté au communisme.

2009. Barack Obama arrive à la Maison-Blanche. À peine au pouvoir, il subit de plein fouet l’une des pires crises financières depuis 1929. Englué dans deux guerres et handicapé par une conjoncture économique particulièrement défavorable, il parvient à éviter la dégringolade économique et à relancer petit à petit la croissance. Il réforme le système de santé du pays et tente d’enrayer la dérégulation financière en injectant des centaines de milliards de dollars dans l’économie.

Sa troisième année s’achève sur un bilan contrasté où le fort taux de chômage et la perte du triple A font figure de boulets.

Sur le ring, qui remporte la médaille ?

Au niveau de la croissance, tout semble indiquer une victoire écrasante de Reagan. Le timide taux de croissance de 1,7 % de 2011 n’a rien à voir avec les 7,2 % obtenus par Reagan lors de la deuxième année de relance économique.

La bataille serait-elle gagnée d’avance par les « Reaganomics » ? Pas si simple. Car les deux présidents n’ont pas hérité de la même crise. Si tous deux étaient face à une récession, la situation était bien pire pour Obama En 1982, Reagan peut compter sur une hausse de l’immobilier. Ignorant la crise, les prix du logement augmentent, faisant circuler de plus grosses sommes d’argent et alimentant ainsi la croissance à hauteur de 1,3 % en 1983 et de 0,6 % en 1984.Les sceptiques pourront rétorquer que même en soustrayant les 0,6 % de croissance liés à l’immobilier, il reste 6,6 % de croissance à mettre au crédit de Reagan. Ce qui est indéniablement plus élevé que 1,7 % en 2011.

Certes. Mais Obama dispose d’une deuxième excuse pour relativiser son bilan. Méfiants vis-à-vis des banques et peu confiants en l’avenir, les Américains ont réduit leur utilisation de crédits à la consommation après 2008. Conséquence directe de la crise des subprimes, ce phénomène nouveau limite les sommes d’argent injectées dans l’économie américaine. Une situation que n’a pas connue Reagan : même au plus fort de la crise de 1981, les sommes d’argent empruntées n’avaient jamais cessé d’augmenter.

Il convient également de rappeler que Barack Obama arrive à la présidence début 2009 alors que le choc des subprimes a déjà fissuré les bases de l’économie américaine. Il entre à la Maison-Blanche sans être responsable de l’état critique de l’économie. Reagan, de son côté, fait face à une situation qu’il a contribué à créer. La relance de l’économie n’intervient qu’après deux ans et demi de mandat où la crise n’a eu de cesse de s’aggraver. Enfin, politiquement parlant, Obama n’est pas gâté. Avec un Sénat dominé par les républicains, une large partie des réformes engagées a été bloquée avant même d’être essayée.

Que déduire de ces comparaisons ?

En terme de croissance pure, la relance de 1983 est supérieure à la timide embellie actuelle de l’économie américaine. Mathématiquement, c’est indéniable. Malgré tout, un contexte particulièrement défavorable à Barack Obama permet de relativiser ce constat, voire de lui retirer tout son sens.

L’Amérique de Reagan, puis de Bush a financé sa croissance au prix d’une augmentation du déficit public d’année en année. La dette colossale qu’ont accumulé les États-Unis en 2000 est un héritage empoisonné qui a permis de gagner la guerre froide, mais qui pèse à présent lourdement sur la balance.

La croissance reaganienne a offert à l’Amérique un triomphe économique international au prix d’une baisse des budgets de l’éducation, des services sociaux, de plusieurs pics de chômage et de l’arrêt du financement de logements pour les plus pauvres. En augmentant de 40 % le budget de l’armée, Reagan a également forcé ses successeurs à entretenir du matériel très coûteux.

Cette croissance acquise en faisant le sacrifice d’une politique sociale interne a atteint son objectif en venant à bout de l’URSS. Pendant une décennie, le niveau de vie des Américains a été mis entre parenthèses pour favoriser la croissance et la compétitivité.

Des priorités inversées

En 2012, la situation s’est inversée. Le retard accumulé en matière sociale et l’impact de la crise sur la vie de la population américaine ont rendu nécessaires des réformes, même au prix de la croissance.

Les réformes de la finance et de la santé sont chères. Réinjecter 700 milliards dans l’économie américaine ou offrir une couverture santé à plusieurs centaines de millions de personnes sont des mesures difficilement compatibles avec une croissance montant en flèche.

Sans doute Reagan est-il le vrai champion de la relance. C’est ce que disent les chiffres. Mais les sacrifices consentis pour obtenir la précieuse croissance ont obligé ses successeurs à trouver des solutions aux problèmes qu’il s’est refusé à aborder. 

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