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Le coup d’Etat au Mali réprouvé à l’étranger

[image:1,l] Au moins trois personnes ont été tuées et une quarantaine blessées lors des combats qui ont renversé le chef de l’Etat, le président Amadou Toumari Touré, surnommé « ATT». Le principal aéroport du Mali est aujourd’hui barricadé, les frontières sont fermées et un couvre-feu nocturne est entré en vigueur. Des soldats mutins ont envahi le palais présidentiel et la télévision d’Etat. Leur putsch a suscité une large vague de réprobation internationale. Le président déchu aurait trouvé refuge dans un camp militaire à Bamako, la capitale, protégé par les soldats loyalistes de la garde présidentielle. 

Premiers coups de feu dans une caserne militaire

Tour a commencé mercredi 21 mars dans l’après-midi, avec la mutinerie de soldats depuis leur caserne de Kita, une ville garnison située à 20 km de Bamako.

A l’occasion de la visite du ministre de la Défense, le général Sadio Gassama, les militaires en colère ont voulu protester pour réclamer plus de moyens pour la guerre contre les rebelles touaregs dans le Nord, immense région désertique également en proie à des activités de groupes islamistes. Les soldats maliens, qui disposent d’un armement et d’équipements insuffisants, doivent affronter une insurrection appuyée par d’anciens combattants kadhafistes, venus de Libye avec beaucoup d’armes. 

Les soldats de la caserne ont tiré en l’air, le ministre a pris la poudre d’escampette. La mutinerie a gagné ensuite Koulouba (près de Bamako), où se trouve la présidence, puis la capitale Bamako et Gao (nord-est).

Bamako dans le chaos

Les soldats rebelles se sont autoproclamés Comité national pour le retour de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDR), mais il est encore impossible de dire si ce comité est appuyé par les hauts gradés au sein de l’armée et par la population civile. La vingtaine de soldats mutins qui sont apparus à la télévision nationale pour annoncer le coup d’Etat étaient, pour la plupart, de jeunes subalternes. Leur leader, Amadou Sanogo, n’est que capitaine. Les officiers supérieurs et les autres membres de l’appareil de sécurité, notamment les troupes formées par les Etats-Unis pour la lutte anti-terrorisme, n’ont pas encore déclaré leur position.

Après avoir décrété la « dissolution de toute les institutions » et arrêté une poignée de ministres et de chefs militaires, les mutins ont promis de « restaurer le pouvoir civil » et d’instaurer « un gouvernement d’union nationale ». Mais les putschistes font preuve d’un grand flou sur leurs intentions et leur coup d’Etat, visiblement improvisé, a un sérieux parfum d’amateurisme.

Pour le moment, seul Oumar Mariko, leader du parti d’opposition Sadi (Solidarité africaine pour le développement et l’indépendance), approuve l’insurrection et se déclare prêt à participer à ce gouvernement d’union nationale. 

Depuis jeudi, les dirigeants du CNRDR restent silencieux, et un climat de peur, d’anarchie flotte sur Bamako, où des scènes de saccages et de pillage ont été enregistrées, notamment dans un supermaché de la capitale. Dans la pagaille amiante, différentes rumeurs circulent, difficiles à vérifier, notamment sur la situation exacte et les intentions du président destitué, Amadou Toumari Touré. Ses troupes loyalistes vont-elles s’aventurer à lancer une contre-offensive ? 

Point stratégique de la lutte contre l’AQMI

Le pire, c’est que la soldatesque insurgée risque d’obtenir le résultat exactement inverse à celui escompté. La confusion qui règne au sommet de l’Etat malien ne peut que profiter aux rebelles séparatistes touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), qui vont en profiter pour avancer leurs pions et prendre davantage le contrôle du nord du territoire. Les Touaregs ont déjà a leur actif une série de victoires contre l’armée malienne dans le vaste désert du nord du pays depuis ces derniers mois. 

Malgré son faible poids économique, le Mali est d’une grande importance stratégique pour les pays occidentaux pour son aide dans sa lutte contre Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), qui gagne en force et en audace et se cache dans le désert du nord du Mali, au Niger, en Mauritanie et en Algérie. 

S’il n’y a pas actuellement de preuves tangibles pour affirmer l’existence d’un lien entre militants islamistes et Touaregs, une destabilisation du Mali aurait sans nul doute des conséquences désastreuses pour le pays et pour toute la région, déjà sous la pression de l’islamisme et des pénuries alimentaires entrainées par les sécheresses.

Condamnation internationale unanime

Le Mali a été, depuis ces deux dernières décennies, une zone de relative stabilité et le pays a réussi à maintenir un semblant de démocratie. Le putsch dynamite un processus électoral qui prévoyait une présidentielle le 29 avril, couplé à un référendum constitutionnel, avant des législatives en juillet. Elu en 2000 et en 2007, M. Touré devait céder son fauteuil après ses deux mandats, conformément à la Constitution.

Il n’est donc pas surprenant que ce coup d’Etat soit condamné par tous: les chancelleries occidentales, les Nations unies, l’Union africaine, l’Union européenne…

A New York, les pays membres du Conseil de sécurité de l’ONU ont appelé au « rétablissement immédiat de l’ordre constitutionnel et du gouvernement démocratiquement élu ». Bruxelles a annoncé qu’elle stoppait temporairement son aide au développement du Mali. La France a décidé de suspendre « toutes ses coopérations régaliennes avec le Mali » et demandé le respect de l’intégrité physique du président Touré et la libération des personnes détenues. Les Etats-Unis ont demandé « le retour immédiat de l’ordre constitutionnel au Mali », et ont entamé le réexamen de leur aide annuelle de 137 millions de dollars. La Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD) ont annoncé qu’elles suspendaient leur aide au Mali.

Global Post/Adaptation Sybille de larocque – JOL Press

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