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Mariée à son violeur, elle préfère le suicide

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[image:1,l]Le Maroc est sous le choc. Une mineure de 16 ans, contrainte d’épouser l’homme qui l’avait violée, s’est suicidée samedi 10 mars. Les appels à réformer, voire abroger la loi faisant du viol un simple délit bénéficiant davantage au violeur qu’à la victime se sont multipliés et l’ampleur du mouvement de soutien a poussé le gouvernement à consacrer sa réunion hebdomadaire à ce drame humain.

« Amina Al Filali a été violée et s’est suicidée la semaine dernière à Larache, une localité proche de Tanger, pour protester contre son mariage avec l’homme qui l’avait violée », a annoncé Fouzia Assouli, présidente de la Fédération de la Ligue démocratique pour les droits de la femme, basée à Casablanca.

La jeune fille de 16 ans s’est suicidée en absorbant de la mort aux rats. Son violeur avait échappé à une condamnation en l’épousant, grâce à l’article 475 du Code pénal marocain.

L’article 475 du Code pénal mis en cause

« Quiconque, sans violences, menaces ou fraudes, enlève ou détourne, ou tente d’enlever ou de détourner, un mineur de moins de dix-huit ans, est puni de l’emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 200 à 500 dirhams. Lorsqu’une mineure nubile [en âge de se marier] ainsi enlevée ou détournée a épousé son ravisseur, celui-ci ne peut être poursuivi que sur la plainte des personnes ayant qualité pour demander l’annulation du mariage et ne peut être condamné qu’après que cette annulation du mariage a été prononcée », stipule l’article en question.

« Il faut étudier d’une manière approfondie cette situation, avec la possibilité d’aggraver les peines dans le cadre d’une réforme de l’article. Nous ne pouvons pas ignorer ce drame », a déclaré le porte-parole du gouvernement et ministre de la communication, Mustapha El Khelfi, à la presse.

Cette loi au centre du débat punit de plusieurs années de prison les viols sur mineurs mais permet à l’agresseur d’échapper à la justice s’il épouse la victime. La nouvelle Constitution nationale, adoptée en juillet, prévoit pourtant l’égalité des sexes et bannit « toute discrimination ».

Une importante mobilisation

Révélatrice d’une société partagée entre ses envies de modernités et ses bases traditionnalistes, le suicide de Amina Al Filali a provoqué une importante mobilisation, aussi bien sur la blogosphère que dans les médias.  « Nous sommes tous Amina Al Filali », clame une pétition mise en ligne sur Facebook visant à abroger l’article qualifié de « criminel ».

Car le poids de la tradition et de la religion est encore fort dans de nombreuses familles. Perdre sa virginité hors mariage peut être considéré comme un déshonneur qui mène à des arrangements, avec l’aide de la justice, pour que les filles violées se marient avec leurs agresseurs.

« C’est un cri de la société »

La ministre de la Solidarité, de la Femme et de la Famille et unique femme membre du gouvernement, Bassima Hakkaoui, a reconnu « un vrai problème » et a proposé un « débat pour réformer cette loi » lors d’une allocution sur la chaîne de télévision publique 2M.

« C’est un cri de la société », a quant à elle lancé l’ancienne ministre Nouzha Skalli. « La loi considère la mineure violée comme une criminelle bien qu’elle soit victime de la violence », a-t-elle ajouté avant de regretter « l’absence de protection en faveur des mineurs ».

Les deux femmes s’accordent à dire qu’une réforme du Code pénal est nécessaire afin de « l’adapter à la nouvelle Constitution qui interdit la violence contre les femmes et assure l’égalité des sexes ».

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