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Racistes ? Souriez, vous êtes filmés

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[image:1,l]Elles ont pour noms Les Dames de Polanco, Le Gentleman de Las Lomas et La Dame de Bosques. Trois vidéos qui, à elles seules, ont ramené au centre du débat l’épineux sujet du racisme au Mexique. Trois démonstrations de violence, trois quartiers, mais toujours le même objectif : montrer la réalité de la société mexicaine. Car dans ce pays où cohabitent différentes cultures et couches sociales, la discrimination raciale faisait rarement irruption dans les discussions, du moins ouvertement, avant qu’Internet ne vienne briser les tabous.

Une société diversifiée mais aussi hiérachisée

Le Mexique compte près de 90 langues différentes parlées par 6,7 millions de personnes – sur une population totale de 112 millions – et sa population est parmi les plus diversifiées. Aux communautés indigènes initiales, différentes vagues d’immigration en provenance d’Europe, d’Asie ou du Moyen-Orient sont venues s’ajouter au fil des siècles.

Mais si la « blancheur » évoque toujours le pouvoir et l’argent – tout comme dans le reste du continent américain d’ailleurs – être typé « noir » ou « indien » expose au contraire aux injures raciales et aux inégalités. Dans la tristement célèbre vidéo Le Gentleman de Las Lomas, l’homme d’affaires Migue Sacal Smeke s’en prend à un employé amérindien et donne tout son sens au mot raciste. Ce dernier refuse d’abandonner son poste pour l’aider à trouver un cric de voiture et devient aussitôt la cible de coups et d’injures.

« Si les femmes sont très petites, on les discrimine, on rigole d’elles, on se moque d’elles. Si elles ont la peau sombre également », confiait Blanca Velasquez, proche des femmes typées « indigènes » à la recherche d’emplois.   

Une inégalité de richesse au cœur des discriminations

La richesse « provoque la plus grande des divisions » dans le peuple mexicain, souligne un sondage réalisé en 2010 pour le Conseil national de prévention des discriminations (Conapred). Près de 60 % des sondés ont avoué que cela crée « beaucoup » de séparations – plus que la religion, l’éducation ou l’orientation sexuelle.

L’inégalité est particulièrement frappante au Mexique. Le salaire minimum tourne autour de 4$ à 5$ par jour alors que l’homme le plus riche de monde selon le magasine Forbes, le multimilliardaire et géant des télécommunications Carlos Slim, est Mexicain.

Souriez, vous êtes filmés

Mais alors que le Mexique se modernise et que la classe moyenne se développe, Internet a investi les foyers. De janvier à la mi-novembre 2011, le nombre de visionnages de vidéos en ligne a augmenté de 17 % d’après ComScore, un site internet d’analyse de tendances, faisant du Mexique le champion d’Amérique latine sur le sujet.

Une fois que les vidéos débarquent sur YouTube, elles deviennent de véritables sujets nationaux et sont reprises aussi bien dans les journaux qu’à la télévision. La première à dénoncer la discrimination raciale, Les Dames de Polanco, a pris sur le vif une ancienne reine de beauté et une ancienne star de la téléréalité en train de s’en prendre à une femme agent de police. L’une d’entre elles la traite d’« esclave salariée de merde. »

La dernière vidéo controversée change de décors et nous emmène en discothèque. Une femme hurle sur des employés de type amérindien, les menaçant de les envoyer en prison si elle ne retrouve pas son portefeuille.   

Peur des représailles et loi du silence

« Ils ne se sentent pas protégés par la loi et acceptent le pouvoir de l’argent et la hiérarchie sociale », écrivait Jose Antonio Crespo Mendoza, professeur à l’Université CIDE, dans les colonnes d’un journal consacrées au cas de l’homme d’affaires Sacal Smeke. « La scène a été enregistrée. Mais combien de scènes similaires se passent-elles chaque jour sans pour autant être dévoilées ? », s’interroge l’historien.  

Quand il s’agit d’en parler à un responsable, beaucoup hésitent par peur des représailles, soulignait Valeria Scorza, directrice adjointe du Projet économique, social et des droits culturels de la ville de Mexico, une organisation non gouvernementale. « Ce genre de cas au travail peut prendre deux années avant d’être résolu. Pendant ce temps, vous travaillez. Nous avons déjà vu des employés être inscrits sur une liste noire dans des entreprises, car considérés comme des « travailleurs à problèmes » », a-t-elle dénoncé.

Des conséquences lourdes

Sacal Smeke a dû faire face à de lourdes conséquences. Après que la vidéo a commencé à circuler, l’homme d’affaires surpris insultant et frappant un employé a envoyé une déclaration à la presse dans laquelle il précisait être en thérapie et « subir beaucoup de pression ». Cela suffit-il pour autant à justifier ses actions ?

Accusé d’attaque aggravée, il a été incarcéré à la mi-février et pourrait être condamné à une peine de 8 ans de prison. Les « Dames de Polanco » ont quant à elles payé une amende de 136 $ pour mauvais traitement envers un agent de police et la fin de leur procès approche. De son côté, la « Dame de Bosques » a eu plus de chance. Bien que la vidéo circule depuis février, son identité reste encore inconnue.   

La Conapred a déposé plainte contre Sacal Smeke en lui demandant de s’adresser aux travailleurs, d’expliquer à quel point les actes discriminatoires enfreignent la loi et d’aborder les moyens d’éviter ce genre de problèmes. Mais si l’organisme public peut légalement exiger cela des entreprises ou des institutions fédérales, il n’en va pas de même pour les  civils.

Alerté, le sénat mexicain a proposé une initiative visant à résoudre le problème. « Ce que nous pouvons faire pour ce cas est de rendre visible un sujet qui, à certains moments, n’est pas clair ou est tout simplement bouleversant. »

GlobalPost/Adaptation Antoine Le Lay pour JOL Press.

Le Gentleman de Las Lomas

Les Dames de Polanco

La Dame de Bosques

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