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« Kony 2012 » est un mensonge !

[image:1,l] La vidéo-choc Kony 2012 a reçu environ 73 millions de visites sur YouTube depuis son apparition sur Internet le 5 mars. En Ouganda pourtant, c’est un véritable flop.

L’Ouganda dénonce un mensonge

La vidéo, produite par l’ONG américaine Invisible Children, mène combat contre Joseph Kony, le brutal leader de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Mais cette vidéo a été dénoncée comme mensongère par certains officiels ougandais. Pour eux, l’armée de Kony n’a pas opéré en Ouganda depuis plusieurs années.

Si les critiques ont été bruyantes autour du monde, la plupart des Ougandais n’ont pourtant pas vu Kony 2012, faute d’avoir accès à Internet. 

Parmi eux, Pius Bigirimana, secrétaire permanent au bureau du Premier ministre et responsable de la reconstruction du nord de l’Ouganda depuis le passage de l’Armée de résistance du Seigneur. « Celui qui décrit l’Ouganda comme un pays qui n’est pas sûr est un menteur et un sadique ! », s’exclame-t-il. 

En Ouganda, l’affaire Joseph Kony est « sans importance. C’est un problème périphérique », ajoute Pius Bigirimana. « Ce sont ces personnes de l’extérieur qui s’excitent toutes seules. »

Beaucoup en Ouganda dénoncent une campagne de désinformation, qui laisserait croire à une poursuite des conflits avec l’Armée de libération du Seigneur.

Le gouvernement veut rétablir la vérité

Le gouvernement du président Yoweri Museveni a d’ailleurs mis en garde contre une « campagne de sensibilisation qui ne prendrait pas en compte toutes les réalités actuelles du conflit ».

« La mauvaise interprétation de contenus médiatiques pourrait conduire certaines personnes à croire que l’Armée de libération du Seigneur est toujours active en Ouganda. Il est donc nécessaire de préciser qu’actuellement, cette armée est inactive sur tout le territoire ougandais », annonce un communiqué de presse gouvernemental.

L’Armée de résistance du Seigneur a été expulsée d’Ouganda il y a six ans et a été réduite à une force d’environ 300 personnes, qui opère désormais au Soudan du Sud, en République démocratique du Congo et en République centrafricaine, ajoute le communiqué.

Les troupes de la LRA sont actuellement poursuivies par l’armée ougandaise, avec le soutien de l’armée américaine déployée en fin d’année dernière par le président Barack Obama afin de poursuivre Joseph Kony et son armée et de rétablir la stabilité dans cette région sensible.

De l’histoire déjà ancienne

Betty Ocan, membre du Parlement pour la ville de Gulu, où Invisible Children a son siège pour ses opérations en Ouganda, n’a vu qu’un extrait du clip grâce à une chaîne de télévision internationale. L’Armée de libération du Seigneur n’est pas vraiment en haut de ses priorités, explique-t-elle.

« Pour les habitants du nord de l’Ouganda, ce n’est pas non plus une priorité », explique Betty Ocan. « La plupart du temps, les gens diront « notre plus grande préoccupation actuellement est d’envoyer nos enfants à l’école. » » Les Ougandais déplacés par la guerre contre l’armée de Kony sont aussi préoccupés par leur réinstallation et par les compensations qu’ils pourraient obtenir de la part du gouvernement, ajoute encore Betty Ocan.

Selon elle, pour les Ougandais du Nord, qui ont souffert de la violence de l’Armée de libération du Seigneur, ce film ne serait rien d’autre qu’un documentaire historique. « Les habitants du Nord savent que ce n’est qu’un documentaire tourné pendant les périodes difficiles. Certaines personnes disent que cela leur rappelle le passé, donc ils n’apprécient pas vraiment. »

« Si [les Occidentaux] la regardent, ils devraient penser à l’impact [de la guerre]. Ils regardent quelque chose qui vient du passé. Kony n’est pas revenu en Ouganda depuis 2006. »

Un film « néocolonialiste »

La vidéo, qui inclut de nombreuses séquences illustrant notamment le fondateur et d’autres activistes d’Invisible Children, blancs pour la plupart, militant contre l’Armée de libération du Seigneur aux Etats-Unis, a également été taxée de « néocolonialiste ».

« Ce film rappelle que les étrangers peuvent faire ce qu’ils veulent en Afrique s’ils le souhaitent », souligne Angelo Izama, un journaliste et analyste politique ougandais.

Pour répondre à ces critiques, Invisible Children a publié une déclaration sur son site Internet. En réponse aux critiques qui pèsent contre cette vidéo, l’ONG répond en insistant sur le travail qu’elle fait dans les pays où l’Armée de libération du Seigneur est toujours active.

« Depuis que les milices ont quitté l’Ouganda, en 2006, Invisible Children a dénoncé publiquement les atrocités commises en République démocratique du Congo, dans le Soudan du Sud et en République centrafricaine, tout en continuant à travailler avec les communautés ougandaises qui ne sont plus en situation de conflit. »

« Kony 2012 dépeint, dans des termes non équivoques, l’image d’un fou qui manipule des enfants spirituellement pour son propre bénéfice », ajoute le communiqué publié sur Internet. « Dans ce film de 30 minutes, cependant, de nombreuses nuances concernant ce conflit qui dure depuis 26 ans ont certes été perdues ou négligées », concède néanmoins l’ONG.

> Regarder la vidéo Kony 2012

Global Post/Adaptation Sybille de Larocque pour JOL Press

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