Site icon La Revue Internationale

Un mémorial pour les victimes de la «Terreur Rouge»

derg_victims.jpgderg_victims.jpg

[image:1,l] Sur les 83 millions de personnes vivant en Ethiopie aujourd’hui, plus de la moitié n’étaient pas nées en 1991, lorsque le dictateur Mengistu a finalement quitté le pouvoir.

Une dictature stalinienne en Afrique

[image:2,n,c]L’histoire commence en 1974. Une junte militaire, le Derg, renverse l’empereur Hailé Selassié et transforme rapidement le pays en dictature stalinienne, une des plus brutales du XXe siècle. Les atrocités commises pendant la période dite de la « Terreur rouge » (1977-1979) ont trouvé leur place dans un musée installé à Addis-Abeba.

Le mémorial de la « Terreur Rouge » (Red Terror Martyrs Memorial Museum), installé dans un bâtiment gris, est frappant de modernité au cœur de la capitale, juste à côté de la place Meskel, la vaste esplanade où le lieutenant Mengistu Haile Mariam jeta en 1977 des bouteilles de ce qui apparaissait comme du sang sur le sol, un signe avant-coureur de l’horreur qui allait bientôt être déclenchée par « le boucher d’Addis ».

Décrire la « Terreur rouge »

A travers de nombreuses photos en noir et blanc et de simples légendes (en amharique et en anglais), le musée explique l’histoire de cette terreur menée par la police secrète de Mengistu Haile Mariam.

Une image particulièrement frappante montre Hailé Selassié bousculé dans une voiture qui le mène dans une prison militaire, fin humiliante pour un chef flamboyant.<!–jolstore–>

D’autres encore montrent les tanks circuler dans les rues de la capitale, des soldats au visage sinistre ratisser les quartiers pour trouver les ennemis du nouveau régime, leurs victimes étalées dans les rues, des corps en décomposition. Amnesty International a estimé que la « Terreur rouge » avait fait près de 500 000 morts.

L’Ethiopie torturée

Plus stupéfiant que le nombre de morts, la brutalité employée par le régime contre ses opposants. Des cordes, utilisées pour étrangler lentement les victimes et des tenailles pour mutiler les corps. Plus loin, une sorte de machine qui servait à bloquer les victimes pendant que leurs pieds étaient brisés en mille morceaux.

Des photographies de centaines de personnes, ceux qui étaient considérés comme ennemis de l’Etat, tapissent les murs. Photographiés pendant les jours heureux, ils semblent pensifs, calmes et dignes.

La salle la plus effrayante du musée apporte la preuve en image de la terreur : des crânes et des os, déterrés des fosses communes. Des vêtements encore tâchés du sang des victimes ressuscitent leurs souffrances.

Les victimes réclament justice

[image:3,s]Le gouvernement éthiopien a gracieusement offert le terrain sur lequel est installé le musée, des donateurs privés ont financé sa construction. De très nombreux visiteurs, notamment de jeunes écoliers ou étudiants sont venus au musée depuis son ouverture, en mars 2010.

Le guide anglophone qui était sur place lors de mon passage m’a raconté avoir passé huit ans dans les prisons du Derg, entassé dans une cellule minuscule avec d’autres détenus. A sa façon de décrire l’horreur de l’époque, c’est comme si tout s’était déroulé hier.

Et c’est vrai, l’histoire des victimes n’est pas terminée. Bien que la Cour suprême d’Ethiopie ait condamnée Mengistu à la peine de mort en mai 2008 (lors d’un jugement par contumace), celui-ci continue à vivre librement au Zimbabwe, où Robert Mugabe lui a accordé l’asile depuis qu’il s’est échappé d’Ethiopie, il y a 21 ans.

Notre guide parle au nom des autres victimes et réclame la justice, mais il insiste pour affirmer que personne ne cherche à se venger. Le musée de la « Terreur rouge » est construit afin de montrer ce qu’il s’est passé, pour que plus jamais, en Ethiopie comme ailleurs, ce cauchemar ne se reproduise. Les fantômes de la violence passée hanteront encore pour longtemps ce lieu de mémoire au message saisissant…

Quitter la version mobile