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Mayawati, la reine des intouchables, détrônée

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[image:1,l] Publiés mardi 6 mars, les résultats des élections législatives dans l’Etat de l’Uttar Pradesh, en Inde, révèlent deux surprises. D’abord, la cuisante défaite du Parti du Congrès mené par Rahul Gandhi, qui ne récolte que 28 sièges sur les 403 de l’Assemblée régionale. Le fils de Rajiv et Sonia Gandhi va devoir dire adieu, au moins dans l’immédiat, à son rêve de devenir le futur Premier ministre de l’Inde. Ensuite, le revers enregistré par la gouverneure (chief minister) de l’Etat, Mayawati, l’excentrique et scandaleuse « reine des Dalits », qui dirige l’Uttar Pradesh depuis 2007. Son parti, le Bahujan Samaj Party (BSP), n’emporte que 86 sièges. La victoire revient au Samajwadi Party (SP), qui a empoché la majorité absolue, avec 224 sièges.

Agée de 56 ans, Mayawati va devoir redonner son trône à son vieux rival Mulayam Singh Yadav, le leader du SP soutenu par les basses castes et la minorité musulmane, qui a déjà été trois fois gouverneur de l’Uttar Pradesh. Fin de partie – sans doute provisoire – pour cette icône issue de la caste des intouchables, dont l’ascension incarne à la fois tout le génie de la démocratie indienne, mais aussi sa face plus sombre, faite de populisme, de corruption et d’opportunisme.   

Culte de la personnalité

Terriblement ambitieuse et avide de richesses, Mayawati délaisse rapidement le mode de vie de ceux qu’elle entend représenter. Après avoir grandi dans un bidonville, dans une famille de huits frères et sœurs frappée par la misère, l’ancienne institutrice est devenue, au fil de sa rapide ascension, la personnalité politique la plus riche du pays.

Avec un patrimoine personnel augmenté de 400 % en quatre ans, Mayawati est largement soupçonnée de corruption et surtout, ne semble pas très qualifiée pour gérer avec autant de réussite le budget de l’Uttar Pradesh. Ainsi, la construction de statues d’éléphants (symbole de son parti, le BSP), de personnalités intouchables, ou même de Mayawati elle même a englouti près de 500 millions de dollars pendant son mandat, quatre fois plus que le budget de la santé de l’Etat… Ces dépenses inconsidérées, dans une région particulièrement pauvre, ont attiré sur elle les foudres de l’opposition et du gouvernement de New Delhi.<!–jolstore–>

Mégalomane, scandaleuse et corrompue

Loin d’être une anecdote isolée, « l’affaire des statues » révèle l’un des pires travers de Mayawati : sa mégalomanie compulsive. Envoyer un jet privé chercher ses sandales ou parader avec une guirlande de milliers de billets de banque autour du cou ne la dérange pas. Elle exhibe sa nouvelle fortune sans complexe et n’hésite pas à transformer le jour de son anniversaire en « journée de la fierté Dalit ». La coutume instaurée par elle consiste à couvrir Mayawati de coûteux cadeaux ce jour là, afin de symboliser la « réussite des intouchables ».

Un parcours opportuniste

Si le personnage fait rêver de nombreux Dalits,  d’autres y voient la dérive de leur leader vers le populisme. Les membres des hautes castes, qui ont grandement participé à l’élection de Mayawati en 2007, sont désormais peu nombreux à supporter les excentricités de la gouverneure de l’Uttar Pradesh. Pour les élections, la « reine des intouchables » esperait néanmoins pouvoir compter sur le soutien des basses castes, en jouant sur son image « antisystème » et sur la fibre sociale des « opprimés » qu’elle prétend défendre.

Si Mayawati a pu bénéficier du système de discrimination positive réservé aux basses castes pour grimper au pouvoir, elle a aussi construit sa carrière politique grâce à des alliances opportunistes, en forgeant des coalitions gouvernementales éphémères avec des partis auparavant ennemis, ce qui lui a permis de se hisser trois fois de suite, depuis 1991, à la tête de l’Uttar Pradesh.

Icône déchue mais pas brisée

Héroïne des déshérités, icône de la justice sociale et de l’égalité des sexes, elle avait suscité beaucoup d’espoirs parmi les Indiens les plus pauvres et chez les femmes. Mais son culte délirant et tyranique de la personnalité, sa gestion hasardeuse des finances publiques et la corruption qu’elle a laissé se développer auront eu raison de sa popularité.

Pour autant, les centaines de statues à son image et d’éléphants en marbre ne seront pas détruites. Elles resteront comme le témoignage de la démesure d’une femme qui avait juré de redonner aux intouchables une place dans l’histoire de l’Inde.

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