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Le tueur Mohamed Merah : un français rallié au djihadisme

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[image:1,l]Trois pistes étaient avancées lorsqu’il s’agissait d’imaginer le profil du tueur casqué, auteur dans les dix derniers jours de sept meurtres de Toulouse et Montauban qui ont coûté la vie à trois soldats français de confession musulmane, à trois enfants et un jeune père de famille français de confession juive : un psychopathe, un néo-nazi ou un fondamentaliste musulman. Aux premières heures de la matinée de ce mercredi 21 mars, il semble que ce soit la troisième option qui se précise.

Vers 3h00 du matin, des tirs dans une banlieue de Toulouse. Un large déploiement de forces policières a pris position. Des tirs, une phase de négociations, des tirs encore, puis de nouvelles négociations. A 8h00 du matin, l‘opération se poursuit. Le profil de l’auteur des faits est désormais connu : il aurait 24 ans, appartiendrait à la mouvance salafiste, des fondamentalistes musulmans, et se réclamerait d’une mouvance d’Al-Qaïda. En visant des soldats français, il aurait souhaité venger les victimes talibanes de la guerre en Afghanistan. En visant des Français de religion juive, il aurait souhaité venger les enfants de Gaza et importer en France le conflit israélo-palestinien.

Coupable et victimes : des Français

En direct à la télévision, un reporter interroge le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, présent sur place : « Est-ce exact que le forcené est d’origine algérienne ? »  Le ministre répond : « Il est Français, » . Dès maintenant, et pour la suite, cette réponse est essentielle, car la garder à l’esprit permettra de tirer les justes leçons de ces tragédies : le coupable et les victimes, au regard de la France, restent et resteront Français. Aveuglé par une idéologie meurtrière, le présumé coupable a – tout semble le prouver – soigneusement choisi ses cibles. Il a visé symboliquement des musulmans engagés sous l’uniforme de l’armée française, des enfants et un jeune père de confession juive, mais ce sont des Français qu’il a tués.

Symbole fort en Une de Libération

Cette réalité a été particulièrement bien mise en évidence par le quotidien français, Libération à travers sa Une, dès mardi 20 mars.

Gabriel Sandler, Arieh Sandler, Jonathan Sandler, Myriam Monsonego, Abel Chennouf, Mohamed Legouad, Imad Ibn Ziaten : en lettres blanches sur fond noir, sept prénoms et cinq noms de famille, ceux des victimes des trois tueries de ces dix derniers jours à Toulouse et Montauban. Et puis, pour chacune d’entre elles, son âge, l’âge d’enfants et de jeunes hommes.

Adorateurs ou contempteurs, les Une de Libération laissent rarement indifférents. Plus encore à l’approche des élections, le quotidien use et abuse de bons mots à des fins partisanes, clairement affirmées et assumées. Et c’est pour ces raisons que le choix opéré par la rédaction pour son édition de mardi 20 mars est d’autant plus remarquable.

Rue Béranger dans le IIIe arrondissement de Paris, au siège du journal, on boucle, comme pour tout quotidien, en fin de soirée. Lundi 19 mars, à ce moment-là, la dernière tuerie, celle du collège-lycée Ozar Hatorah, dans le quartier résidentiel de la Roseraie à Toulouse, lors de laquelle un père de famille et ses deux enfants, puis une petite fille de 7 ans ont été tués de sang-froid par un individu casqué armé d’un pistolet automatique de calibre 11,43 et d’un autre de 9 mm, ne s’est produit que depuis une quinzaine de minutes. La France est sous le choc et les mots manquent pour qualifier les faits et l’impression qu’ils laissent : abomination, horreur, carnage et, partout, de l’effroi.

Les responsables politiques, et d’abord les candidats à la présidentielle,  s’expriment, comme il se doit les uns après les autres : unité nationale pour une tragédie nationale. La campagne électorale est de fait suspendue et l’heure est à la dignité… Manquant sans doute de mots, les responsables de Libération choisissent d’en faire l’économie et de se contenter de l’essentiel, les faits : ces noms donc, les noms des victimes, leurs âges et le lieu de leur mort. Comme une pierre tombale.

Derrière sa sobriété, ce choix éditorial est lourd de sens. Alors même que l’enquête, à peine entamée, n’a pas encore établi formellement le lien entre les trois tueries, la succession sur une même page des noms des sept victimes les unit dans la mort. Elles et ils, enfants et jeunes hommes, sont morts pour la même chose, affirme Libération, sans craindre d’être accusé d’opérer un raccourci sans preuve.

Et après… ne pas fermer les yeux

Sans doute, certains avaient-ils espéré que le coupable serait un psychopathe ou un néo-nazi. Peut-être aurait-il été plus facile pour la France de gérer son propre Anders Behring Breivik, le psychopathe néo-nazi norvégien. La réthorique aurait peut-être été plus facile. Là, si les faits sont confirmés, la France doit admettre que certains des siens, une infime minorité, choisit de collaborer avec une idéologie exterminatrice, contraire à tout ce en quoi elle croit, tout ce qu’elle symbolise, l’islamo-extrémisme. La France, la communauté nationale, la seule qui vaille, doit aussi veiller à ce qu’aucun amalgame ne soit fait : les Musulmans de France n’ont rien à voir avec ces fanatiques et ne sauraient être tenus pour responsables.

Dans un mois, les Français voteront. Mais, désormais, la campagne présidentielle devrait reprendre dans un tout autre contexte.

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