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Florence Cassez : la France retient son souffle

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[image:1,l]Florence Cassez sera-t-elle libérée ? Après six années derrière les barreaux dans le pénitencier pour femmes de Tepepan, à Mexico, la Française, âgée de 37 ans, a une enfin une chance de sortir de prison. Son sort est entre les mains des cinq juges de la Cour suprême du Mexique qui doivent se prononcer ce mercredi 21 mars. Le 7 mars, le rapporteur de la Cour, le juge Arturo Zaldivar, a proposé une «libération immédiate et absolue» de Florence Cassez, condamnée à 60 ans de prison pour enlèvements, en raison des irrégularités qui ont entaché la procédure.

A l’approche du verdict, la bataille fait rage au Mexique autour de l’affaire Cassez, tellement les enjeux – policiers, judiciaires, politiques et diplomatiques – sont importants.   

De plus en plus de voix mexicaines de soutien

Au fil des derniers années, voire des derniers mois, de nombreux soutiens sont intervenus en faveur de la Française, tels ceux de la puissante Eglise catholique mexicaine, de juristes, d’anciens ministres, dont Ignacio Morales Lechuga, ancien ministre de la Justice (1991-1993), et Jorge Castaneda, ancien ministre des Affaires étrangères (2000-2003), de personnalités influentes dont le grand écrivain Carlos Fuentes.

Tous soutiennent la proposition de libération formulée par le juge Zaldivar. Par-delà le cas précis de Florence Cassez, ils évoquent une « formidable opportunité » pour la justice mexicaine: l’occasion de rappeler qu’un procès n’est équitable que s’il repose sur des bases solides, dans le respect de la présomption d’innocence. Et que la justice ne peut pas fermer les yeux sur la fabrication de preuves ou l’obtention de témoignages sous la torture, entorses qui ont toutes deux émaillé l’affaire.

Un signe montre que l’opinion mexicaine, encore majoritairement persuadée de sa culpabilité, évolue peu à peu au sujet de celle que beaucoup surnomment encore avec colère « la Française diabolique ». Les médias, en particulier la presse écrite, ont changé de ton. Les articles ne sont plus systématiquement à charge, mais désormais prudents et relativement nuancés. 

Le camp des irréductibles fait le forcing

Mais les détracteurs de Florence Cassez ne sont pas silencieux. La situation est chaude à Mexico, où beaucoup de voix s’élèvent aussi contre sa liberation.

Au premier chef, le president mexicain Felipe Calderon. Exaspéré par la classe politique et la presse françaises qu’il juge arrogantes, soucieux de ne pas perdre la face après avoir claironné la culpabilité de la Française, il est intervenu indirectement dans l’affaire, lundi 19 mars, en plaidant pour « le droit des victimes ». Pour le président mexicain, la justice implique « l’obligation élémentaire que celui qui a commis un délit soit, véritablement, jugé et châtié et que jamais l’interprétation de la loi ne soit la brèche par laquelle passe l’impunité ».

Derrière lui également, le ministre de la Sécurité publique, Genaro Garcia Luna, directeur de l’Agence fédérale d’investigation (AFI) à l’époque de l’arrestation de Florence Cassez, contre laquelle il montre un acharnement personnel.

Autre ennemie jurée de Cassez : Isabel Miranda de Wallace, une pasionaria qui milite depuis plusieurs années aux côtés des victimes d’enlèvements, et actuelle candidate à la municipalité de la ville de Mexico sous les couleur du PAN, le parti présidentiel. Lundi, en compagnie du président de la Commission nationale des droits de l’homme, Raul Plascencia, elle a tenu une conference de presse avec l’une des trois supposées victimes de Florence Cassez, Ezequiel Elizalde. « Je vous demande de nous soutenir, nous les victimes, s’il vous plaît! (…) Ne libérez pas ces gens! Ils vont continuer à séquestrer, à détruire des familles! », a déclaré ce témoin à la crédibilité douteuse, qui n’a cessé de se contredire et de mentir dans au fil de ses declarations.

Les scénarios possibles

La Cour suprême a le choix entre quatre possibilités :

1. La libération immediate. Si au moins trois des cinq juges adoptent le projet du juge Arturo Zaldivar (seule la majorité simple est nécessaire), Florence Cassez sera libérée immédiatement. La voix de Zaldivar étant déja acquise, reste donc deux voix à obtenir, qui pourraient être celles des deux juges dits « libéraux », Olga Sanchez Cordero et José Ramon Cossio. Les deux autres juges font plutôt partie du camp conservateur, proche du président Calderon. Si la réponse est favorable, la Française sera reconduite à la frontière jusqu’à l’aéroport, en compagnie du consul général de France.

2. Condamnation définitive. Si la libération de la Française est rejetée par au moins trois juges. Florence Cassez aura alors épuisé son ultime recours au Mexique et il lui restera donc cinquante-quatre années de prison à purger. Elle pourra néanmoins encore s’adresser à la Cour interaméricaine des droits de l’homme, basée à San José (Costa Rica), mais la procédure risque pourrait prendre près de cinq ans.

3. Renvoi devant la justice ordinaire. Cette solution signifierait l’annulation de la condamnation de la Française en raison des irrégularités constatées. Mais Florence Cassez resterait accusée des mêmes charges (enlèvements, délinquance organisée et port d’armes prohibées) et devrait endurer un nouveau procès devant la justice ordinaire tout en restant en prison. Les chances d’un acquittement seraient alors assez faibles, même si un complément d’enquête était ordonné.

4. Report de l’examen du cas en séance plénière. La première chambre des cinq juges peut décider, comme le lui ont demandé des représentants du gouvernement et des associations de victimes, de mettre l’affaire en discussion devant les onze membres de la Cour suprême réunis en séance plénière, en raison de son importance. Cela aboutirait à un report de plusieurs semaines de la décision, et relancerait encore l’incertitude.

Entre espoir et prudence

Une chose, pour l’instant, est certaine : le projet de liberation deposé par le juge Arturo Zaldivar a mis en lumière des zones d’ombre et les multiples dysfonctionements au sein du système judiciaire du pays. Le procès inéquitable auquel la Française a été soumise souligne les methodes douteuses de la police, l’absence de sérieux de nombreux médias et le manque d’impartialité de la justice mexicaine. 

Les proches et les soutiens de Florence Cassez naviguent entre espoir et prudence, sachant que rien n’est joué. Comme Florence Cassez seule dans sa cellule, tous sont suspendus à cette décision.

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