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J’ai fui la Corée du Nord…

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[image:1,l]Nous sommes trois enfants dans ma famille et, mon père étant dans l’armée, nous n’avions pas le droit à d’autres revenus. Ce ne fut pas facile pour mes parents de subvenir à nos besoins. Au fur et à mesure que nous grandissions, nous mangions davantage et la nourriture venait à manquer. C’est après une dispute entre mes parents que ma mère a décidé de partir pour la Chine. Elle m’avait prévenue, j’ai gardé le secret.

Espoirs et rêves brisés d’une jeune nord-coréenne

J’étais collégienne quand j’ai pour la première fois rêvé de gagner de l’argent pour m’acheter ce que je voulais et aider ma mère à vivre une vie plus confortable. Avant cela, il fallait que je sois diplômée.  

Tout ne s’est pas passé comme je l’imaginais. Une fois mon diplôme en poche, la vie ne s’est pas simplifiée. Ma mère n’était plus là pour moi et ma sœur avait rejoint l’armée. Je m’occupais de mon petit-frère et de mon père en plus des tâches ménagères. La situation était sans espoir et mon avenir, incertain.

Ma mère a alors pris contact avec moi et m’a demandé si je voulais qu’elle m’envoie de l’argent pour m’aider à obtenir un emploi en Corée du Nord ou bien si je préférais le donner à un passeur qui pourrait m’aider à m’enfuir vers le Sud. Sans hésitation, je lui ai répondu que je préférais être avec elle. C’est ainsi que j’ai quitté la Corée du Nord sans en informer mon père. J’ai suivi le passeur et me suis installée en Chine avec de rejoindre la Corée du Sud via la Thaïlande.

Face à un futur incertain : la fuite

J’ai décidé de m’enfuir, car mon futur me paraissait trop incertain. Je n’avais aucune idée sur comment gagner ma vie durant les 40 ou 50 prochaines années. Après avoir parlé à ma mère, la décision est venue plus facilement. Ma sœur nous a récemment rejointes en Corée du Sud, mais mon père et mon petit-frère vivent toujours au Nord.

Mes amis proches me manquent et je me demande souvent ce qu’ils sont devenus. Je suis née et j’ai grandi là-bas, ma ville me manque énormément. Mais j’essaie de ne pas y penser trop souvent. Si vous ne laissez pas le passé derrière vous, vous perdez la force de vivre le présent. La vie, ici, est suffisamment dure… si je devais constamment revenir sur le passé, je ne serais pas capable d’aller de l’avant.

L’expérience du fossé Nord/Sud

Je suis sortie d’un lycée nord-coréen mais le fossé avec le système éducatif du Sud est énorme. J’ai été admise dans l’université de mon choix où j’étudie ma matière préférée : la diététique. Mais je ne peux pas suivre les étudiants sud-coréens à moins de travailler trois fois plus qu’eux.

C’est une lutte constante. J’ai commencé à moins dormir pour étudier plus et si je commence à penser au passé, je deviens feignante. Mon seul souci pour le moment, c’est de réaliser mes rêves et de me concentrer sur le futur.

La découverte de la réalité Nord-coréenne

Je n’ai pas quitté mon pays par rejet du système politique nord-coréen. Je n’ai jamais pensé que les dirigeants étaient mauvais. J’imagine que j’étais influencée par l’idéologie de mon père. Il me disait que la Corée du Nord était une société stable et j’ai donc grandi avec l’idée que c’était un bon pays dans lequel vivre. Quand j’ai appris la réalité sur la Corée du Nord à mon arrivée au Sud, je ne pouvais pas le croire. Il a fallu un certain temps pour que mes idées changent.

J’ai vu aux actualités sud-coréennes que le Nord était une dictature tyrannique. Je n’arrivais pas à le croire. Mais si je refusais de croire ce que j’entendais, je refusais également de faire confiance à ce que j’apprenais en Corée du sud. J’ai été dans la confusion pendant un moment. Qui devais-je écouter, qui devais-je croire ?

Je vis ici depuis plusieurs années maintenant et je sais que le système politique du Nord est mauvais,  que j’ai été dupée pendant des années.

Une nouvelle vision de la Corée du nord

Ces derniers temps, tout le monde ne parle que de Kim Jong Un. Je n’avais même pas entendu parler de lui lorsque je vivais en Corée du nord. Je crois fermement que la réunification se fera dans 10 ou 15 ans. C’est d’ailleurs pour cela que j’étudie tellement et que je m’investis dans des campagnes de protection des droits de l’homme durant mon temps libre. Je n’en ai pas la preuve, mais je ne pense pas que Kim Jong Un soit capable de diriger un pays de 23 millions d’habitants, a fortiori après une arrivée au pouvoir si précipitée.

La Corée du Nord va s’effondrer, et lorsque cela arrivera, il n’y aura plus personne pour diriger le pays. Si les dirigeants résistent à une spirale guerrière, je suis persuadée que le Nord va s’ouvrir aux réformes et aux influences étrangères. Ainsi, le peuple Nord-coréen apprendra enfin la vérité.

J’étudie la nutrition et la diététique, car j’ai une idée précise de ce que je veux faire de ma vie. En grandissant là-bas, j’ai été témoin de la malnutrition qui frappe les enfants. Cela cause des dommages à leurs cellules nerveuses et ralentit leur développement. Ils sont plus petits qu’ils ne le devraient pour leur âge et sont exposés à toutes sortes de maladies. Les gens meurent même de la tuberculose, car ils n’ont pas d’accès aux médicaments.

En sachant tout cela, j’ai le désir d’améliorer les choses une fois que j’aurai acquis suffisamment d’expérience. Je suis seulement en première année et il me faut obtenir un master et ensuite un doctorat. Mon rêve serait de travailler dans un centre de recherche, peut-être affilié à l’ONU, et d’y développer de la nourriture qui pourra améliorer la santé des Nord-coréens. Pendant ce temps, je n’ai pas d’autres choix que d’étudier pour atteindre mes objectifs.

Le nom de Kwon a été changé à sa demande. Témoignage receuilli par Justin McCurry.

Adaptation Antoine Le Lay pour JOL Press 

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