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La popularité d’Angela Merkel renforcée par la crise

[image:1,l]Angela Merkel est à nouveau confrontée à un numéro de jonglage périlleux. Quand les dirigeants européens se sont réunis à Bruxelles, jeudi 1er mars, pour un nouveau sommet, la chancelière allemande s’est retrouvée dans une position difficile pour encourager la mise en place d’un pare-feu de la zone euro, une dépense d’argent en plus, afin de prévenir le risque de contagion de la crise grecque vers les autres pays européens.


Les Allemands ont peur de la crise mais la soutiennent


Au même moment, la « chancelière de fer », fait face à un gouvernement de coalition en rébellion et à un public qui hésite devant les coûts de sauvetage de la Grèce et des autres pays de l’Union européenne. 62 % des Allemands s’opposent au dernier plan de sauvetage de l’UE pour la Grèce, selon de récents sondages.


Néanmoins, Angela Merkel reste populaire, non malgré, mais grâce à la crise de la zone euro. Les Allemands ont été impressionnés par sa position ferme dans cette tourmente, qui n’a pas encore eu d’impact direct sur eux.


Après une période difficile l’année dernière, Angela Merkel profite d’un regain de popularité ces quelques derniers mois. L’art avec lequel elle a résisté à ces derniers revers offre un aperçu de sa technique pour se maintenir à bord.


Des plans d’austérité accueillis positivement


Les Allemands sont hostiles aux plans de sauvetage, mais ils pensent que leur chancelière agit dans leur intérêt, explique Manfred Guellner, directeur de l’institut de sondage Forsa. « La plupart des gens croient qu’elle fait absolument tout pour protéger le peuple des dangereuses conséquences de la crise de la zone euro. […] Ils ont très peur que cette crise ne finisse par les atteindre personnellement. »


L’insistance de la chancelière pour mettre en place des politiques d’austérité dans la zone euro satisfait l’électorat allemand, effrayé à l’idée d’avoir à sauver encore et toujours d’autres Etats trop dépensiers.


Le chômage est au plus bas


Pour la première fois en vingt ans, les Allemands se sentent plus concernés par la crise de la zone euro que par le problème du chômage, qui est d’ailleurs à son plus bas niveau depuis la réunification des deux Allemagnes, analyse Andrea Roemmele, professeur de sciences politiques à la Hertie Business School à Berlin.


En décembre dernier, lors d’un sommet européen crucial, Angela Merkel s’était battue pour la mise en place d’un pacte fiscal qui limiterait le déficit budgétaire de chaque pays à 0,5 % du PIB. Seuls le Royaume-Uni et la République tchèque ont refusé de signer.


« Elle a montré que la gestion de la crise était d’abord une gestion allemande », explique Ulrike Guerot du Conseil européen des relations étrangères à Berlin. « Tout tourne autour du pacte fiscal, dessiné par les Allemands. »


Solidarité face à l’hostilité européenne


Alors que de nombreux pays européens sombrent dans la récession, l’Allemagne a dû affronter le ressentiment de nations luttant contre l’impact de ce qui est perçu comme une austérité imposée par Berlin. Les analystes ont critiqué Angela Merkel pour avoir fixé une telle politique de rigueur lorsque certains pays avaient désespérément besoin d’une stratégie de croissance.


Malgré tout, cette hostilité, comme en témoigne les comparaisons entre l’Allemagne et le régime nazi dans la presse grecque, a été bénéfique pour Angela Merkel dans son propre pays. « Les attaques étrangères ont créées un sentiment de solidarité en Allemagne », explique le biographe de la chancelière Gerd Langguth, professeur de sciences politiques à l’université de Bonn. « Elle est perçue comme celle qui représente les intérêts allemands. »


L’Allemagne a des alliés nordiques


Angela Merkel est loin d’être isolée en Europe. Elle bénéficie du soutien d’un noyau de pays tels que l’Autriche, les Pays-Bas, la Finlande et les pays Baltes. « Ce serait injuste de dire que l’Allemagne est seule contre 26 », explique Constanze Stelzenmueller du Fonds Marshall allemand. « En fait, c’est comme s’il y avait un clivage Nord/Sud. »


Chez elle, Angela Merkel a une image positive bien établie. Le dernier sondage d’opinion de Forsa, publié jeudi 1er mars, a vu son pourcentage d’opinions favorables grimper à 64 %, c’est-à-dire deux points de plus qu’en décembre dernier. Ce taux n’a jamais été aussi haut depuis 2009.


Pour Manfred Guellner, il y a désormais une corrélation directe entre le regard porté sur Angela Merkel et la popularité de son parti, les chrétiens démocrates, qui recueillent 38% de soutien parmi les habitants. Avec peu de rivaux crédibles, tant à l’intérieur du parti que dans l’opposition, Angela Merkel a réussi à se maintenir en position de force.


Risques politiques


Même si elle a la confiance des électeurs, Merkel doit néanmoins composer avec les réalités politiques de Berlin. L’année dernière, sa popularité a été ébranlée après sa volte-face sur le problème du nucléaire à la suite du désastre de Fukushima, que ces critiques ont perçu comme de l’opportunisme électoral. 


Elle a ensuite perdu son ministre le plus populaire, Karl-Theodor zu Guttenberg, à la suite d’accusation de plagiat. Il lui a été reproché de l’avoir soutenu trop longtemps.


Angela Merkel préside aujourd’hui une coalition instable, avec un allié qui risque d’être anéanti aux prochaines élections. Les libéraux démocrates sont actuellement à 3% dans les sondages. S’ils ne progressent pas, ils ne seront pas en mesure de gagner des sièges au Bundestag lors des prochaines élections en septembre 2013.


Ces dernières semaines ont été particulièrement frustrantes pour la chancelière. Christian Wulff, qu’elle avait placé à la présidence, a démissionné après des accusations de corruption. Elle a ensuite soutenu le choix de Joachim Gauck, ancien pasteur défenseur des droits de l’homme en Allemagne de l’est, qui était pourtant le candidat de l’opposition en 2010.


La formation d’une coalition rivale nouvelle qui pourrait l’écarter du pouvoir en 2013.


Les défis à relever


Angela Merkel va devoir faire face à de nouveaux défis. Les parlementaires devront bientôt voter l’approbation du pare-feu de la zone euro, officiellement appelé le Mécanisme de sécurité européen. Sa coalition devra également affronter un scrutin électoral difficile au niveau régional dans les mois qui viennent. Enfin, le danger est bien réel, la crise pourrait commencer à affecter la vie quotidienne des Allemands.


Consommateurs et entreprises sont confiants, mais l’Allemagne a dû réduire ses prévisions de croissance pour cette année. Dans un pays dont l’économie a été alimentée par les exportations, la crispation de nombreuses économies de la zone euro pourrait commencer à retentir sur les entreprises et ensuite les ménages.


Constanze Stelzenmueller, du Fonds Marshall allemand, confirme qu’Angela Merkel est vulnérable sur ces différents enjeux et qu’ils pourraient réduire ses chances d’être réélue. « Si l’économie allemande était frappée, son taux de popularité baisserait très rapidement, explique-t-elle. En d’autres termes, beaucoup de choses peuvent se passer d’ici à septembre 2013. »


Global Post/Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press

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