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Le viol, une arme de guerre

[image:1,l] En 2004, en pleine guerre au Darfour, Amnesty International publiait un rapport alarmant sur l’utilisation de la violence sexuelle dans les conflits armés. L’organisation internationale déclarait alors que le viol n’était plus une simple conséquence de la guerre, mais était désormais utilisé en tant que stratégie militaire à part entière.

Le viol est une stratégie militaire

« Les viols et les autres formes de violences sexuelles sont très répandus dans le Darfour. Ces actes ne sont pas une simple conséquence du conflit ou de l’indiscipline des troupes. Les informations recueillies par Amnesty International indiquent que, dans le Darfour, le viol et les autres violences sexuelles sont de véritables armes de guerre utilisées pour humilier, punir, contrôler, terroriser et déplacer les femmes de leurs communautés. »

Les violences sexuelles dans un conflit armé sont définies par le « statut de Rome » qui a donné naissance à la Cour pénale internationale, « viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée et toute autre forme de gravité comparable ».

Viols en masse dans le Bangladesh de la libération

Pendant la guerre de libération du Bangladesh, en 1971, de nombreuses femmes ont été torturées et violées. On estime à 200 000 le nombre de femmes violées pendant ce conflit par l’armée pakistanaise qui pratiquait les raids nocturnes dans les villages pour kidnapper ses victimes. Stratégie de guerre pour les Pakistanais selon Gita Sahghal, ancienne responsable de l’unité Genre (cellule en charge des abus sexistes et des minorités sexuelles opprimées) d’Amnesty International, lors d’une interview à la BBC : « Les femmes sont vues comme des reproductrices et des protectrices de la communauté. Quand un groupe veut prendre le contrôle d’un autre, il se charge de mettre les femmes du groupe opposé enceintes, de manière à détruire la communauté. »

La purification ethnique en Bosnie et au Kosovo 

Le viol a été largement utilisé comme arme de purification ethnique pendant la guerre de Bosnie (1992-1995) puis pendant la guerre du Kosovo (1996-1999). Pendant la guerre de Bosnie, entre 20 000 et 50 000 femmes auraient été violées. La plupart étaient des musulmanes agressées sexuellement par des soldats serbes. De nombreux témoignages mettent en lumière les viols organisés dans les rues, dans les maisons des victimes, en face des familles, mais également avec des objets, notamment des bouteilles de verre cassées, des armes ou encore des matraques.

L’existence de camps est aussi avérée, qui avaient pour but la fécondation des Croates et des Musulmanes prisonnières. Celles-ci étaient maintenues en détention jusqu’aux derniers jours de leur grossesse. Chez les Serbes, l’identité ethnique se transmet par le père. Aujourd’hui, de nombreux jeunes Serbes sont issus des naissances organisées dans ces camps.

Pendant la guerre du Kosovo, des milliers d’Albanaises ont été victimes de violences sexuelles. Dans ce contexte, le viol a été utilisé dans une logique de nettoyage ethnique, afin de terroriser les populations et finalement les forcer à quitter leur maison.

Création d’un tribunal pénal international

Devant l’ampleur des atrocités, la communauté internationale a décidé de réagir. Le 22 février 1993, un Tribunal pénal international a été institué par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. Il avait pour but de juger les crimes de guerre et violations du droit international (article 27 de la Convention de Genève) commis sur le territoire de l’ex-Yougoslavie.

Le tribunal a tenu sa première séance le 8 novembre 1994. 51 personnes ont jusqu’à maintenant été condamnées, dont 21 pour avoir participé à des crimes impliquant des violences sexuelles. Quatre accusés ont été reconnus coupables de viol en tant que crime contre l’humanité.

Esclavage sexuel pendant le génocide du Rwanda

Entre avril et juin 1994, pendant le génocide du Rwanda, les crimes sexuels reviennent sur le devant de la scène et affolent la communauté internationale. Les leaders hutus encourageaient leurs soldats au viol des femmes tutsies. Les violences sexuelles perpétrées contre les femmes pendant la guerre du Rwanda incluaient le viol, le viol collectif, le mariage forcé, l’esclavage sexuel, le viol avec objets, les mutilations sexuelles. De nombreuses femmes tutsies ont été violées par des soldats séropositifs de manière à leur transmettre le virus du sida. De nombreuses scènes de viol avaient lieu en public, dans des écoles ou des églises. Un Tribunal pénal international pour le Rwanda a été formé en 1998 pour rechercher et juger les coupables.

Les victimes du Congo témoignent

La République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre) reste aujourd’hui l’exemple le plus marquant depuis la guerre qui a éclaté en 1996.  On estime à 200 000 le nombre de victimes de violences sexuelles résidant encore sur le territoire. Le Congo-Kinshasa détient également un record quant aux atrocités commises. Les cas de viols avec des objets comme des couteaux ou des fusils étaient notamment courants.

En 2008, le mouvement V-Day contre la violence faite aux femmes et l’UNICEF organisent une campagne mondiale pour mettre fin aux violences sexuelles en RDC. En septembre de cette même année, douze femmes et deux jeunes filles sortent du silence et témoignent des abus dont elles ont été victimes, devant des membres du gouvernement, des dignitaires de l’ONU et des délégués internationaux. Lumo Furaha raconte : « Plus de cinquante hommes armés m’ont prise ainsi qu’une autre femme et nous ont emmené à l’écart pour nous violer et nous violer encore et encore. Après, ils nous ont tirées jusqu’à la route principale où ils nous ont abandonnées. Nous avons été retrouvées par des hommes et transportées à l’hôpital de Goma où j’ai subi neuf opérations chirurgicales. »

Zamuda, 50 ans, témoigne également : « Je ne comprends pas, les hommes ont fait ça avec des objets, ils n’avaient donc aucun désir physique. La seule réponse que je trouve est qu’ils voulaient me détruire ; détruire mon corps et tuer mon esprit. »

Dernier épisode en date, le viol encouragé par Kadhafi

Plus récemment, Luis Moreno Ocampo, ancien procureur de la Cour pénale internationale, faisait état de crimes sexuels commis par les forces kadhafistes contre les femmes rebelles. Interrogé par des journalistes à New York, le procureur déclarait en juin 2011, « il (Mouammar Kadhafi) aurait décidé de punir en utilisant le viol. »

Longtemps après le drame des violences sexuelles, la question du retour à la vie civile pour les victimes se pose toujours. Violées, atteintes d’une maladie mortelle ou défigurées, elles sont souvent rejetées par leur famille et leur communauté et condamnées à l’exil, donc à une mort certaine. Le combat des femmes victimes de violences sexuelles pendant un conflit est une guerre après la guerre.

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