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Crimes de guerre en Libye : l’ONU dénonce

[image:1,l]Les deux parties en conflit lors du soulèvement libyen sont coupables de crimes de guerre, de violations des droits de l’homme et de crimes contre l’humanité, selon un rapport de l’ONU qui devrait être rendu public vendredi 9 mars.

Les combattants rebelles poursuivent leur révolution

Les forces du régime de Kadhafi, tout comme les combattants révolutionnaires, sont coupables de meurtres, d’actes de torture, d’arrestations arbitraires, de disparitions forcées et de très nombreuses attaques dans des zones civiles, selon un rapport de la commission internationale d’enquête sur la Libye.

Les violences toujours perpétrées par les anciens rebelles dans un « climat d’impunité » sont fortement visées par ce rapport. « La commission constate que les autorités ne parviennent toujours pas à contrôler les thowars (forces révolutionnaires) qui commettent de nombreuses exécutions extrajudiciaires et arrestations arbitraires », selon le rapport.

La Commission conclut également qu’à sa connaissance, aucune enquête n’a été menée concernant les crimes perpétrés par les anciens combattants rebelles et aucune arrestation n’a été enregistrée.

L’heure est à la reconstruction, pas à la vengeance

Le coordinateur judiciaire du Conseil national de transition (CNT), Jamal Bennor, estime pour sa part que l’heure n’est pas encore à la justice pour ces anciens rebelles. « Nous semblons peut-être ignorer ces crimes, mais cela ne veut pas dire que nous avons amnistié les coupables », déclare-t-il.

Pourtant, bien que quelques dossiers soient ouverts contre d’anciens rebelles à Benghazi et Tripoli, pour Jamal Bennor, il est difficile de traiter avec les comités de sécurité et les groupes rebelles en dehors des grandes villes. Il y a une véritable sympathie du peuple envers ces forces rebelles, de nombreux membres sont considérés comme des héros.

Pour lui, il est donc crucial d’établir en priorité une force de sécurité, un gouvernement ministériel et une nouvelle Constitution avant de se lancer dans la course des arrestations. « Après cela, des enquêtes seront menées et les coupables devront être traduits en justice. »

En finir avec l’ère Kadhafi

Pendant ce temps, le système judiciaire libyen se reconstruit lentement, depuis l’effondrement de l’ancien régime. En son absence, les crimes restent impunis et un cercle vicieux de revanche perdure, compliquant ainsi cet équilibre délicat du pouvoir entre le nouveau gouvernement et les milices armées.

Le rapport de l’ONU exhorte les autorités à « rompre avec l’héritage de Kadhafi en renforçant l’application de la loi, en enquêtant sur tous les abus, indépendamment de l’auteur, et en veillant à ce que le processus d’amnistie s’accorde avec les obligations de la Libye envers les lois internationales ».

Bien que ce rapport brosse un sombre tableau de la Libye actuelle, la commission reconnaît que les atrocités commises doivent être observées dans le contexte de la violence héritée de l’ancien régime. Les nouveaux dirigeants affrontent désormais le défi de la reconstruction d’un pays « sans institutions indépendantes, sans partis politiques et sans système judiciaire capable de garantir justice et réparation ».

L’affaire des mercenaires

Depuis les premiers jours de la révolution, les médias et les combattants rebelles ont affirmé que Mouammar Kadhafi avait utilisé les services de troupes de mercenaires venues de plusieurs pays d’Afrique, dont le Tchad, le Soudan et la Mauritanie pour réprimer la révolution. Cette allégation, ainsi que celles, non-confirmées, de viols collectifs effectués principalement par des combattants volontaires de la ville de Tawergha, ont alimenté un sentiment de haine et de vengeance contre la communauté noire de Libye.

Le rapport indique que les assassinats systématiques et généralisés, les arrestations et tortures des habitants de Tawergha par les milices de Misrata ainsi que la destruction, sans motif, de leur ville, pourrait être considéré comme un crime contre l’humanité.

Depuis les premiers jours du conflit, Majid Alfituri, combattant rebelle, se bat contre le meurtre de prisonniers. La profonde colère contre les combattants mercenaires, et finalement contre les prisonniers noirs, a conduit la plupart du temps à des exécutions directes. Pour lui, tuer les prisonniers ne sert à rien. Pas de critères moraux derrière ce raisonnement, juste de la logique. Si les prisonniers disparaissent, les preuves de l’existence des mercenaires de Kadhafi disparaissent également.

De son côté, la Commission n’a jamais trouvé la preuve de l’existence de ces forces mercenaires. Elle a en revanche confirmé que les troupes de Kadhafi avaient effectivement utilisé les violences sexuelles pour torturer, terroriser et punir. Ces violences incluent l’utilisation du viol, sur les femmes comme sur les hommes, dans leur propre maison, après les avoir kidnappés ou encore en détention.

Les forces de Kadhafi sont également coupables d’avoir utilisé des armes illégales, comme des bombes à fragmentation ou encore des mines antipersonnel. Sur un autre plan, la commission indique que si les forces du régime ont procédé à des vols à « petite échelle », elle accuse les combattants rebelles de « pillage généralisé » et de « destruction de biens publics et privés ».

La mort de Kadhafi

La commission de l’ONU a longuement examiné l’épisode de la capture et de la mort de Mouammar Kadhafi ainsi que celle de son fils Mouatassim, tous deux arrêtés par les forces révolutionnaires alors qu’ils essayaient de fuir Syrte, le 20 octobre dernier. Bien que des vidéos prouvent que les deux hommes étaient en vie lorsqu’ils ont été capturés, la commission s’est révélée incapable de confirmer leur mort « illégale ».

Depuis sa cellule de Misrata, le colonel Mansour Daw, chef de la sécurité de Kadhafi, confirme que celui-ci ne souffrait que de blessures légères au moment de sa capture.

Mansour Daw faisait partie du cercle très proche de Kadhafi pendant le siège de Syrte, lorsqu’ils devaient changer d’abri tous les deux jours, se cachant dans des maisons abandonnées alors que les bombes tombaient tout autour d’eux.

Mouammar Kadhafi aurait refusé de quitter la ville, expliquant : « Je veux mourir ici. C’est ma maison. Je ne me rendrai pas à la Cour pénale internationale. »

Alors qu’ils fuyaient dans un convoi de 40 véhicules, Mansour Daw était assis à côté de Kadhafi au moment de la frappe de l’OTAN sur la voiture qui circulait devant eux dans le convoi et qui a fait exploser les vitres de leur propre voiture. Alors qu’ils s’enfuyaient à pied, Mansour Daw se souvient que Mouammar Kadhafi avait une blessure sur le côté gauche de son front, tandis que Muatassim avait une blessure plus sévère à l’épaule.

« Il y avait un mur de sable le long de la route et nous avons marché au bord », se souvient Mansour Daw dans une pièce adjacente à la cellule qu’il partage avec d’autres détenus. Son discours est calme, il semble être en bonne santé. « Muatassim et ses hommes ont pris la tête tandis que Mouammar, Abou Bakr Younis et moi-même suivions derrière. »

Lorsque les rebelles ont trouvé Kadhafi, Mansour Daw a été grièvement blessé et a perdu connaissance.

Des images vidéo, prises quelques instants plus tard, montrent Kadhafi, tiré de sa cachette et brutalisé par des combattants rebelles. Son corps est arrivé plus tard à Misrata ainsi que celui de son fils. Aucune permission n’a été donnée à l’ONU examiner les dépouilles ou encore pour regarder les résultats de l’autopsie. Les deux corps ont ensuite été enterrés dans des tombes anonymes et dans un lieu gardé secret.

Le rapport de l’ONU recommande pour finir une enquête plus approfondie afin de déterminer la cause exacte de ces deux décès.

Global Post/Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press

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