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Joachim Gauck, un pasteur est-allemand à la présidence

[image:1,l] « J’accepte ce vote », a déclaré solennellement Joachim Gauck devant l’Assemblée fédérale, quelques minutes après l’annonce des résultats : cet homme de 72 ans, sans étiquette politique, a obtenu 991 voix sur 1232 suffrages exprimés au sein de l’Assemblée fédérale chargée d’élire un président de la République. « Quel beau dimanche ! », s’est-il exclamé, rappelant qu’il y a 22 ans jour pour jour avaient eu lieu les premières te dernières élections libres de RDA, quelques mois avant la réunification allemande du 3 octobre 1990. « Je n’oublierai jamais ces élections. Jamais ! », a-t-il dit, visiblement ému. « Vous avez un président qui ne peut pas penser sans idée de liberté » en lui, a-t-il ajouté.

Le président des cœurs 

Les médias l’avaient baptisé le « président des cœurs ». En juin 2010, Joachim Gauck, un homme grand, posé et souriant, avait perdu de justesse l’élection présidentielle mais, si le président de la République fédérale d’Allemagne était élu au suffrage universel direct, nul doute qu’il l’aurait emporté haut la main. Cet ancien pasteur est-allemand, considéré comme une autorité morale, jouit d’une forte popularité auprès des Allemands. Après la démission de son allié Christian Wulff, accusé de prévarication et sous le feu des critiques des médias et de l’opposition depuis la mi-décembre, Angela Merkel a dû se résoudre à faire appel au candidat de l’opposition social-démocrate et écologiste. Un aveu d’échec qu’elle avait tenté de masquer en annonçant tout sourire sa décision lors d’une conférence de presse, dimanche 19 février.

Un candidat de consensus

Le choix de Joachim Gauck a fait l’objet d’un consensus entre les quatre principaux partis de gouvernement, la CDU d’Angela Merkel et ses alliés libéraux-démocrates du FDP, les sociaux-démocrates du SPD et les Verts écologistes.

Au sein des forces parlementaires, seule la gauche de la gauche, Die Linke, qui comprend nombre d’anciens membres du SED, le parti communiste qui régnait en maître sur la République démocratique allemande (RDA), a critiqué de manière virulente ce pasteur luthérien et lui a opposé une candidate qui a fait de la chasse aux nazis le moteur de sa vie, Beate Klarsfeld, la femme de Serge et la mère d’Arno Klarsfeld. Le fait que celle-ci vit en France depuis plus de 50 ans avait d’ailleurs suscité une polémique. 

Pasteur et militant des droits de l’Homme dans l’ex-RDA

« Ni à côté, ni contre, mais dans le socialisme » : l’église luthérienne s’était vu accorder par le régime communiste et totalitaire est-allemand une certaine marge de liberté, comme un embryon d’opposition, et c’est de ses rangs que sont sorties les principales figures de la transition démocratique. Sous la République dite « des pasteurs », durant l’année qui s’écoula entre la chute du mur de Berlin et la réunification allemande, Joachim Gauck, lui-même pasteur et un des responsables du Nouveau Forum, s’est illustré en présidant la commission chargée de la dissolution du ministère de la Sécurité intérieure, la Stasi, la police secrète est-allemande, dont il gérera ensuite les archives pendant dix ans, jusqu’en 2000. Il est admiré pour la manière dont il a tenté, alors, de concilier vérité, justice et réconciliation.

Sa mission : restaurer la dignité de la fonction présidentielle

Le président de la République allemand occupe une fonction essentiellement honorifique mais il peut être une autorité morale. Richard von Weizsäcker, par exemple, président de 1984 à 1994, a beaucoup fait pour que la RFA assume son passé nazi et pour accompagner, avec le chancelier Helmut Köhl, la réunification.

A son tour, Joachim Gauck, troisième occupant du Château Bellevue en deux ans, est considéré par une majorité d’Allemands comme étant à même de restaurer la dignité de la fonction présidentielle. Interrogé sur la perspective de son élection, il a déclaré : « C’est un jour très spécial pour moi, même dans une vie qui en a connu plusieurs ».

Dépassé et troublé par la nouvelle, il s’est dit heureux que « quelqu’un comme (lui), né durant une guerre terrible et qui a vécu cinq ans sous une dictature (…) soit appelé à devenir chef de l’Etat ». Mais je ne suis « ni Superman, ni un homme infaillible », a-t-il averti. Le futur président veut aider les Allemands à retrouver « foi dans leur propre force », notamment face à la crise de la zone euro.

Deux Est-allemands à la tête de la RFA

« Cet homme peut fournir une impulsion décisive pour faire face aux défis de notre temps », a lancé Angela Merkel, avant de qualifier Joachim Gauck de « professeur de démocratie » pour le rôle qu’il a joué à la fin de la RDA et lors de la réunification.

Ironie de l’histoire ou, simplement, le signe de la réussite exemplaire de la réunification est-allemande, ce sont deux anciens citoyens – sujets, devrait-on dire – est-allemands qui occupent les deux plus hautes fonctions de l’Etat allemand. La chancelière est elle-même fille de pasteur et elle a grandi dans la région d’origine de Joachim Gauck.

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